CHAPITRE 1 : L'INCONSISTANCE PAR LE RECOURS DEMESURE
AUX REGLES DU REGIME DE L'HYPOTHEQUE DE L'IMMEUBLE
L'hypothèque de l'immeuble porte sur un bien qui
inspire suffisamment confiance. Elle a aussi un régime mieux
organisé que d'autres garanties. Tout ceci concourt à faire
d'elle la préférence des prêteurs. C'est donc la garantie
favorite parce que l'immeuble a une valeur économique facilement
déterminable et également, l'immeuble est fixe. Peu à peu
les préférences changent mais dans des pays comme le Cameroun, il
est difficile de solliciter du crédit sans brandir un titre foncier en
vue de constituer sur celui-ci une garantie de remboursement au profit du
fournisseur du crédit. Les biens meubles auraient moins de valeur sinon
ils seraient considérés comme volatiles et suffisamment pas
maîtrisables. La confiance est ce que recherche le prêteur. Il ne
peut la placer en ce qui ne lui est pas contrôlable. Même le droit
de suite conféré à toutes les garanties n'est pas
rassurant quant il s'agit d'un meuble. Les terres qui sont des immeubles
constituent en tout cas les meilleurs moyens de garantie à travers
l'hypothèque.
Quelles sont ainsi les règles de l'hypothèque de
l'immeuble ? Toute garantie a un instant de constitution, un temps de vie et
une fin. L'hypothèque, quel que soit le mode de constitution,
obéit à un régime presque uniforme. Le mode de
constitution est triple. L'hypothèque est constituée soit par un
acte des parties, généralement reçu par un Notaire, soit
par une disposition de la loi, reconnue par une décision de justice,
soit fondamentalement par une décision de justice elle-même.
Le temps de vie de l'hypothèque est
caractérisé par la non dépossession du constituant et la
mise à sa charge de l'obligation de non dépréciation de la
valeur de l'immeuble. Cette dépréciation est en principe
envisagée aussi bien matériellement187 que
juridiquement188. Le non- respect peut précipiter
l'exigibilité de la créance et ainsi provoquer la
réalisation de la garantie. Le temps de vie peut être
impacté par les modifications qui surviennent relativement à la
créance, il s'agirait de la diminution de sa valeur et d'autres effets
comme des mouvements de transmission. La fin de l'hypothèque est
marquée par la réalisation de l'hypothèque qui peut
être évitée lorsque des causes propres ou
extérieures à la créance
187 Le débiteur doit garder l'immeuble dans
l'état dans lequel l'immeuble est hypothéqué. Les
détériorations sont prohibées mais les
améliorations sont vivement encouragées. F. FRENETTE, « De
l'hypothèque : réalité du droit et métamorphose de
l'objet. » Les Cahiers de droit, 39(4), 1998, pp.803-822
188 La dépréciation juridique est le cas
où le constituant concède un droit réel à un tiers,
ce droit n'étant pas la propriété.
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Jouissance des terres et garantie
permettent l'extinction de l'hypothèque. Toutes ces
modalités régissent-elles l'hypothèque de la jouissance
des terres ? Sur des éléments majeurs, les deux formes
d'hypothèque peuvent être régies par les mêmes
règles. En conséquence, il faut considérer que les
règles de constitution de l'hypothèque de l'immeuble s'appliquent
à l'hypothèque de la jouissance des terres (Section 1). Il en est
de même des règles relatives aux effets et aux modes de
transmission et d'extinction (Section 2).
SECTION 1 : LE RECOURS AUX REGLES DE CONSTITUTION
DE
L'HYPOTHEQUE D'IMMEUBLE
La constitution désigne principalement « soit
un corps de règles (la Constitution d'un État), soit le texte qui
les consacre, soit une opération ou un acte juridique établissant
une situation, soit le document écrit qui constate cet
acte189 ». Envisagée comme une
opération ou un acte juridique établissant une situation, la
constitution, de l'hypothèque, est le point marquant l'existence de la
garantie. Les modes de constitution de l'hypothèque de l'immeuble sont
les mêmes pour l'hypothèque de la jouissance des terres
(Paragraphe 1). Quel que soit le mode de constitution, l'hypothèque doit
être inscrite. Les règles de publicité (Paragraphe 2)
doivent donc être vues par la suite.
Paragraphe 1 : les modes de constitution de
l'hypothèque
L'hypothèque comme droit réel de second
degré tire sa source de quelques fondements (A). Lesdits fondements
prennent tous en compte certaines règles pour incontestablement valoir
constitution de l'hypothèque (B)
A. Les fondements de constitution
Un fondement représente le motif juridique, la base
légale, ou le moyen de justification190 d'une situation
ou d'un droit. L'hypothèque est un droit réel accessoire qui doit
trouver sa justification dans un acte juridique spécifique. La base
juridique peut être soit une convention, soit
une disposition légale, soit enfin une
décision de justice.
L'hypothèque par voie de convention est dite
hypothèque conventionnelle. Elle est le fruit d'un « contrat
conclu entre le créancier qui bénéficie de la garantie et
le constituant qui la concède sur un ou plusieurs de ses
immeubles191 ». La voie ordinaire de constitution
189 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.251
190 Idem p.469
191 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°12
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Jouissance des terres et garantie
de l'hypothèque est le contrat. Les règles
régissant les exigences à respecter pour former cette
hypothèque est reprise pour d'autres types. En effet, «
à quelques nuances près, l'inscription et les effets de
l'hypothèque conventionnelle forment un droit commun à toutes les
sûretés immobilières. »192 C'est sans
doute la raison pour laquelle elle ne peut manquer d'être reprise comme
mode de constitution de l'hypothèque de la jouissance des terres.
L'hypothèque peut par ailleurs être
constituée de manière forcée c'est-à-dire en
dehors de toute convention des parties et donc soit en vertu d'une loi,
soit en vertu d'une décision de justice193. Pour le
premier cas, il s'agit de l'hypothèque dite légale.
L'hypothèque judiciaire constitue le second cas.
L'hypothèque peut être constituée avec
pour base la loi sur les garanties et par d'autres lois. Dans la zone OHADA, il
y a l'hypothèque légale de la masse des
créanciers194, l'hypothèque légale du vendeur,
de l'échangiste et du copartageant, elle bénéficie aussi
à celui qui fournit des deniers pour l'acquisition d'un immeuble vendu,
échangé ou copartagé195, l'hypothèque
légale des architectes, entrepreneurs et autres personnes
employées pour édifier, réparer ou reconstruire des
bâtiments ainsi que ceux fournissant des deniers pour payer ces
professionnels196. Dans les législations nationales, on
peut aussi trouver l'hypothèque légale du conjoint sur
l'immeuble de son époux et l'hypothèque légale du
mineur sur l'immeuble de son tuteur.
En effet, soit ces hypothèques sont conventionnellement
constituées par les parties, soit le créancier saisit la
juridiction compétente pour ordonner la prise d'inscription de
l'hypothèque indiquée. Sans doute, lorsque l'assiette de la
garantie est un droit réel de jouissance des terres, la loi n'exclut pas
que ces hypothèques légales soient constituées sur ledit
droit, pourvu que les mêmes conditions soient réunies.
En outre, l'hypothèque judiciaire est celle
constituée par une décision de justice hors des cas
d'hypothèques légales ci-avant énumérées,
pour garantir des créances diverses197. La juridiction
compétente du lieu de situation de l'immeuble apprécie
l'opportunité de constitution de l'hypothèque à la
requête du créancier. Il n'est pas interdit que la juridiction
192 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°660
193 Article 209 de l'AUS
194 Article 210 de l'AUS
195 Article 211 de l'AUS
196 Article 212 de l'AUS
197 Article 213 et suivants de l'AUS
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Jouissance des terres et garantie
compétente ordonne la prise d'inscription
hypothécaire sur un droit réel de jouissance des terres.
Tous les modes de constitution de l'hypothèque de
l'immeuble sont admis pour constituer des hypothèques portant sur les
droits de jouissance des terres. Il y a ainsi l'hypothèque
conventionnelle, l'hypothèque légale et l'hypothèque
judiciaire de jouissance des terres. Il reste que l'hypothèque ne se
constitue pas sans observation préalable de certaines exigences.
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