SECTION 2 : LES CARACTERISTIQUES DE L'HYPOTHEQUE DE
LA JOUISSANCE DES TERRES
Lorsque l'hypothèque porte sur des droits réels
immobiliers et ceux conférant particulièrement droit de
jouissance, la nue-propriété exclue, ses caractéristiques
peuvent
1°) Celui qui ne possède pas d'immeubles
présents et libres ou qui n'en possède pas en quantité
suffisante pour la sûreté de la créance peut consentir que
chacun de ceux qu'il acquerra par la suite sera affecté au paiement de
celle-ci au fur et à mesure de leur acquisition ;
2°) Celui dont l'immeuble présent assujetti
à l'hypothèque a péri ou subi des dégradations
telles qu'il est devenu insuffisant pour la sûreté de la
créance le peut pareillement, sans préjudice du droit pour le
créancier de poursuivre dès à présent son
remboursement ;
3°) Celui qui possède un droit réel lui
permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui, sur le
domaine public ou sur le domaine national peut hypothéquer les
bâtiments et ouvrages dont la construction est commencée ou
simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci,
l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles
constructions édifiées au même emplacement. »
150 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°6
151 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit.
Résumé.
152 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°13 et 14.
Quelques lignes après l'auteur écrit ceci : « Bien
qu'elle (l'hypothèque) ne participe pas à atteindre le même
but que l'obligation et qu'elle ne soit que l'accessoire du droit de gage
général, elle ne peut s'en détacher »
n°34
40
Jouissance des terres et garantie
être changées. Le cas échéant, en
plus des caractéristiques évoquées ci-haut, d'autres
caractéristiques peuvent s'ajouter.
Les droits réels de jouissance sur les terres
confèrent au profit de leurs titulaires un bénéfice
économique généré pendant un temps
déterminé. C'est sur ce bénéfice qu'est
placée la confiance du prêteur qui pourra assurer le remboursement
de sa créance au moyen de l'appropriation dudit bénéfice
économique. Très souvent, sa créance est née
à l'occasion de l'acquisition desdits droits réels de jouissance
des terres. Il semble être envisagé que la garantie au moyen de la
jouissance des terres participe de la reconnaissance au profit du
créancier d'une préférence attachée à sa
créance parce cette créance a permis l'exercice du droit de
jouissance par le débiteur qui constitue un enrichissement.
Ainsi, cet enrichissement doit pouvoir assurer le paiement de l'obligation dont
il est la conséquence directe153.
Les caractéristiques propres à
l'hypothèque de la jouissance des terres à envisager tiennent
d'une part à la nature de l'objet de la garantie (Paragraphe 1) qui est
donc nécessairement la jouissance des terres même. D'autre part,
les caractéristiques à relever tiennent à l'obligation
dont la garantie (Paragraphe 2) est l'accessoire.
Paragraphe 1 : Les caractères tenant à la
nature de l'objet donné en garantie
Excepté le droit de superficie qui peut être
perpétuel, les autres droits réels de jouissance des
terres ne revêtent pas ledit caractère. Ce sont des droits
temporaire et précaire. Ainsi, la garantie a un caractère
temporaire et précaire (A). Ce sont des défauts qui affectent la
garantie constituée par le moyen desdits droits pour donc la rendre
limitée (B).
A- Caractère temporaire et précaire
Un droit de jouissance est généralement temporaire
et précaire.
Le temporaire est ce qui n'a pas vocation à
l'éternité ou à la perpétuité. Le droit de
propriété est l'exemple de droit perpétuel, il ne se
prescrit pas par le non usage et survit à la mort de son titulaire,
c'est-dire qu'il est transmissible. Mais le droit de propriété
n'est pas le seul droit transmissible. D'ailleurs, sans la condition de
transmissibilité, aucun droit réel de jouissance des terres ne
peut constituer l'assiette d'une hypothèque. L'avantage avec
l'utilisation de l'immeuble comme bien ou de la propriété du bien
comme garantie est le fait qu'il n'est pas soumis à la condition de
temporalité que connaissent certains droits réels de jouissance
des terres.
153 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°601
41
Jouissance des terres et garantie
Le bail emphytéotique comme le bail à
construction sont des droits temporaires bien qu'étant souvent de
très longue durée. L'autorisation d'occupation ou d'exploitation
du domaine public artificiel déclassé154 comme la
concession provisoire sont également temporaires. Le droit des occupants
et exploitants du domaine national avant le 05 août 1974 n'est pas
temporaire, c'est certainement parce qu'il s'agit d'un droit de
quasi-propriété immobilière155 puisque
l'immatriculation conduit à transformer le droit de jouissance en droit
de propriété complet c'est-à-dire perpétuel et
absolu.
Le droit de superficie est très souvent un droit
perpétuel aussi, mais il est possible qu'il soit constitué
à travers un contrat de bail à construction ou à travers
un contrat de bail emphytéotique156. Clairement donc le droit
de superficie est un droit qui peut découler d'autres droits
réels157. Il peut même être la résultante
d'un contrat de jouissance innomé. Dans cette dernière
catégorie de droits, on trouve plusieurs droits réels hybrides et
mixtes empruntant aux caractères des uns et des autres droits
réels nommés. La condition pour que ces droits puissent
être admis comme objet de garantie est la libre cessibilité qui
doit être convenue ou déterminée implicitement. Il demeure
que les droits réels de jouissance des terres sont des droits
temporaires et de même en est donc la garantie dont ils peuvent
constituer l'assiette.
La précarité est le caractère de
ce qui est librement révocable au gré du maître d'une chose
(administration158, propriétaire)159. Cette
définition sied directement au droit de jouissance des terres.
D'ailleurs l'exemple que donne le Vocabulaire est la précarité
d'une occupation, il est entendu que la jouissance des terres est une
occupation. De ce fait donc, le caractère précaire de la garantie
tient à ce que le droit sur lequel elle porte étant une
concession, il est susceptible d'être restitué à son
véritable propriétaire à tout moment. Ceci est possible
lorsque le terme n'est pas certain160 ou lorsque les obligations du
titulaire du
154 Article 14 alinéa 5 du décret du 11 août
2015.
155 I. L. MIENDJIEM, La situation des occupants du domaine
national, Thèse, Université de Yaoundé 2, 2008,
Résumé.
156 F. TERRE et Ph. SIMLER, Droit civil. Les biens, op.
cit. n°950
157 Idem
158 En vertu de l'article 10 de l'ordonnance fixant le
régime domanial, l'Administration des Domaines a notamment un droit de
reprise. L'article 8 du décret fixant les modalités de gestion du
domaine national évoque la fin de la concession provisoire en cas de
faillite du concessionnaire ou de mise de la société
concessionnaire sous procédure collective.
159 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.786
160 Cas des droits réels viagers.
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Jouissance des terres et garantie
droit de jouissance ne sont pas remplies, entre autres le cas
des droits réels concédés sur les terres domaniales. La
précarité ne doit pas être exagérée car
lorsque la révocation du droit de jouissance est abusive,
l'indemnité compensatoire d'éviction devient de plein droit
l'assiette de la garantie161.
L'hypothèque de jouissance des terres est
considérablement entachée des caractères propres à
la jouissance des terres dont les plus remarquables sont le caractère
temporaire et le caractère précaire. La conséquence est
que l'hypothèque de la jouissance des terres, tout comme la jouissance
des terres elle-même, est limitée.
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