Paragraphe 2 : Les autres démembrements du droit de
propriété susceptibles de garantie
Le développement et la surpopulation des villes
conduisent à l'édification des habitations très denses
obligeant le recours à des techniques juridiques spécifiques
conférant des droits de jouissance particuliers73. C'est le
cas du droit de superficie (A). Il n'est pas qu'utilisé dans les milieux
urbains pour les constructions et ouvrages mais également dans les
milieux ruraux pour les plantations et cultures pouvant être faites sur
des terres appartenant à des tiers.
Avec la liberté contractuelle, il reste consacré
que des droits réels de jouissance spéciale sur les immeubles (B)
sont davantage imaginés. Ces droits s'apparentent à des droits
d'usage et parfois se rapprochent bien plus du droit d'usufruit ou même
encore du droit de superficie et des servitudes. Leur particularité est
que suivant les stipulations contractuelles qui les fondent, ils sont
aliénables et peuvent de ce fait faire l'objet de garantie.
A. Le droit de superficie comme objet de garantie
Le droit de superficie74 est un droit réel
qu'un propriétaire appelé superficiaire exerce sur la
surface d'un fonds, dont le dessous ou tréfonds appartient à un
autre propriétaire appelé
tréfoncier75. Au regard de son
étendue76, il peut être constaté que la
qualification de propriétaire pour désigner le superficiaire est
quelque peu trompeuse, bien que la doctrine et la jurisprudence tendent
à facilement l'admettre77. La propriété dont il
s'agit est celle des
73 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°948
74 F. DUMONT, La nature juridique du droit de
superficie, Thèse, Lyon III, 2001.
75 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°946
76 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit, n°936. « Il peut porter sur toute la surface
du sol et sur tous les objets établis sur le sol, seul le sous-sol
échappant à son emprise ; il peut aussi ne porter que sur les
objets se trouvant à la surface du sol, voire seulement sur quelques-uns
d'entre eux, tels que les constructions, les plantations ou même certains
arbres isolés. Il peut encore être détaché du sol,
en profondeur ou en altitude et prend alors la forme d'un volume de
propriété. »
77 J-P. BERTREL, « L'accession artificielle
immobilière. Contribution à la définition de la notion
juridique de droit de superficie », RTD Civ 1994, p. 737
La Cour Suprême du Cameroun reconnait telle
possibilité de constitution de droit conférant lesdites
prérogatives. Elle considère que le propriétaire du sol
n'est pas nécessairement le propriétaire des plantations se
trouvant au-dessus du sol. Arrêt n°16/L du 26 nov. 1984 serie 2,
n°29, pp.403-406
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Jouissance des terres et garantie
constructions, des plantations, des ouvrages et de quelques
oeuvres établis sur la surface considérée. La
conséquence du fait de désigner comme propriétaire est
d'admettre que les prérogatives du superficiaire sont des
prérogatives de jouissance. Mais par-dessus tout, il reste
acquis qu'il a un droit aliénable, c'est un droit de disposer,
non pas de la propriété de tout l'immeuble ou des terres mais
seulement des ouvrages, constructions, plantations et toutes oeuvres qu'il aura
érigés. En France, le droit de superficie peut s'acquérir
par prescription comme la propriété des terres78
elle-même.
Dans le cadre des rapports sur la superficie, il n'y a donc
pas deux propriétaires des terres, il n'y en a qu'un seul, c'est le
tréfoncier. Sur ses terres, notamment sur le sol ou à une
certaine hauteur du sol, une personne appelée superficiaire qualifiable
de « jouisseur » exerce certaines prérogatives semblables
à celles d'un propriétaire. Le droit de superficie est
perpétuel et donc très rarement encadré dans le
temps. Le droit de superficie peut être accordé à plusieurs
personnes sous formes de volumes, chacune ayant son droit superficiaire pour un
volume déterminé, il s'agit de ce qui est appelé
volumes de propriété79. Les volumes
de propriété se distinguent de la copropriété en ce
que le sous-sol et le sol et certains volumes particuliers déterminent
les droits des superficiaires alors que la copropriété vise des
lots constitués souvent d'appartements et ne concernent jamais la
division des prérogatives sur le sol ou le sous-sol80. La
qualification de volumes de propriété pour qualifier une
catégorie particulière des droits de superficie recèle
toujours une part de tromperie pour la raison qu'elle vise à dire du
titulaire du droit de superficie qu'il est un propriétaire. Son droit
peut être perpétuel et ses prérogatives semblables à
celles d'un propriétaire mais il n'est pas un
copropriétaire81, raison pour laquelle il ne peut être
désigné propriétaire82.
Le titulaire du droit de superficie bénéficie de
larges droits qu'il devient donc assimilable à un propriétaire,
ceci fait que son droit soit saisissable et d'une valeur économique
78 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°951
79 TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les
biens, op. cit. n°948. J. LAFOND, « Volumes et
propriétés », JCP N, 2007, p. 1246.
80 V. D. SIZAIRE, « Division en volumes et
copropriété des immeubles bâtis », JCP, 1988,
I, p. 3367
81 Il s'agit d'une simple superposition de droits
réels. TERRE F. et SIMLER Ph., Droit civil. Les biens, op. cit.
n°948
82 A ce sujet, le conseil constitutionnel
français décide que le droit de superficie est une menace
à la protection constitutionnelle due à la
propriété car cette dernière est seule susceptible
d'être perpétuelle et donc de durée indéfinie. Cons.
Const. n°94-346, DC 21 juil. 1994, RTD Civ 1995, p. 656, obs.
ZENATI, JO 23 juil. 1994, 10635.
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Jouissance des terres et garantie
considérable. Mais à bien surestimer les
prérogatives du titulaire du droit de superficie d'autres aspects de ce
droit peuvent s'en trouver occulter pour au moins deux raisons :
- L'acte de constitution du droit de superficie peut contenir
une clause d'inaliénabilité, ce peut être la
volonté des parties. Mais bien plus, il peut s'agir d'un droit
révocable, ce qui le rend précaire, ce serait en vertu d'une
clause contractuelle.
- Le droit de superficie peut être limité
dans l'espace. C'est dire que bien que le propriétaire
tréfoncier dispose de larges terres, le droit du superficiaire ne peut
porter que sur une partie de ces terres.
Toutefois, le droit de superficie représente, en bien
de proportions, une utilité83 sur laquelle un
créancier peut constituer un droit de préférence pour se
faire payer en priorité en cas de réalisation mais simplement
à condition que le droit de superficie ne soit pas excessivement
limité dans le temps et dans l'espace et qu'il ne soit pas facilement
révocable et frappé d'inaliénabilité. Il en
découle que les droits réels de jouissance constitués sur
les terres sont fonction des stipulations contractuelles qui les constituent.
C'est la résultante du développement récent du droit de
jouissance spéciale que reconnait la Cour de Cassation française
qui fonde sa décision sur des dispositions relatives à la
liberté contractuelle, en vigueur au Cameroun.
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