B- L'indivisibilité et la
spécialité de l'hypothèque
L'indivisibilité et la spécialité de
l'hypothèque sont admises pour protéger le créancier et le
débiteur, l'un contre l'autre, et les tiers à cette relation.
L'indivisibilité désigne l'état de ce qui ne
peut être divisé et doit être envisagé dans son
ensemble139. L'hypothèque est indivisible par nature
et subsiste totalement sur les immeubles affectés jusqu'à complet
paiement et malgré la survenance d'une succession140.
Sont concernés par l'indivisibilité, l'assiette de la
garantie c'est-à-dire l'immeuble ou les droits réels
immobiliers et aussi la créance garantie.
L'assiette est indivisible dans la mesure où tous les
immeubles ou les droits réels immobiliers affectés à la
garantie de la créance répondent de la totalité de cette
créance.
135 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°631
136 G. PIETTE, « La possession en droit des
sûretés », Dr. et patr. nov. 2013, p. 58 s.
137 M. MIGNOT, « La nature juridique du gage immobilier
», LPA, 4 déc. 2014, n° 242, p. 7.
138 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°499
139 S. GUINCHARD et Th. DEBARD (Sous la direction de),
Lexique des Termes Juridiques, op. cit. p. 1117
140 Article 193 de l'AUS
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Jouissance des terres et garantie
Dans ce cas, l'un quelconque des immeubles ou des droits
immobiliers contenus dans l'assiette peut être réalisé sans
opposition141 du constituant ou même de ses ayants droit.
La créance garantie est indivisible à double
sens142, passivement et activement. De manière
passive, les héritiers du constituant sont tenus au
désintéressement du créancier. Et notamment, lorsque l'un
quelconque d'entre eux a bénéficié de l'immeuble
hypothéqué dans sa part successorale, l'hypothèque sera
réalisée sur cet immeuble. Ledit héritier pourra se
retourner contre ses cohéritiers pour le surplus payé sur la
dette, qu'il a lui-même héritée. De manière
active, les héritiers du créancier et l'un quelconque
d'entre eux a le droit de poursuivre la réalisation de
l'hypothèque constituée au profit du de cujus dont il
est l'ayant droit.
Comme l'indivisibilité, de même, la
spécialité de l'hypothèque tient
doublement143 c'est-à-dire quant à l'assiette de
la garantie et quant à la créance garantie.
L'assiette de la garantie est l'immeuble ou un droit réel immobilier.
Cette assiette doit être déterminée dans l'acte de
constitution de l'hypothèque ou tout au moins, cette assiette doit
être déterminable. La spécialité de la
créance garantie144 est perçue dans le sens où
elle doit également être déterminée ou tout au moins
déterminable145.
Il y a une forte tendance à la relativisation de la
spécialité de l'assiette de l'hypothèque146 et
certains annonçaient en France son déclin147 avant de
la voir être maintenue par la réforme. Cette relativisation est
aujourd'hui ce qui fait admettre l'hypothèque des biens immeubles
à venir148 prévue en trois cas à l'article 203
de l'AUS149. D'ailleurs pour un auteur, la
141 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°8
142 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°8
143 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°10
144 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°43
145 Il s'agit d'une énonciation de l'article 204 de
l'AUS. Un auteur admet que cette énonciation qui se rapproche de
l'hypothèque rechargeable serait à même de rendre attractif
l'hypothèque en droit OHADA. BRIZOU BI M, « L'attractivité
du nouveau droit OHADA des hypothèques », Droit et
patrimoine, n°197, novembre 2010, p.86
146 L'avènement de l'hypothèque rechargeable en
France participe de cette relativisation puisque l'hypothèque
rechargeable est constituée sans que la créance ne soit
véritablement déterminée.
147 P. CROCQ, « Le principe de spécialité
des sûretés réelles : chronique d'un déclin
annoncé », Droit et patrimoine, avril 2001, p. 63
148 S. TANAGHO, « L'hypothèque des biens à
venir », RTD Civ. 1970, p. 441, n°1.
149 Cet article énonce ce qui suit : «
...L'hypothèque peut être consentie sur des immeubles à
venir dans les cas et conditions ci-après :
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Jouissance des terres et garantie
survivance du principe de spécialité n'a pas
été perçue comme d'un avantage certain au système
civiliste150. Pour l'auteur c'est la conséquence du fait que
le principe de spécialité a été mal exploité
depuis son adoption dans le code civil en 1804151. D'après
DAUCHEZ, la mauvaise exploitation dont s'agit tient au fait que la doctrine et
la jurisprudence associaient l'hypothèque au droit des biens et au droit
des obligations desquels il faut plutôt l'envisager comme
séparée et la rattacher au droit de gage général
qu'elle surabonde152.
L'objet sur lequel porte l'ensemble des garanties
immobilières est le même, c'est la terre, un bien immeuble. Mais
chaque garantie a une assiette qui lui est propre, c'est la valeur directement
affectée au bénéfice d'un créancier pour être
remboursé en cas de défaillance du débiteur. Pour
l'hypothèque connue généralement, son assiette est
constituée par l'immeuble ou les terres avec toutes ses valeurs. C'est
très peu connu que cette hypothèque peut aussi avoir pour
assiette des droits réels dits de jouissance des terres. Il a
été vu que c'est dans le sillage de la spécialité
que les droits réels immobiliers dont font partie également les
droits de jouissance des terres ont été prévus. C'est dire
en effet que ces droits et la garantie portant sur eux revêtent une
spécialité. Cette spécialité de la garantie ne peut
être révélée qu'à travers ses
caractéristiques.
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