DEUXIÈME PARTIE : RAISONS DE LA
MISE EN OEUVRE DES CLASSES
PASSERELLES
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La deuxième partie permet de découvrir et
d'analyser les raisons de la mise en oeuvre des classes passerelles. Elle se
compose des chapitres 3 et 4. L'une présente les limites du
système scolaire conventionnel et l'autre aborde les questions
liées à la mise en oeuvre des classes passerelles. Le chapitre 3
analyse les raisons endogènes et exogènes au système
scolaire conventionnel. Cette analyse met en relief douze indicateurs pour les
raisons endogènes et quatorze autres pour les raisons exogènes.
Le chapitre 4 présente le contexte de la mise en oeuvre des classes
passerelles, leurs acquis, les raisons de leur efficacité et les acquis
après 2014.
Il convient de d'analyser le contexte de double crise qui est
à la base de la création des classes passerelles. La
première crise, interne au système scolaire et ayant
préexisté à l'avènement du conflit armé de
2002 est avant tout structurelle. Elle se caractérise par une population
scolaire en pleine croissance et des ressources budgétaires qui
s'amenuisent à l'instar de la plupart des pays
sous-développés. De manière générale, en
Afrique, la crise de l'éducation est une conséquence de la crise
économique. Celle de la Côte d'Ivoire remonte aux années
1980, mais elle est exacerbée par la massification de l'éducation
des années 1990 et 2000. Cette crise éducative intervient dans un
contexte international qui prône l'éducation pour tous et qui
requiert encore plus de ressources financières aux Etat pour la prise en
compte des populations scolarisables.
La seconde crise est le contexte de conflit armé et son
corolaire de vulnérabilité accentuée des populations. Cela
s'exprime, en substance, par moins d'accès aux infrastructures de base
et un taux de pauvreté élevé. En guise d'illustration, le
RESEN 2016 estime que le taux de pauvreté qui était de « 10%
en 1985 est passé à 48,9% en 2008 208», une
hausse qui va perdurer jusqu'en 2012. Dans le cas échéant, deux
types de conflits armés ont préexisté à la mise en
oeuvre des classes passerelles. Il s'agit de la guerre de 2002 et le conflit
post-électoral de 2010/2011. Face à ces deux types de crise, dans
quelle mesure, les classes passerelles apportent-elles des réponses
à la problématique de l'éducation en Côte d'Ivoire
?
208 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 33
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CHAPITRE 3 : LIMITES DU SYSTÈME
SCOLAIRE PRIMAIRE CONVENTIONNEL
Le chapitre 3 analyse les limites du système
éducatif primaire de Côte d'Ivoire. Cette étude est
fondée sur le principe que l'existence des classes passerelles
suggère un manque ou un dysfonctionnement dans le système
scolaire existant. Il est, alors, nécessaire d'analyse ledit
système pour comprendre les difficultés qui pourraient justifier
la mise en oeuvre d'un dispositif aussi particulier que sont les classes
passerelles. Ces limites s'analysent à un niveau interne au
système et à un niveau environnemental. Le premier niveau est
relatif aux difficultés de fonctionnement du système scolaire
alors que le second concerne l'effet des crises sociopolitiques et
économiques sur l'école.
Concernant les difficultés de fonctionnement, douze
indicateurs seront analysés ; il s'agit, notamment, des ressources
éducatives et du taux d'investissement, du taux de couverture scolaire,
des infrastructures, de l'accès à l'école et de la
fréquentation, de la répartition scolarisation, de la gestion des
risques, des ressources humaines, des effectifs d'élèves, des
taux de déperdition, des taux de réussite et des acquis
scolaires, du temps scolaire et des dotations éducatives. Comment ses
dysfonctionnements ont-ils suscité la mise en oeuvre des classes
passerelles ?
Le contexte de conflit armé qui a impacté
l'environnement scolaire est caractérisé par quatorze
indicateurs, à savoir : le discours politisé, la présence
de la violence, la manipulation des populations, la fermeture et la destruction
des écoles, la baisse de la scolarisation, le déplacement des
acteurs d'éducation, la réticence des communautés, la
démotivation des élèves, la réouverture des
écoles, le déficit des personnels d'éducation, la
réhabilitation des écoles et l'insuffisance des mesures de
mitigation. Comment ces facteurs ont-ils contribué à la mise en
oeuvre des classes passerelles ?
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1. Un système éducatif en crise
Selon les diagnostics du système éducatif ivoirien
faits par le RESEN (2011),
le RESEN (2016) et les différents rapports du MEN faisant
l'état des lieux, les
difficultés du système scolaire pour les
dernières décennies se résument comme
suit :
- une diminution sensible des ressources allouées au
secteur éducation et un
faible niveau d'investissement ;
- un faible taux de couverture scolaire ;
- une dégradation de la qualité des services
éducatifs offerts ;
- un accès limité et discontinuité
éducative ;
- des disparités de scolarisation selon le sexe, la
région et la zone ;
- un temps scolaire non optimisé ;
- et un ratio élève/maître (REM)
élevé.
1.1. Diminution sensible des ressources allouées et
un faible niveau d'investissement
Selon les données de la Banque Mondiale sur
l'éducation en 2011, « (...) la part de l'éducation dans les
dépenses courantes de l'Etat a baissé de façon
substantielle passant à 25 % en 2007 alors qu'elle était de 36 %
en 1990.209 » Toutefois, de manière
générale, les dépenses totales d'éducation ont
augmenté entre 2006 et 2013 passant de 502 milliards de FCFA à
733 milliards de FCFA. Cela contraste avec les résultats de l'analyse
sectorielle qui relève « une sous-dotation des sous-secteurs de
l'enseignement primaire et de l'EFTP, notamment au regard des nombreux
défis auxquels ils doivent faire face. 210»
En 2013, l'enseignement primaire ne bénéficie
que de 37% de l'ensemble des dépenses (cela inclut le fonctionnement et
les investissements). Cette baisse du budget de l'éducation est
confirmée par le RESEN 2016 qui montre qu'entre 2007 et 2013,
l'enseignement primaire connaît une diminution des ressources publiques
allouées à l'éducation qui passent de « 42,7%
à 39,1% du budget de l'Etat.
209 Banque mondiale, 2011, op. cit., p. xxix
210 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., pp.105-106
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Dans le même temps, on observe une diminution des
dépenses courantes du primaire de -9 %. En 2013, la masse salariale
représente 89 % du budget alloué à l'enseignement
primaire. 211» Cela montre un faible niveau
d'investissement.
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