2. Constats
2.1. Constat 1 : la classe passerelle et l'école
primaire conventionnelle : deux systèmes scolaires différents
Le système scolaire conventionnel et les classes
passerelles en Côte d'Ivoire présentent des différences au
niveau structurel et fonctionnel. Au niveau structurel, par rapport aux
écoles conventionnelles, les classes passerelles présentent des
caractéristiques particulières au niveau de leurs statuts, de
leurs acteurs et de leurs organisations.
En effet, au niveau de leurs statuts, le fait qu'elles soient
suscitées par le contexte de guerre leur confère un
caractère de dispositif éducatif d'urgence, c'est-à-dire
qu'elles permettent de faire face aux besoins éducatifs ponctuels d'une
population victime de désastres naturels ou de conflits armés. A
ce titre, leur nature est éphémère. A ce caractère
d'urgence s'ajoute celui d'alternative éducative dans la mesure
où les classes passerelles se substituent aux écoles
conventionnelles dans les zones en situation de lacune d'offre
éducative.
Au niveau des acteurs, on distingue une collaboration entre
acteurs étatiques et acteurs non étatiques. Pour les premiers, il
s'agit de l'administration scolaire publique incarnée par les
inspecteurs ou conseillers d'inspection. On distingue au nombre de cette
catégorie, les autorités administratives et politiques qui
interviennent dans la mise en place du projet école. Les seconds (les
acteurs non étatiques) sont essentiellement constitués d'ONG
chargées du financement et de la mise en
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oeuvre du projet école. Il y a également les
acteurs pédagogiques comme les superviseurs et les animateurs qui
interviennent sur le terrain.
Au niveau organisationnel, les classes passerelles reposent
sur deux organigrammes à savoir celui de l'ONG promotrice et celui du
projet école qui est circonscrit dans un espace en souffrance d'offre
éducative dans une période de neuf mois. Quant à
l'école conventionnelle, elle dispose plutôt d'un organigramme de
fonctionnement formel qui est directement rattaché au MENET.
Au niveau fonctionnel, la finalité de l'enseignement
primaire en Côte d'Ivoire a pour mission la « formation
intégrale de la personnalité de l'enfant27 » en
vue de le préparer à aborder l'enseignement secondaire. Les
classes passerelles visent plutôt l'intégration des
déscolarisés et des non scolarisés aux écoles
conventionnelles. De cette différence de mission, découlent les
modes de fonctionnement de ces deux systèmes éducatifs. Le
fonctionnement des classes passerelles dépend de la capacité
financière des promoteurs non étatiques à soutenir le
projet école alors que l'école conventionnelle dispose des moyens
étatiques. Au nombre des particularités fonctionnelles des
classes passerelles, on note également la pratique d'une politique
éducative de maintien, alors que celle qui prévaut au sein des
classes conventionnelles est la promotion-abandon. C'est un facteur qui
expliquerait les excellent taux de réussite scolaire (environ 99%)
enregistrés chez les premiers.
2.2. Constat 2 : la classe passerelle : une alternative
aux limites du système scolaire conventionnel
Les limites du système scolaire conventionnel ivoirien
subsistent à deux niveaux, à savoir des difficultés
internes au système éducatif et des difficultés relatives
aux contextes de conflits armés de 2002 et 2011.
Les difficultés internes au système scolaire
conventionnel se manifestent par l'explosion de la démographie scolaire,
l'amenuisement des ressources éduca-
27 MENET, 2014, Programmes éducatifs et
guides d'exécution CE2, Abidjan, MENET, pp. 5-7
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tives, la dégradation des infrastructures scolaires
existantes, des taux de déperditions élevés et des
résultats scolaires insuffisants. Le contexte de conflit armé,
quant à lui, se caractérise par la destruction des
infrastructures éducatives, un climat scolaire instrumentalisé
par les belligérants, un déplacement massif des populations
scolaires, la réouverture des écoles, le retour des acteurs de
l'école, la réhabilitation ou reconstruction d'écoles et
des taux de scolarisation faibles. Le projet des classes passerelles intervient
pour soutenir les zones en situation de lacune d'offre éducative.
Malgré leur statut non conventionnel et les conditions
difficiles de fonctionnement, les classes passerelles présentent des
atouts dans leur mise en oeuvre. Ce sont :
- des taux de réussite élevés : environ
99% de taux de réussite aux évaluations finales. Ces
différences de taux de réussite selon les niveaux d'étude
peuvent être appréciées aussi bien au niveau
régional qu'au niveau national. Cette bonne performance apparaît
comme un atout pour les classes passerelles face aux résultats
insuffisants du système scolaire conventionnel.
- les effectifs des classes passerelles : de 2007 à
2014, ce sont 19.474 élèves qui ont
bénéficié des classes passerelles. Le Ratio
Elève/Maître (REM) varie entre 19:1 et 35:1. Ce qui est nettement
mieux que le REM des classes conventionnelles fixé à 42:1 ou
45:1.
- les sites d'implantation des classes passerelles : la
majorité des sites sont situés dans les zones CNO ou des zone en
souffrance d'offre éducative. Mieux, les procédures
d'implantation tiennent compte des distances entre le site et l'école la
plus proche. Cette distance minimale pour l'ONG EPT est fixée à 7
km.
- la mobilisation communautaire : en vue d'une implication
institutionnelle des communautés, une feuille de route communautaire est
élaborée et des normes de gestion communautaires sont
fixées dans le guide de mise en
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oeuvre des classes passerelles qui est un document
élaboré par les acteurs-clés des classes passerelles.
- l'organisation pédagogique : elle prend en compte des
méthodes et techniques d'enseignement alliant la formation par
compétence, les méthodes d'alphabétisation, les cours de
soutien pédagogique, les programmes compressés, l'optimisation du
temps scolaire et la durée de la scolarité.
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