Paragraphe 2: La diversité religieuse en Afrique
Centrale
La diversité religieuse fait maintenant partie de la
trame sociale de toutes les sociétés contemporaines. À des
degrés divers, tous les États doivent composer avec cette
réalité qui prend d'ailleurs de multiples visages. L'Afrique
Centrale n'échappe pas à cette réalité inscrite
d'ailleurs au creux de son histoire. Aujourd'hui, cette diversité prend
des visages plus variés
93 Claudio MOFFA, « L'ethnicité en Afrique,
l'implosion de la question nationale après la décolonisation
», Publications de l'Université de Teramo, P15.
94 Claudio MOFFA, idem
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
que par le passé. La diversité religieuse s'y
manifeste de diverses manières. Son portrait se veut d'ailleurs
nuancé et complexe. Il convient de l'analyser sous le double angle de la
trame du pluralisme religieux d'une part (A), ainsi que la cohabitation
religieuse qu'elle entraine d'autre part (B).
A-La trame du pluralisme religieux
Dans le contexte de crise généralisée de
l'Afrique centrale, les religions jouent un rôle décisif dans les
processus de socialisation. Elles doivent donc être pleinement prises en
compte dans l'étude des dynamiques socio-culturelles régionales.
Par ailleurs, la sous-région est écartelée entre son
affiliation à la religion musulmane et son appartenance à la
religion chrétienne. La concurrence qu'elles se livrent souligne aussi
leur investissement idéologique, qu'il s'agisse de l'église
catholique latine, des églises protestantes anglo-saxonnes, des
nouvelles églises et sectes au succès grandissant (églises
de réveil, pentecôtismes etc.) ou de l'islam. Les conversions sont
de plus en plus nombreuses et rapidement, la présence sur un même
territoire de sujets professant des convictions religieuses différentes
pose de nouveaux défis aux autorités royales et religieuses. Ce
n'est qu'après plusieurs affrontements marqués par de sanglants
épisodes que s'instaureront les modalités d'une certaine
tolérance religieuse. L'émergence du protestantisme, puis
l'avènement de l'anglicanisme va venir briser l'hégémonie
catholique Parallèlement, l'islam, née au VIIe va rapidement se
diffuser en Afrique Centrale. Confronté à la diversité des
croyances dans les régions où il prend pied, cet islam
conquérant, après une période de domination reposant sur
les armes saura s'implanter en démontrant une relative tolérance
et permettant ainsi un certain syncrétisme. Le contact direct entre Dieu
et le croyant ainsi que l'absence de clergé favorise cette souplesse.
L'écho du pluralisme religieux joue ainsi un rôle
irremplaçable dans le fonctionnement des communautés. Avec
l'effacement de l'Etat, les institutions religieuses sont de plus en plus
présentes dans l'économie. Tel évêque se fait
entrepreneur pour améliorer l'état des routes et permettre
l'approvisionnement des marchés urbains. L' « archipellisation
» du territoire a favorisé toutes sortes d'initiatives
locales95. Par l'action des églises, les groupes sociaux
religieux s'insèrent ainsi dans des réseaux régionaux et
internationaux qui sont autant de facteurs d'ouvertures et de rapprochements
possibles.
95 Lasseur MAUD, « Cameroun: Les nouveaux territoires de
Dieu », in Afrique contemporaine, 2005/3, Numéro 215,
P.12.
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Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
Malgré un discours parfois simpliste et variable selon
les États, l'évocation du nettoyage ethnique et religieux durant
la récente crise centrafricaine ainsi que l'extrémisme violent
qui se manifeste à l'échelle sous régionale, soulignent
également l'importance accordée aux aspects religieux de la
construction d'une cohabitation soignée et harmonieuse entre les peuples
et les communautés.
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