Paragraphe 2 : Les caractéristiques communes
à l'hypothèque de l'immeuble et à l'hypothèque des
droits de jouissance des terres
L'hypothèque est accessoire126
à la créance qu'elle garantit127, c'est une
caractéristique commune à toutes les garanties, à
l'exception de celles personnelles comme la garantie autonome et la contre
garantie. Il ne sera pas revenu sur cette caractéristique. D'autres
126 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°400
127 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », in
Encyclopédie du droit OHADA, Porto - Novo, Lamy, 2011,
n°2
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Jouissance des terres et garantie
caractéristiques des garanties sont :
l'indivisibilité et la spécialité128 (B). Cette
dernière est très souvent avancée pour être un
élément distinctif de l'hypothèque129
puisqu'elle l'a originellement inspiré. En distinguant
l'hypothèque de l'autre garantie qu'est le gage immobilier retenu en
France, il se manifeste que la non dépossession (A) du constituant
constitue également sa caractéristique. La non
dépossession130 est souvent envisagée par certains
auteurs comme effet de l'hypothèque131 et cela n'est pas
faux. En effet, elle n'est pas exclue comme caractéristique de
l'hypothèque, elle participe donc de sa nature juridique.
A- L'hypothèque, une garantie sans
dépossession du constituant
Une garantie sans dépossession est une garantie
constituée sans que le débiteur ne soit privé de la
détention matérielle et de l'usage du bien qui en est
l'objet132. Cette définition n'envisage la
dépossession que pour le cas d'une garantie constituée par le
débiteur lui-même. Le « débiteur » doit
dans ce cas être entendu comme le constituant, ce dernier est très
souvent le véritable débiteur de l'obligation principale. Mais le
« débiteur » peut aussi être un tiers, une
caution réelle par exemple, cette dernière est la
débitrice de l'obligation du premier en cas de sa défaillance,
c'est donc le « débiteur par accessoire. »
La dépossession était la caractéristique
principale du gage dans le code civil. Dans l'espace OHADA, l'avènement
de l'AUS en 1997 a fait maintenir cette caractéristique du gage mais la
réforme de décembre 2010 l'abandonne. En France, cet abandon est
intervenu dans le cadre de la réforme du droit des sûretés
par l'ordonnance du 23 mars 2006. Le gage immobilier reste à nos jours
l'exemple topique de la sûreté avec
dépossession133. Son avantage est d'opérer,
directement au profit du créancier, possession d'un immeuble
déterminé sur lequel, en percevant les loyers ou en jouissant
d'une manière quelconque, il assure directement le remboursement du
crédit qu'il a consenti134.
En droit OHADA, cette option n'a pas été
retenue, il en est que seule l'hypothèque est admise sur les immeubles
et les autres droits réels immobiliers. Dans le cadre de
l'hypothèque, la dépossession est remplacée par la
publicité dont l'importance n'est plus à
128 Y. R. KALIEU ELONGO, « Hypothèque », op.
cit. n°7
129 C. DAUCHEZ, Le principe de spécialité en
droit des sûretés réelles, op. cit. n°6
130 La remise du titre foncier n'est en rien signe d'une
dépossession.
131 Ph. MALAURIE et L. AYNES, Droit civil. Les
sûretés, op. cit, n°414
132 G. CORNU, Vocabulaire Juridique, op. cit. p.344
133 Article 2387 du code civil français.
134 Article 2389 du code civil français.
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Jouissance des terres et garantie
démontrer. Pour AYNES et CROCQ, l'hypothèque et
la publicité forment un « couple nécessaire
»135. La non dépossession du débiteur de ses
terres et des droits réels immobiliers lui permet d'épuiser son
crédit sur l'immeuble, il n'est pas faux que même étant mis
en gage (cas du gage immobilier notamment), le débiteur peut
également hypothéquer son immeuble. La différence entre
les deux garanties est que la dépossession dans le cadre du
gage136 permet directement le remboursement de la créance
alors que l'hypothèque ne peut être réalisée qu'en
cas de défaillance du débiteur et certainement à un moment
lointain de la constitution.
Ce que laisse observer le mécanisme de gage
immobilier137 est le fait que c'est la jouissance des terres qui est
affectée à la garantie de la créance138 et ce
dès sa constitution. Cette garantie n'épuise pas l'immeuble
puisque le créancier est tenu de le restituer en cas de complet paiement
de sa créance. L'hypothèque de la jouissance des terres adopte
les techniques de l'une et de l'autre garantie immobilière
prévues par le code civil français, mais elle n'a pas
été conçue dans le sens de constituer une
troisième. C'est pourquoi les autres caractéristiques de
l'hypothèque de droit commun lui demeurent acquises.
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