3. Les classes passerelles en tant que catalyseurs de
la réussite scolaire
L'analyse des raisons de la mise en oeuvre des classes
passerelles a permis de comprendre que celles-ci apportent des réponses
aux dysfonctionnements du système scolaire conventionnel. Parmi ces
réponses, on note la question de la réussite scolaire qui
dépend de facteurs multiples. Partant de l'hypothèse de
départ selon laquelle les facteurs pédagogiques seraient les plus
déterminants dans l'efficacité des classes passerelles. L'analyse
des facteurs explicatifs de cette réussite a, plutôt, permis de
retenir les facteurs organisationnels comme les plus influents. Ils sont
associés aux facteurs pédagogiques et individuels ainsi
qu'à une catégorie de facteurs secondaires comme le contexte de
scolarisation, la politique éducative et l'origine
socioéconomique des apprenants. Cette section discute de la pertinence
de ces facteurs pour les classes passerelles et le système
éducatif convention.
325
3.1. De l'influence des facteurs organisationnels
Les facteurs organisationnels sont constitués des
variables : «participation communautaire», « gestion du
projet» et « mise en oeuvre du projet». En effet, la mise en
place du projet obéit à une procédure qui allie la
participation communautaire, celle des acteurs étatiques et celle des
ONG. C'est une démarche participative qui met à contribution
toutes les expertises locales disponibles et suscite le consensus autour du
projet école. Une telle démarche, selon les promoteurs, «
s'avère être une nécessité absolue pour la
réussite du projet quand on considère le contexte de sa mise en
oeuvre ».
Le dispositif des classes passerelles est issu d'une situation
difficile de scolarisation et d'une crise socioéconomique
héritée de la guerre de 2002 et de la crise
post-électorale de 2010/2011 en Côte d'Ivoire. Dans un tel
contexte, les promoteurs devaient d'abord convaincre les communautés de
la nécessité de scolariser leurs enfants. Dans cette
lancée, ils devaient aussi avoir l'appui des autorités
étatiques pour crédibiliser leur action vis-à-vis des
communautés villageoises et celles des quartiers
bénéficiaires du projet. Dans l'organisation mise en place par
l'ONG EPT, on constate que la communauté est au début, au milieu
et à la fin du processus. C'est la mobilisation totale des
communautés bénéficiaires.
La gestion du projet école par les promoteurs
obéit à un organigramme de fonctionnement. Cela dénote
d'une rigueur de gestion qui permet à chaque acteur de savoir la
tâche qui lui est dévolue. On constate dans le cycle
d'exécution du projet, un volet de supervision qui permet de corriger
les imperfections. Cette supervision est assurée par l'équipe
pédagogique mise en place par les promoteurs. Les promoteurs EPT
expliquent que « les supervisions sont assurées par le superviseur
de zone et de manière périodique avec l'appui d'une équipe
pédagogique pilotée par un coordinateur de zone. »
Par ailleurs, comparativement aux travaux antérieurs,
la prééminence des facteurs organisationnels se justifie au
regard de la thèse d'ANY-GBAYERE
326
(1998) qui privilégie le « modèle
participatif 350» dans la gestion d'une organisation. En
plaçant la communauté au centre de la gestion, le projet des
classes passerelles s'inscrit dans la logique de l'Agence de Coopération
Culturelle et Technique (ACCT) et de la Banque Mondiale qui recommandent «
la participation communautaire locale comme solution à la mauvaise
gestion d'une organisation. 351»
La prééminence des facteurs organisationnels
montre également qu'il existe un « effet établissement qui
relève de l'organisation interne des établissements scolaires
352» et susceptible d'influencer la réussite des
apprenants. Dans le cas échéant, cet « effet
établissement » s'avère être bénéfique
pour la majorité des élèves des classes passerelles.
Toutefois, l'existence de déperdition (1% à 27%) signifie que cet
« effet établissement » impacte négativement une
proportion minoritaire des apprenants. Cela représente un atout pour les
classes passerelles et le système scolaire conventionnel pourrait s'en
inspirer.
3.1.1. De l'influence de la participation
communautaire
La variable «participation communautaire», selon la
mesure des attitudes effectué dans le cadre de notre étude,
représente 14,02 % des déterminants de la performance des
élèves des classes passerelles Elle se situe à trois
niveaux : avant le projet, pendant le projet et après le projet. A tous
les niveaux, une tâche particulière est exécutée par
la communauté. Au début, elle participe à la mise en
place. Au cours du projet, elle assure la gestion du cadre scolaire et
après le projet, elle crée les conditions de la
pérennisation de l'école. Cette démarche permet aux
parents d'élèves d'être des acteurs du projet école
à tous les niveaux.
Pour formaliser la participation communautaire, un plan
d'action communautaire a été adopté par les promoteurs
à la suite des projets pilotes. Ce plan responsabilise la
communauté dans les questions de sécurité et de
pérennisation des
350 S. ANY-GBAYARE, 1998, op. cit., pp. 69 -70
351 MEN Sénégal et AFD, 2012, op. cit., p.
10
352 A. LEGER, 2002, op. cit. pp., 9 -10
327
classes passerelles et la mobilisation des ressources. Il
permet, également, aux communautés d'avoir un cahier de charge
précis qui les rend plus efficaces. Cette approche de gouvernance est
conforme au référentiel régional des projets
d'école élaboré en 2011 par l'AFD et les experts
africains. Ce référentiel recommande « la prise de mesures
visant à faciliter la participation communautaire, l'élaboration
de plans d'actions conformes aux capacités internes de la
communauté et l'incitation des communautés à proposer des
actions qui n'exigent pas nécessairement, la mobilisation de ressources
financières.353»
En somme, à travers la mobilisation communautaire, les
enfants trouvent des raisons d'être à l'école et les
enseignants sont dans des conditions acceptables d'exercice qui leur facilitent
la pratique pédagogique. Toutefois, la limite de cette démarche
communautaire est l'inorganisation, le manque de ressource et les conflits au
saint de la communauté. Notre étude ne nous a pas permis de
déceler ces cas particuliers.
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