2.2. Les classes passerelles en tant que dispositifs
d'éducation d'urgence
344 A. KOFFI et J. RAKOTONDRAZAFY, 2016, op.cit., pp.
78-80
345 K. I. KOFFI, 2009, « Analyse du résultat scolaire
des élèves de CE2 du primaire public : cas des classes
passerelles de la zone centre de la Côte d'Ivoire »,
EDUCI/ROCARE, Afr educ dev issues, n°2, 2010, Special JRECI
2006 and 2009, pp.279-294
322
Les situations de conflits qui ont suscité la mise en
oeuvre des classes passerelles, en l'occurrence la guerre de 2002 et la crise
post-électorale de 2010/2011, font d'elles un dispositif
d'éducation d'urgence. Cela est conforme à la perception de INEE
(2004) selon laquelle, les cas d'urgence complexes sont des situations
créées par l'homme et résultant souvent « de conflits
et de troubles civils 346» qui peuvent être
aggravées par une catastrophe naturelle. Selon STORTI (2004), la
particularité de ces situations est due au fait qu'elles «
échappent au fonctionnement ordinaire, qu'il s'agisse de catastrophes
naturelles ou de conflits. 347» Ce sont des situations
variables qui ont, néanmoins, pour point commun, la destruction ou la
fermeture des infrastructures éducatives ainsi que le déplacement
des acteurs de l'école.
La variabilité de ces situations constitue un obstacle
à l'intervention des acteurs de l'éducation dans la mesure
où chaque situation représente un cas particulier, comme
l'indique STORTI (2004). En outre, ces difficultés interrogent sur la
résilience du système éducatif national. Cette
résilience s'apprécie, à travers les mécanismes de
mitigation, qui régissent le système scolaire. Dans le cas
échéant, Le RESEN 2016 ressort que « la résilience du
système scolaire ivoirien repose davantage sur des mécanismes de
mitigation ponctuels que sur le cadre stratégique et institutionnel de
gestion des risques, qui est incomplet et peu opérationnel.
348» En effet, lors des deux crises, ce sont des actions
ponctuelles qui ont été initiées par différents
acteurs en réponse au déplacement de la population scolaire et
à la fermeture des écoles. Le dispositif des classes passerelles
s'inscrit dans le cadre de ces initiatives ponctuelles. Les difficultés
rencontrées par ce dispositif découlent, ainsi, des circonstances
de sa mise en oeuvre.
Relativement à la mitigation, on note qu'une
série de mesures ont été prises de 1979 à 2011. Il
s'agit notamment de :
346INEE, 2004, op. cit., pp.7-8
347 M. STORTI, 2004, op. cit. p. 10
348 Gouvernement de Côte d'Ivoire et al, 2016, op.
cit., p. 230
323
- l'organisation du plan de secours (ORSEC) en cas de
catastrophe à l'échelle nationale, selon le décret
n°79-643 du 8 août 1979 ;
- la définition de plans sectoriels d'urgence en cas
d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, selon le décret
n°98-505 du 6 septembre 1998 ;
- l'installation en 2007 d'un Comité
interministériel sur la réduction des risques de catastrophe
(RRC), composé de 50 points focaux ;
- l'élaboration d'une stratégie nationale de
gestion des risques de catastrophe, assortie d'un plan d'action en 2011 ;
- la création de la Commission Dialogue,
Vérité et Réconciliation (CDVR) par l'ordonnance
n°2011-167 du 13 juillet 2011.
Toutefois, lesdites mesures sont globales et focalisées
sur la gestion des catastrophes naturelles. En outre, leur application
rencontre des difficultés. A cet égard, le RESEN 2016 les jugent
insuffisantes. Ce n'est qu'en 2012, c'est-à-dire après les
conflits, qu'une plateforme nationale pour la réduction des risques de
conflit, a été mise en place. Elle est directement
rattachée à la primature pour plus d'efficacité.
Malgré ces efforts, ces dispositions n'intègrent pas un plan de
contingence ou de réduction des risques propre au MENET. Des efforts
restent à faire pour l'adoption d'une véritable stratégie
d'éducation d'urgence. Dans cette démarche, l'on pourrait
s'inspirer des approches suggérées par LANOUE (2006) à
savoir « l'approche urgentiste et l'approche analytique.349
» Le cadre règlemen-taire du projet sphère peut
également servir de modèle, en association avec les normes
d'intervention de l'INEE.
En effet l'approche analytique de LANOUE, dans sa logique de
prévention pourrait aider à empêcher la survenue des
conflits. Si elle ne parvenait pas à éviter les conflits en
amont, son approche urgentiste, qui se consacre uniquement, à la
promotion de l'aide humanitaire, pourrait prendre le relais. L'apport du projet
sphère peut, également, être appréciable dans cette
approche dans la mesure où celui-ci fixe les normes d'intervention selon
les besoins des personnes affectées
349 E. LANOUE, 2006, op. cit., pp. 9-12
324
en eau, assainissement, nutrition, nourriture, abris et soins
médicaux. Ces cinq domaines constituent les besoins primaires et
pourrait être renforcés par les normes d'éducation
d'urgence élaborées par l'INEE. En effet, c'est à partir
de 2003 l'INEE formalise l'éducation d'urgence, jadis
considérée comme une simple action humanitaire, en fixant les
normes relatives aux domaines suivants :
- les conditions d'intervention des équipes humanitaires
;
- les conditions d'accès à l'éducation en
situation d'urgence ;
- l'environnement d'apprentissage ;
- la qualification des personnels enseignants ;
- la politique éducative ;
- et le processus d'apprentissage.
La prise en compte de ces normes dans l'élaboration
d'une stratégie globale de résilience scolaire devrait assurer un
meilleur fonctionnement du système scolaire en situation d'urgence.
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