B- La colonisation et la diversification des groupes
ethniques
Au sein des sociétés, les ethnies sont
originellement et essentiellement des catégories de désignation
identitaire mises en oeuvre par les individus et les groupes communautaires
à travers leurs interactions sociales. Cette catégorie dont la
pertinence est limitée à des conjonctures d'interaction constitue
les résultantes de processus historiques et de dynamiques sociales, dont
l'une des expressions est l'identification d'espaces définis par des
limites territoriales et spatiales. L'analyse ethnique est tronquée si
on ne l'aborde qu'en termes de subdivision des populations et des territoires.
Les appartenances ethniques participent en effet aux dynamiques linguistiques
et culturelles qui transcendent les groupes et les frontières,
constituant ainsi autant de strates pouvant entraver les processus
d'intégration91.
La période coloniale en Afrique a été
marquée par la stratégie du «diviser pour
régner». La notion de diversité liée à
l'identité ethnique était extrêmement manipulée et
systématisée dans les organes du pouvoir. Par des
«théories colonialistes de l'origine ethnique», le
divisionnisme et la discrimination devinrent même encore plus
profondément ancrés au sein des sociétés
africaines92. L'accès aux services publics, tels que
l'éducation et la fonction publique, reposait sur un système de
quotas ethniques. Les divisions ethniques faisaient partie des cours
dispensés quotidiennement à l'école. Des dirigeants
corrompus exploitaient le système à des fins politiques.
La colonisation a donc accentué les diversités
ainsi que la polarisation et les contradictions dans de nombreux pays de la
sous-région, approfondissant les clivages ethniques, compliquant
90 L'Afrique centrale, une région en retard ?,
Premier rapport d'évaluation stratégique sous
régionale du PNUD, Mars 2017.
91 Idem
92 Olivier MBODO, « Violences ethniques en Afrique »,
Revue N0715, Mars 2007.
46
Les politiques publiques de gestion de la diversité
culturelle dans les processus de construction de la paix en Afrique centrale
ainsi les questions de citoyenneté et empêchant
la réalisation de la cohésion et l'identité nationale.
Selon MOFFA C. « le pouvoir colonial avait institué un
système de classification ethnique avec des cartes d'identité
obligatoire spécifiant l'ethnie d'appartenance (...). Les
préjugés et différents qui s'y rattachent avaient
créé une division et un climat qui ont contribué à
l'instabilité (...) » 93. À cet effet, les
relations postcoloniales entre la RDC et le Rwanda comptent un nombre important
de déplacés en territoire congolais. Cela a été un
prétexte pour soutenir des groupes sociaux congolais, toute chose qui
continue de durcir les rapports conflictuels entre les deux pays.
Même si on considère que l'histoire coloniale n'a
pas vraiment figé les ensembles ethniquement identifiables dans des
limites intangibles, toute approche qui tiendrait à fixer des cadres
géographiques trop précis relèvent à la fois leur
profondeur historique et anthropologique. La multiplicité des ethnies
n'est pas en soi un obstacle au fonctionnement de l'Etat : Les ethnies ne
constituent qu'un cadre de référence identitaire parmi d'autres,
à une échelle les situant entre le groupe familial de
proximité et l'Etat. Ethnie et Etat cessent d'apparaître comme des
catégories antagonistes dès lors qu'on raisonne en termes
d'emboîtements et non d'exclusion. Les 38 groupes ethniques du Gabon
n'altèrent pas la réalité d'une identité gabonaise.
La RDC voisine du Rwanda, du Burundi et de l'Angola est composée d'une
centaine de groupes ethniques partagés avec beaucoup de pays de la
sous-région. De même, l'existence des plus de 250 ethnies
répertoriées en RDC n'est pas incompatible avec le sentiment
d'appartenir à une entité congolaise englobant. Mais le paradoxe
n'est qu'apparent, plus il y a d'ethnies et moins il y a de problème
ethnique à l'intérieur d'un Etat, aucune n'étant en mesure
de revendiquer un quelconque leadership94.
|