Conclusion de la première partie
En somme, la première partie de cette étude
montre que le système scolaire conventionnel et les classes passerelles
en Côte d'Ivoire présentent des différences structurelles
et fonctionnelles. Au niveau structurel, ces différences s'expriment par
la particularité de leurs statuts, de leurs acteurs et de leurs
organisations.
En effet, au niveau de leurs statuts, le fait qu'elles soient
suscitées par le contexte de guerre leur confère un
caractère de dispositif éducatif d'urgence, c'est-à-dire
qu'elles permettent de faire face aux besoins éducatifs ponctuels d'une
population victime de conflits armés. A ce titre, leur nature est
éphémère. A ce caractère d'urgence s'ajoute celui
d'alternative éducative dans la mesure où les classes passerelles
se substituent aux écoles conventionnelles dans les zones en situation
de lacune d'offre éducative.
Au niveau des acteurs, si le fonctionnement de l'école
conventionnelle repose entièrement sur des fonctionnaires et agent de
l'Etat, on distingue pour les classes passerelles, une collaboration entre
acteurs étatiques et acteurs non étatiques. Pour les premiers, il
s'agit de l'administration scolaire publique incarnée par les
inspecteurs ou conseillers d'inspection. On distingue au nombre de cette
catégorie, les autorités administratives et politiques qui
interviennent dans la mise en place du projet école. Les seconds (les
acteurs non étatiques) sont essentiellement constitués d'ONG
chargées du financement et de la mise en oeuvre du projet école.
Il y a également les acteurs pédagogiques comme les superviseurs
et les animateurs qui interviennent à un niveau opérationnel.
Au niveau organisationnel, les classes passerelles reposent
sur deux organigrammes à savoir celui de l'ONG promotrice et celui du
projet école. Ainsi, l'ONG apparaît comme l'organe
stratégique qui fixe les orientations du projet école, met le
financement à disposition, recrute le personnel et autorise
l'équipe pédagogique à intervenir. Celle-ci agit à
un niveau opérationnel par la mise oeuvre du projet école.
L'équipe pédagogique assure la formation des enseignants, leur
encadrement, les évaluations, l'organisation des cours et le choix des
contenus. Le
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projet est exécuté dans un espace en souffrance
d'offre éducative dans une période de neuf mois.
Quant à l'école conventionnelle, elle dispose
plutôt d'un organigramme de fonctionnement formel qui est directement
rattaché au MENET. Celui-ci reste l'organe stratégique qui pilote
le système éducatif à travers ses structures
déconcentrées que sont les Directions Régionales et les
Directions Départementales. Par le principe de la hiérarchisation
dans l'administration, les inspections de l'enseignement primaire transmettent
les instructions aux directeurs d'école qui sont chargés de leur
exécution dans les écoles, à travers les enseignants et
les autres personnels d'éducation.
Nonobstant ces différences organisationnelles, les
classes passerelles restent tributaires des exigences du MENET exprimés
dans le PAMT 2012/2014. Il s'agit des normes de scolarisation qui
répondent aux standards internationaux tout en alliant les exigences
d'éducation quantitative et qualitative. C'est pour cette raison que les
acteurs étatiques ont toujours un droit de regard sur les
projets-écoles des classes passerelles en termes de supervision, de
formation et d'encadrement pédagogique. Les deux organigrammes de
fonctionnement se rejoignent à ce niveau pour répondre aux
exigences normatives pédagogiques.
Au niveau fonctionnel, la finalité de l'enseignement
primaire en Côte d'Ivoire a pour mission la « formation
intégrale de la personnalité de l'enfant207 » en
vue de le préparer à aborder l'enseignement secondaire. Les
classes passerelles visent plutôt l'intégration des
déscolarisés et des non-scolarisés aux écoles
conventionnelles. De cette différence de mission, découlent les
modes de fonctionnement de ces deux systèmes éducatifs. Le
fonctionnement des classes passerelles dépend de la capacité
financière des promoteurs non étatiques à soutenir le
projet école alors que l'école conventionnelle dispose des moyens
étatiques plus importants.
207 MENET, 2014, Programmes éducatifs et guides
d'exécution CE2, Abidjan, MENET, pp. 5-7
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Au nombre des particularités fonctionnelles des classes
passerelles, on note également la pratique d'une politique
éducative de maintien alors que celle qui prévaut au sein des
écoles conventionnelles est la promotion-abandon. Cette dernière,
par son processus sélectif très concurrentiel, constitue un
goulot d'étranglement pour les apprenants, empêchant ainsi
près de 40% d'élève en 2014, d'achever le cycle primaire,
selon les statistiques du MENET. Dans le même temps, la politique de
maintien des classes passerelles priorise le maintien des apprenants dans le
système scolaire. Toutes les stratégies sont donc
élaborées pour atteindre cet objectif. Cette démarche,
dans le cas de classes passerelle, s'illustre par les cours de mise à
niveau, la pédagogie différentiée et les taux de
réussite excellent enregistrés.
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