B. Les droits réels de jouissance innomés
objet de garantie
Il s'agit des droits réels non pas
nommés84 c'est-à-dire contenus dans un texte
législatif ou règlementaire mais plutôt
innomés85 et donc créés par des conventions
conclues par le propriétaire avec un tiers pour concéder à
ce dernier un droit de jouissance que la jurisprudence et la doctrine
s'accordent à appeler « droit de jouissance
spéciale86 ». Il peut
83 Qui doit être conséquente et
déterminer le créancier à s'en prévaloir le moment
venu.
84 Les droits réels sur les terres
nommés sont notamment le droit de propriété, le droit
d'usufruit, le droit d'usage et d'habitation, le bail emphytéotique, le
bail à construction, les servitudes et tous les droits réels
clairement désignés comme tels par une loi ou un
règlement,...
85 DRUFFIN-BRICCA S., L'essentiel de
l'introduction générale au droit, 15e éd,
Clamecy, Gualino, 20192020, p.107
86 Cour de cassation, chambre des requêtes,
13 février 1834, dans l'arrêt CAQUELARD, ladite Cour
énonçait déjà ce qui suit : « (...) les
articles 544, 546 et 552 du Code civil sont déclaratifs du droit commun,
relativement à la nature et aux effets de la propriété,
mais ne sont pas prohibitifs ; que ni ces articles, ni aucune autre loi
n'excluent les diverses modifications et décompositions dont le droit
ordinaire de propriété est susceptible... ».
Ce droit de jouissance a véritablement pris ses marques
à la suite de la décision de la 3e Chambre de la Cour
de cassation du 31 octobre 2012 (Maison de Poésie, n° 11-16304,
Bull. civ. III n°159). Cet arrêt adopte les motifs ci-après,
après avoir visé les articles 544 et 1134 du code civil : «
Attendu qu'il résulte de ces textes que le propriétaire peut
consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit
réel conférant le bénéfice d'une jouissance
spéciale de son bien »
22
Jouissance des terres et garantie
s'agir d'un simple droit d'usage qui confère à
son titulaire une certaine utilité économique. Cependant, ce
droit d'usage est dépouillé des limites imposées par le
code civil contenues aux articles 625 à 636. Quelques fois, le droit de
jouissance spéciale prend le visage d'un droit d'usufruit, pourtant,
c'est un droit d'usufruit sans ses caractéristiques principales
disposées également dans le code civil aux articles 578 à
624.
A travers le visa de l'article 1134 du code civil par la Cour
de Cassation, il se conclut que les droits réels de jouissance
spéciale sont des véritables créations des parties, pourvu
que les règles d'ordre public soient respectées. A titre
illustratif, pour la constitution de ces droits, et notamment pour ceux portant
sur les terres, la condition de validité des conventions sur les
immeubles étant le recours à un Notaire, il ne sera pas admis
qu'ils soient constitués par des actes sous-seing privé.
Les parties au contrat fondant le droit réel de
jouissance spéciale peuvent librement convenir de ce que ce droit
confère les mêmes prérogatives qu'un droit d'usufruit ou
même comme un droit d'usage et d'habitation mais tout en rendant ces
droits aliénables et donc susceptibles d'être objet
de garantie. C'est dire que les contrats peuvent être conclus
intuitu personae, ce qui ne peut donner lieu à constitution de
garantie. A contrario, les droits réels de jouissance peuvent être
concédés avec possibilité d'aliénation87
par le titulaire.
En bref, lorsqu'un droit réel de jouissance
spéciale extrait du droit de jouissance générale du
propriétaire est concédé sans réserve, il est
susceptible de faire l'objet de garantie. De même s'en trouve les autres
droits réels de jouissance que sont le droit de superficie, le bail
emphytéotique et le bail à construction. Tous ces droits
réels sont des démembrements du droit de propriété.
Toutefois, sans droit de propriété encore moins sans
bénéfice d'un de ses démembrements, l'exploitation et la
jouissance de certaines terres ne sont-elles pas possibles ? Cela est
envisagé au Cameroun dans les ordonnances fixant le régime
foncier88 et domanial89. En effet, des droits
réels peuvent être constitués sur les terres domaniales
Les auteurs suivants et bien d'autres ont abondamment
écrits sur le sujet : L. D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La
liberté de création des droits réels aujourd'hui. »
Recueil Dalloz 2013 p.53 ; J. L. BERGEL, « Droits réels de
jouissance et valorisation des biens... », in Mél. J.-L.
MOURALIS, PUAM, 2011, p. 19 ; M. JULIENNE et J. DUBARRY «
Précisions sur le droit de jouissance spéciale », note sous
arrêt Cour de cassation, 3ème civ., 28 janvier 2015, Sté
ERDF, n°14-10013, Bull. civ. III n°13.
87 L. D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La
liberté de création des droits réels aujourd'hui. »
op. cit. n°16
88 Ordonnance n°74/1 du 6 juillet 1974 fixant
le régime foncier modifié par l'ordonnance n°77-1 du 10
janvier 1977 et les lois n°s 80-21 du 14 juillet 1980 et 83-19 du 26
novembre 1983.
89 Ordonnance n°74-2 du 6 juillet 1974
modifiée par l'ordonnance n°77/2 du 10 janvier 1977 fixant le
régime domanial.
23
Jouissance des terres et garantie
appropriées ou gérées par l'Etat. Les
droits réels de jouissances des terres susceptibles de garantie
procèdent souvent des conventions et actes ou situations de fait,
portant sur les domaines, et reconnus par l'Etat comme tels.
|