2. Difficultés pédagogiques
Le volet pédagogique ressort les difficultés
liées à l'organisation des enseignements des classes passerelles.
Ces difficultés sont relatives aux acteurs et au contexte
d'apprentissage.
2.1. Conception difficile des curricula
La conception de curriculum par les promoteurs a d'abord
constitué un défi vu la particularité du dispositif. Si
les promoteurs ont pu bénéficier des expériences des pays
sahéliens (Mali, Burkina et Niger) en la matière, l'adaptation au
milieu ivoirien a exigé beaucoup d'esprit critique et un diagnostic
environnemental plus profond. En outre, le curriculum a subi des ajustements
entre le projet pilote de 2006/2007 et les projets qui ont suivi plus tard. Ce
changement s'est opéré au niveau des disciplines
enseignées, de la méthode d'évaluation et de l'encadrement
des animateurs.
2.2. Divergence de perception du concept « classe
passerelle »
L'étude a permis de comprendre qu'il existe des
divergences de perception du concept « classe passerelle » à
plusieurs niveaux. Ces différences de compréhension du concept
« classe passerelle » se manifestent au niveau des acteurs
251
comme les ONG EPT et NRC, les parents, les directeurs
d'école les enseignants, les structures déconcentrées du
MENET et le MENET.
Au niveau des ONG promotrices (EPT et NRC), la distinction ne
semble pas suffisamment établie entre la classe multigrade et la classe
passerelle. Cela a juste titre, car une classe multigrade regorge aussi des
apprenants hétérogènes en termes de niveau d'apprentissage
tout comme la classe passerelle. C'est le critère de l'âge
avancé des apprenants et le statut non-formel de la classe passerelle
qui semble être la particularité de celle-ci.
Au niveau des promoteurs, certains acteurs qualifient le
modèle EPT de classe multi-âge, car les enfants de neuf à
treize ans sont dans la même salle et reçoivent les mêmes
enseignements. Selon ces acteurs, ledit modèle ne rentre pas dans le
cadre des classes passerelles. Cependant, les promoteurs EPT soutiennent qu'il
s'agit là de « la classe passerelle authentique. » Le guide de
la mise en oeuvre des classes passerelles devrait aider à
résorber cette incompréhension.
Au niveau des parents d'élève, la classe
passerelle est perçue comme une seconde chance de scolariser leurs
enfants. Ils espèrent au bout du processus, des retombées
économiques dans le long terme comme pour la plupart des parents en
Afrique. Cette idée transparaît dans les propos de ce parent
d'élève rencontré en 2008 à Tabako dans le
département de Bouaké : « Nos enfants vont enfin à
l'école. Nous avions perdu tout espoir de scolariser nos enfants. EPT
nous a sortis du désespoir à travers les classes passerelles.
J'espère que nos enfants seront de grands types dans ce pays, un jour.
Merci à EPT et ses partenaires. »
Au niveau des directeurs d'école et des enseignants, la
classe passerelle est d'abord perçue par certains comme une
opportunité de décongestionner les classes conventionnelles ayant
des effectifs pléthoriques. Ensuite, elle est considérée
comme un réceptacle des élèves en situation de
décrochage. Enfin une troisième catégorie qui en a une
bonne perception utilise la classe passerelle pour recruter les enfants ayant
l'âge avancé ou ayant décroché ou n'ayant jamais
fréquenté.
252
Le MENET perçoit la classe passerelle comme un levier
de la mise en oeuvre de la politique d'Education Pour Tous (EPT). Dans cette
perspective, la classe passerelle intègre une stratégie globale
d'extension de l'accès à l'éducation. Le MENET la traduit
dans le PAMT 2012/2014 en ces termes :
de nombreux enfants ivoiriens en âge d'être
scolarisés ne le sont pas. Pour ceux d'entre eux qui ont quitté
précocement le cycle primaire, ou qui n'y ont pas encore eu accès
malgré plusieurs années de retard sur l'âge
théorique d'entrée en CP1, il existe des expériences de
« classes passerelles » leur permettant de suivre le cursus qui leur
a fait défaut de façon accélérée, puis de
rejoindre les classes ordinaires. Ces classes passerelles sont aujourd'hui
mises en oeuvre à petite échelle par des ONG selon des
modalités qui leur sont propres et qui sont difficilement transposables
dans le secteur public. Ces expériences montrent toutefois
l'étendue des possibilités pédagogiques. La
stratégie du MEN à cet égard consiste à
étendre la couverture des classes passerelles, en s'appuyant encore sur
le concours des ONG dans une première phase, tout en demandant à
ces dernières de développer des formules
susceptibles d'être, à terme,
employées dans le cadre des écoles
pu-bliques.291
Certaines structures déconcentrées du MENET
considèrent les classes passerelles comme un domaine
réservé aux ONG. Par conséquence, elles ne s'approprient
pas le sujet à 100%. Cela entraîne un manque de suivi des classes
passerelles, un manque de traçabilité après
l'intégration des élèves dans l'école
conventionnelle et une indisponibilité de données sur les projets
classes passerelles.
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