2.8. Réticence des communautés locales
Les classes passerelles sont mises en oeuvre dans un contexte
où les communautés locales « ont développé des
sentiments de réticence vis-à-vis de l'école ». Pour
AZOH et al (2009), les raisons de cette méfiance ou cette
réticence sont les suivantes :
- la baisse de confiance en l'institution scolaire en
raison du retrait de l'Etat, de la non reconnaissance par le MEN des examens
réalisés dans les zones CNO au début du conflit et de
l'insuffisance de qualification des enseignants bénévoles ;
« le manque de confiance des parents en l'école du fait que l'Etat
n'avait pas un droit de regard sur l'école et à cause des
enseignants bénévoles sans niveau pendant la guerre. Ils (les
parents) empêchaient leurs enfants de venir à l'école.
Certains venaient retirer les enfants des classes pour les accompagner au champ
ou suivre le bétail ». (Directeur à Odienné)
;
- l'insécurité des élèves : la
situation sécuritaire en zone rurale comme urbaine, demeure
précaire. Psychologiquement, cela ne motive pas les parents à
envoyer leurs enfants à l'école, surtout que certains doivent
parcourir 3 à 5 km : « on assiste à des enlèvements
d'enfants entre deux villages sur le chemin de l'école »
(Communauté de Guiglo) ;
269 F-J. AZOH et al, 2009, Impact du conflit armé
sur l'éducation primaire: le cas ivoirien. Quels financement pour les
écoles? Quels freins à la scolarisation? Quelles réponses
locales? Amsterdam, Universiteit van Amsterdam - AMIDSt., pp. 30-34
270 idem, pp. 30-34
195
- la pauvreté des parents d'élèves
qui a augmenté avec la crise de telle sorte qu'ils ne parviennent plus
à assurer la prise en charge des frais liés à la
scolarisation de leurs enfants. D'après le maire d'Odienné,
« l'anacarde constituait un espoir mais il n'est pas bien acheté.
Cela entraîne la pauvreté des parents, qui ne peuvent pas assurer
la scolarité de leurs enfants ». Dans ces conditions, les
dépenses relatives à l'école sont perçues comme une
charge supplémentaire et les parents préfèrent que leurs
enfants les aident dans les tâches agricoles et
ménagères.271
Ainsi, bien que les parents soient conscients de l'importance
de l'éducation, ils sont obligés de retirer leurs enfants de
l'école du fait d'un manque de confiance en l'institution scolaire, de
l'insécurité et de la pauvreté.
2.9. Démotivation des élèves
La fuite des enseignants, le pillage et la fermeture des
écoles, sont des fa-teurs associés qui ont progressivement
contribué à émousser l'ardeur des apprenants des zones
dites occupées. Certains apprenants ont ainsi été
démotivés face aux obstacles à leur scolarisation. Cette
démotivation elle-même est devenue un obstacle
supplémentaire. Cette situation est décrite par AZOH et al (2009)
en ces termes :
l'obstacle principal rencontré chez les
élèves se traduit par la démotivation du fait de la
rupture momentanée dans la scolarisation, de la mauvaise planification
des examens dans les zones CNO et de la non reconnaissance des résultats
(des examen) par le MEN. Cette démotivation se constate par les
comportements suivants :
- engagement (des enfants) dès un très jeune
âge dans des activités génératrices de revenus
(petits métiers, etc.) ;
- enrôlement volontaire de certains
élèves dans les factions armées.272
La démotivation des apprenants est consécutive
à celle des parents. Cela est d'autant plus logique que ceux-ci sont les
responsables des premiers. Le contexte d'une éducation d'urgence
à dévalorisé l'acte de scolarisation pour ces acteurs
principaux que sont les élèves et leurs parents.
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