Paragraphe 2 : Les caractères tenant à
l'obligation garantie
L'hypothèque de la jouissance des terres est
constituée pour assurer le paiement d'une obligation principale. Il
s'agit d'une créance. Une créance est une obligation
considérée du côté actif, par opposition à
dette. C'est un droit personnel en vertu duquel une personne nommée
créancier peut exiger d'une autre nommée débiteur
l'accomplissement d'une prestation de donner, de faire ou de ne pas faire
quelque chose165. L'hypothèque est intimement
liée à l'obligation qu'elle garantit puisqu'il s'agit d'un droit
réel accessoire c'est-à-dire un droit qui suit le sort du
principal qui est la créance. Naturellement donc, la garantie est
accessoire à la créance garantie (A). Tout de même, la
question se pose de savoir si l'hypothèque de la jouissance des terres
est vraiment accessoire à l'obligation qu'elle garantit.
L'institution de cette hypothèque sur les droits réels de
jouissance des terres domaniales fait observer un mécanisme nouveau,
c'est celui d'une spécialité de la créance garantie par
l'hypothèque de la jouissance des terres (B).
A- Le caractère accessoire des garanties aux
créances garanties
164 L D'AVOUT et B. MALLET-BRICOUT, « La liberté
de création des droits réels aujourd'hui. » Recueil Dalloz,
2013, n°16
165 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.285
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Jouissance des terres et garantie
Que ce soit l'accessoire par production ou plutôt
l'accessoire par affectation166, le sort d'un accessoire est bien
rarement autonome à l'égard du principal. L'accessoire est
défini comme ce qui est lié à un élément
principal, mais distinct et placé sous la dépendance de celui-ci,
soit qu'il le complète, soit qu'il n'existe que par
lui167. La théorie de l'accessoire met donc en
lumière deux éléments, l'un principal et l'autre
accessoire. Le mécanisme de l'accessoire reconnu aux garanties des
créances par la jouissance des terres est le même.
En effet, il y a une créance mise au passif du
débiteur qui a bénéficié d'un crédit. Le
débiteur est tenu de payer. Le créancier titulaire de la
créance a contre le débiteur ce qui est appelé un
droit de gage général168. Ce droit lui permet
de saisir n'importe lequel des biens de son débiteur pour se faire
rembourser de la valeur exacte de sa créance169. La multitude
des créanciers à la solde du débiteur peut mettre le
créancier en mal, il peut réaliser un bien et ne rien recevoir du
produit de sa réalisation ou plutôt recevoir une part infirme de
ladite réalisation. C'est ainsi que les garanties viennent avec un
attribut particulier pour leurs bénéficiaires. Il s'agit du
droit de préférence. Tant qu'un bien sur lequel un
créancier a un droit de préférence est
réalisé, ledit créancier utilise son droit de
préférence pour être payé en priorité
à d'autres créanciers qui n'ont pas une préférence
mieux classée. C'est par ce droit de préférence
ajouté au droit de gage général qu'un auteur
préfère reconnaître la spécialité de
l'hypothèque170 et donc des garanties de manière
générale.
Le droit réel accessoire que constitue la garantie
n'existe que par la créance principale. Le caractère accessoire
de la garantie a notamment deux sens. Dans le premier sens, il signifie que
tous les effets de la créance sont reportés sur la garantie. Ces
effets sont ressentis à la transmission, à l'extinction et
à l'opposabilité des exceptions propres à la
créance garantie. Dans le second sens, il signifie que la valeur de la
garantie ne peut pas être supérieure à la créance en
principal, intérêts et frais. C'est la mise en oeuvre du
principe qui postule le non enrichissement du créancier et le non
appauvrissement du débiteur du fait des garanties. En clair, les
garanties sont en principe celles qui s'ajoutent au rapport d'obligation, elles
n'en sont jamais la conséquence171. C'est pour cette raison
qu'elles sont
166 G. GOUBEAUX, La règle de l'accessoire en droit
privé, op. cit. n°23
167 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.11
168 Article 2093 du code civil applicable au Cameroun.
169 I. L. MENDJIEM, « Régime général
des sûretés », in Encyclopédie de l'OHADA,
Porto Novo, Lamy, 2011, n°8
170 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°94
171 I. L. MENDJIEM, « Régime général
des sûretés », op. cit. n°23
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Jouissance des terres et garantie
des droits réels accessoires alors que le droit de gage
général a d'ailleurs une nature difficile à
déterminer. « Le droit de gage général n'est pas
un droit patrimonial ; il est inclassable : il n'est ni un bien, ni une
obligation. Il est le lien entre les biens et les obligations du
débiteur : la contrainte sociale.172 »
Par nature, l'hypothèque contribue à
réaliser cette contrainte sociale au moyen de son attachement à
une créance déterminée, avec des bénéfices
particuliers que sont le droit de préférence et le droit de
suite, créance dont l'hypothèque suivra les modalités et
mouvements éventuels. Est-il possible d'envisager une limitation des
créances pouvant être garanties par l'hypothèque ? Le droit
de gage général bénéficie à toute
créance sans distinction. La question ci-avant amène à
savoir si l'hypothèque est susceptible d'être constituée
pour n'importe quelle créance que ce soit. Il est constatable qu'il y a
une sorte d'exclusion de certaines créances de l'assiette de
l'hypothèque des droits de jouissance des terres
déterminés.
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