I.CADRE THÉORIQUE
1. Justification du choix du sujet
Le sujet que nous traitons présente un
intérêt à quatre dimensions ; il s'agit de : la motivation
personnelle, la pertinence institutionnelle, la pertinence scientifique et la
pertinence sociale.
1.1. Motivation personnelle
La recherche sur les classes passerelles a un lien avec notre
expérience du vécu en zone CNO et notre profession d'enseignant.
L'idée de cette recherche a mûri à la suite d'une
étude sur l'éducation de manière globale en « zone de
guerre 22 » en 2007. A cette époque, nous étions non
seulement témoins de la dégradation des infrastructures et du
fonctionnement du système scolaire dans lesdites zones, mais aussi
acteurs de la reconstruction du système en tant que professionnel de
l'éducation. L'idée de faire connaître le mauvais
état de l'éducation dans lesdites « zones de guerre »
en vue d'un changement a été la réelle motivation pour
entreprendre la première démarche de recherche. La
présente étude fait suite aux deux premières en
maîtrise et en DEA. L'une sur les enseignants volontaires et l'autre sur
les établissements privés en zone de guerre.
C'est au cours de la recherche globale sur l'état du
système scolaire en situation d'urgence en « zone de guerre »
qu'a germé le cas spécifique des classes passerelles. Elles ont
particulièrement retenu notre attention après avoir
constaté les efforts consentis par leurs acteurs et la pertinence de
leur existence dans les zones en souffrance d'offre éducative. Ce sujet
a pour but d'apporter une contribution à l'approfondissement des
connaissances personnelles en éducation plus spécifiquement sur
la problématique des alternatives éducatives en situation
d'urgence. Pour nous, ce travail révère également, le
caractère d'un exercice intellectuel et pratique qui permettra
d'évaluer les écarts entre nos connaissances théoriques
sur la méthodologie de la recherche et la réalité de
recherche sur le terrain.
22 Zone de guerre : terme qui désigne les
zones occupées par les forces rebelles en début de guerre de
2002.
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1.2. Pertinence institutionnelle
Un certain nombre de dispositions juridiques prévoient
la mise en oeuvre des classes passerelles en tant qu'offre alternative
d'éducation. Ces textes sont élaborés au niveau
international et national.
Au niveau international, il y a le cadre global de l'Education
Pour Tous (EPT) de 2000 qui garantit un accès équitable de tous
les enfants à une éducation de base. Ces mêmes principes
sont réaffirmés par la Déclaration d'Incheon ou
éducation-2030 adoptée en 2015.
Au niveau national, le premier texte est la loi n° 95-696
du 7 septembre 1995 relative à l'enseignement qui énonce en son
article premier que « le droit à l'éducation est garanti
à chaque citoyen (...) ». Le second texte est le Plan National de
Développement du Secteur Education/Formation (PNDEF) 1998-2010 qui
prévoit également dans ses principes fondamentaux, le
renforcement des actions pour réduire «les inégalités
dans l'accès à l'éducation/formation (...) ». Au
titre des reformes, il est prévu d'élargir « l'offre
d'éducation/formation aux zones défavorisées. » Le
troisième texte est le plan d'action du programme de coopération
Côte d'Ivoire-UNICEF 2009/2013 qui prévoit dans son volet
éducation de base non Formelle/Education Alternative, la promotion
« des modèles alternatifs d'éducation afin d'offrir la
possibilité à 250.000 enfants âgés de 6-15 ans,
filles et garçons, en dehors du système formel, de recevoir une
éducation de base (...) 23» Le même programme local de
l'UNICEF prévoit l'élaboration et la mise en oeuvre d'un «
document de politique nationale de prise en compte et d'intégration des
classes passerelles et des écoles communautaires dans le système
éducatif. 24»
Toutes ces dispositions facilitent la mise en oeuvre de la loi
sur la scolarisation obligatoire pour les enfants âgés de 6
à 16 ans votée le 20 septembre 2015. Selon le Gouvernement de
côte d'Ivoire et al (2016) : « la mesure d'instaurer ur-gemment la
scolarité obligatoire en Côte d'Ivoire intervient dans un
contexte
23 UNICEF, 2008, Programme de
coopération Côte d'Ivoire-UNICEF 2009/2013 : plan d'action du
programme pays, Abidjan, UNICEF, p.16
24 ibidem
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marqué par de fortes inégalités dans
l'accès à l'école (...). L'instauration de la
scolarité obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans dès
la rentrée scolaire 2015/16 constitue une réponse. 25 »
Le quatrième texte est le Plan d'Action à Moyen
Terme du secteur Educa-tion/Formation (PAMT) de 2012/2014 qui inscrit la
question des classes passerelles au coeur de sa politique d'extension de
l'offre éducative en ces termes :
de nombreux enfants ivoiriens en âge d'être
scolarisés ne le sont pas. Pour ceux d'entre eux qui ont quitté
précocement le cycle primaire, ou qui n'y ont pas encore eu accès
malgré plusieurs années de retard sur l'âge
théorique d'entrée en CP1, il existe des expériences de
« classes passerelles » leur permettant de suivre le cursus qui leur
a fait défaut de façon accélérée, puis de
rejoindre les classes ordinaires. Ces classes passerelles sont aujourd'hui
mises en oeuvre à petite échelle par des ONG selon des
modalités qui leur sont propres et qui sont difficilement transposables
dans le secteur public. Ces expériences montrent toutefois
l'étendue des possibilités pédagogiques. La
stratégie du MEN à cet égard consiste à
étendre la couverture des classes passerelles, en s'appuyant encore sur
le concours des ONG dans une première phase, tout en demandant à
ces dernières de développer des formules susceptibles
d'être, à terme, employées dans le cadre des écoles
publiques.26
Les différents textes évoqués fixent le
cadre normatif des offres alternatives d'éducation et plus
spécifiquement celui des classes passerelles.
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