3.3. De la résilience scolaire
La réussite des apprenants des classes passerelles peut
être analysée dans une perspective psycho-sociale. Il s'agit de
s'interroger sur la capacité de résilience des apprenants dans
une situation d'urgence. La résilience scolaire peut être
considérée comme « la capacité d'atteindre une
adaptation fonctionnelle malgré des circonstances adverses ou
menaçantes. 378» Elle se définit aussi comme le
fait que « face au risque d'inadaptation scolaire, certains
élèves exposés, d'emblée, à l'échec
scolaire, s'en sortent finalement contre toute attente 379»,
les travaux de LAROSE et al (2001) permettent d'en avoir une meilleure
compréhension à travers les trois types de résilience
qu'ils proposent, à savoir : « les modèles compensatoires,
les modèles de protection et les modèles de défi.
380».
A travers le «modèle compensatoire», les
caractéristiques personnelles ou familiales de l'enfant lui permettent
de « compenser les situations adverses de son
environnement.381» En d'autres termes, le facteur de risque est
annihilé par le facteur de protection. Dans le «modèle de
protection», c'est l'interaction entre « les facteurs de risque et de
protection382 » qui a un effet sur l'adaptation. Enfin, dans le
«modèle défi» « le facteur de risque engendre le
stress dont les effets sont positifs sur l'adaptation scolaire, en ce sens que
l'enfant utilise les compétences acquises pour réagir
positivement dans des situations ultérieures. 383»
Au regard de la réussite scolaire des apprenant des
classes passerelles, face à la crise scolaire et environnementale,
l'étude nous permet d'affirmer que nous sommes en présence d'un
cas de résilience scolaire qui s'explique par la procédure de
mise en oeuvre du dispositif des classes passerelles, la motivation des
apprenants et des acteurs. Au niveau de la procédure de mise en oeuvre,
toutes les mesures utiles sont prises pour affronter les obstacles à la
scolarisation des enfants. Cela se traduit par des missions de prospection, des
concertations avec les
378 A. S. MASTEN et al, 1990, op. cit., pp. 425-444.
Traduit par F. LAROSE et al, 2001.
379 F. LAROSE et al, 2001, op. cit., pp. 151-180
380 N. GARMEZY et al, 1984, op. cit., p. 55, 97-111, traduit par
F. LAROSE et al, 2001.
381 ibidem
382 N. GARMEZY et al, 1984, op. cit., p. 55, 97-111, traduit par
F. LAROSE et al, 2001, p. 111
383 ibidem
339
populations locales et la prise en compte des
compétences de vie dans l'exécution du programme scolaire. En
impliquant, ainsi, la communauté locale, les facteurs de risques qui
sont le contexte de conflit et le manque de ressources, sont minimisés
de sorte à permettre aux enfants de réaliser de bonnes
performances. Cela pourrait correspondre au modèle compensatoire
évoqué par GARMERY (1984) ainsi LAROSE et al (2001).
L'étude a montré que l'accompagnement des
parents et leur implication dans la gestion quotidienne des classes
passerelles, constituent une source de motivation pour les enfants et les
animateurs. VIANIN (2007) qualifie cela de « motivation extrinsèque
384» qui fait référence à tout ce qui, de
l'extérieur, peut renforcer le comportement de l'enfant à
l'école. Cette perception est renforcée par la thèse de
GALAND (2006), qui l'inscrit dans une perspective sociocognitive selon
laquelle, « la motivation résulte d'une interaction entre
l'individu et son milieu.385» Ainsi, la motivation serait,
selon lui, la réaction du sujet « face à son environnement
en fonction de son but ».
Une seconde source de motivation évoquée par 45%
des répondants est « l'envie d'aller à l'école comme
les autres enfants ». Cela correspond à la « motivation
intrinsèque 386» évoquée par VIANIN
(2007). Ce type de motivation est dû à l'intérêt ou
le plaisir personnel du sujet face à l'activité. Ainsi,
l'école devient un engagement personnel pour l'enfant qui se l'approprie
et manifeste de l'intérêt pour les activités qui s'y
déroulent. Toutefois, compte tenu de la « complexité de la
dynamique motivationnelle 387» évoquée par GALAND
(2006) cette question mérite d'être approfondie pour cerner les
facteurs participant à ladite dynamique. Pour les classes passerelles,
l'élément le plus probant est l'existence
384 P. VIANIN, 2007, op. cit., p. 22
385 B. GALAND, 2006, op. cit., pp. 5-8
386 P. VIANIN, 2007, op.cit. p. 22
387 B. GALAND, 2006, op. cit., pp. 5-8
340
d'une « motivation positive 388» de tous
les acteurs qui s'investissent au maximum pour maintenir les enfants à
l'école.
Dans une perspective de résilience scolaire de GARMERY
(1984) et de LAROSE et al (2001), l'étude permet de conclure que la
motivation des acteurs et des apprenants a constitué un facteur de
protection en face des facteurs de risque que sont le contexte de conflit et le
manque de ressources. Nous admettons que, relativement au «modèle
de protection», les facteurs de risque sont annihilés par les
facteurs de protection en vue d'impacter positivement l'adaptation des
apprenants. Ainsi, l'envie d'aller à l'école peut constituer pour
l'apprenant, une motivation suffisante pour qu'il transcende les obstacles
à la réalisation de son éducation. Toutefois, vu que notre
étude n'a pas approfondi cette question, il convient de relativiser
cette conclusion et de s'en remettre aux travaux futurs dans ce domaine.
Dans le cadre de cette résilience scolaire,
interviennent aussi des stratégies d'enseignement comme les cours de
soutien pédagogique que reçoivent les élèves en
difficulté d'apprentissage. Cela permet, dans une démarche de
« pédagogie différentiée 389»
évoquée par PERRENOUD, de les mettre au même
niveau de connaissance. « Les compétences de vie » ou life
skills participent également à la résilience scolaire
par l'apport des activités qui favorisent le développement
personnel de l'apprenant pour affronter les menaces de son milieu de vie comme
indiqué par le MENET/DPFC (2014). Dans la mesure où la
personnalité de l'apprenant est déterminante dans le processus de
la résilience, l'étude révèle que le passé
scolaire est un facteur de protection face aux facteurs de risque. Il s'agit
notamment du passé scolaire des déscolarisé
précoces qui constitue un atout majeur face aux scolarisés
tardifs. C'est l'avis de KOFFI et al (2009) qui affirment dans leurs travaux
que :
388 P. VIANIN, 2007, op.cit., p.22
389 Selon A. WEBER et A. DE PERETTI, 1983, la pédagogie
différenciée caractérise un ensemble d'attitudes
d'ouverture aux jeunes personnalités des élèves, de
démarches pédagogiques, de méthodologies et de la
formation, de techniques et d'instruments didactiques ; qui prennent en compte,
la diversité, l'hétérogénéité des
apprenants ; qui visent à faire atteindre tous les objectifs cognitifs
de valeur égale ou équivalente. p. 279
341
Tous ces élèves sont issus de la même
classe passerelle en 2006 -2007. Aussi, appartiennent-ils à la
même couche socioéconomique et bénéficiant du
même environnement pédagogique et didactique. En
conséquence, la différence du résultat scolaire peut
s'expliquer par une variation trop importante des compétences initiales
liées à leur passé scolaire.390
On peut conclure que la résilience qui participe
à réussite des classes est le fait d'une conjugaison de
facteurs.
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