Dispositif de renforcement du système scolaire conventionnel en Côte d’Ivoire. Influence des classes passerelles en zone centre nord et ouest (c.n.o.) de 2006 à 2014.par Moussa KONE Université Alassane Ouattara - Doctorat en sciences de l'éducation 2019 |
5. ThèseLes classes passerelles en tant que dispositifs d'éducation d'urgence et alternatives éducatives, présentent dans leur mise en oeuvre, des acquis à consolider et des insuffisances à réajuster pour mieux intégrer une stratégie de renforcement du système scolaire national de Côte d'Ivoire. 6. Hypothèses spécifiquesHypothèse 1 : Au regard de leurs contextes de mise en oeuvre, de leurs acteurs et de leurs curricula, les écoles conventionnelles et les classes passerelles présentent des différences structurelles et fonctionnelles. Hypothèse 2 : Les limites du système scolaire conventionnel, face à la demande croissante d'éducation, justifient l'ouverture des classes passerelles qui constituent des alternatives efficaces dont les facteurs pédagogiques sont plus déterminants pour la réussite scolaire que les facteurs organisationnels et individuels. 20 Hypothèse 3 : Les difficultés rencontrées par les classes passerelles au niveau de leur gouvernance, de leur pédagogie et de leur contexte de mise en oeuvre, exigent des réajustements d'ordre contextuel, organisationnel et pédagogique pour renforcer le système scolaire ivoirien. 7. Revue critique de la littérature7.1. Classes passerelles et éducation alternativeLa littérature selon le MENET et NRC (2015), montre que les classes passerelles sont inspirées des « écoles en boîte 29» initiées par l'UNESCO pour la première fois en Somalie en 1993 dans le cadre de son Programme d'Education d'Urgence et de Reconstruction (PEER). Ce programme a permis en situation d'urgence, d'offrir une opportunité de scolarisation aux enfants issus des écoles laïques et coraniques. Depuis cette expérience, le PEER a permis de remédier aux problèmes d'éducation en urgence dans différentes crises dans le monde. Ce fut le cas lors de la guerre civile au Rwanda en 1994. Ce programme a contribué à la reconstruction du système scolaire rwandais après la guerre. C'est fort des leçons tirées des expériences de la Somalie et du Rwanda qu'un nouveau programme nommé classe passerelle a été développé par le NRC. Ce programme est conçu pour les enfants hors du système scolaire et ayant dépassé l'âge de la scolarisation pour diverses raisons. L'objectif, selon le MENET et NRC (2015), est de « ramener ces enfants dans le système scolaire conventionnel public. 30» Les classes passerelles en Afrique de l'ouest sont différentes par leurs mises en oeuvre selon les pays. Ainsi, selon OUSSEINI (2009), au Niger, « la classe passerelle va prendre en charge les enfants de 9 à 12 ans non scolarisés ou désco- 29 MENET et NRC, 2015, Guide pratique de mise en oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire, Abidjan. p. 8 30 MENET et NRC, 2015, op. cit., p. 8 21 larisés de manière précoce 31», pour les conduire en classe de CE2 ou CE1, au bout de huit mois de scolarisation. Elle utilise la langue maternelle et le français comme medium d'enseignement. En 2010, s'est tenue au Mali, la rencontre des comités d'orientations inter-pays de la Stratégie de Scolarisation Accélérée Passerelle (SSA/P). C'est un projet financé par la fondation Stromme et l'ONG CARE en partenariat avec des ONG locales et les Etats concernés. Il vise la scolarisation des enfants hors du système scolaire dans trois pays, à savoir le Niger, le Burkina et le Mali. Selon la fondation Stromme (2009), « les résultats du projet donnent des taux de réussite élevés variant entre 81 et 95%. 32» Ces taux sont des indicateurs de la bonne performance des élèves et du bon rendement des classes passerelles. En Côte d'Ivoire, les classes passerelles interviennent dans un contexte de crise sociopolitique. Il s'agit de la guerre de septembre 2002 et du conflit post-électoral de 2010. Comme tout conflit armé, ceux-ci ont contribué à dégrader et détruire les infrastructures scolaires. Ils ont également provoqué le déplacement de populations. Selon le MENET et NRC (2015), « c'est dans ce contexte que les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) du secteur éducation/formation interviennent à travers les classes passerelles 33» pour faire prévaloir le droit à l'éducation. Pour KOFFI et al (2008), l'initiative voit le jour en « 2006 avec l'ONG EPT, puis en 2007 avec le NRC.34» Bien que les promoteurs soient des acteurs non étatiques, le MEN confia la supervision des classes passerelles au Service Autonome d'Alphabétisation. Les classes passerelles se présentent donc comme un programme d'éducation d'urgence basé sur l'apprentissage accéléré avec des classes à profil 31 I. OUSSEINI, 2009, « Des enfant de 12 ans brûlent des étapes scolaires grâce à la passerelle » IPS Afrique (Newsletter Hebdomadaire) in http// ipsinternationa.org/fr/copyright.asp, consulté le 15 Juillet 2012 32 Fondation Stromme , 2009, Rencontre du comité technique sous-régional de SSA/passerelle, Bamako, du 13 au 17 Juillet 2009, rapport général. p. 4 33 MENET et NRC, 2015, op. cit., p. 8 34 I. K. KOFFI et al, 2008, Incidence des curricula des classes passerelles sur le rendement des élèves, Abidjan, ROCARE. p. 15 22 spécifique. Cette initiative entre dans le cadre des offres alternatives d'éducation. Sous la supervision du MEN et du NRC, les ateliers tenus avec les acteurs du projet de 2008 à 2015 aboutissent à l'élaboration d'un document de formalisation de la mise en oeuvre des classes passerelles en Côte d'Ivoire. En 2013, l'implication du MENET dans le projet des classes passerelles, qui était jusque-là pris en charge par les ONG, va se faire dans le cadre formel du Programme d'Urgence d'Appui à l'Education de Base (PUAEB). Cette intervention s'appuie néanmoins sur l'expertise des ONG déjà opérationnelles en la matière. Il s'agit de NRC, EPT et Soleil Levant. Dans le cadre du PUAEB pour l'année scolaire 2013/2014, le MENET (2014) estime le nombre de bénéficiaires à « 1512 élèves dont 710 filles 35». Les classes passerelles interviennent dans un cadre légal établi par le Plan National de Développement du secteur Education/Formation (PNDEF). A travers cette disposition légale le MEN (1997) recommande « le renforcement des actions pour réduire les inégalités dans l'accès à l'éducation/formation et l'élargissement de l'offre d'éducation/formation aux zones défavorisées.36 » A partir de 2009, le MEN prévoit, à travers son Plan d'Action à Moyen Terme (PAMT) 2012/2014, le développement de l'offre des classes passerelles, la standardisation de leurs curricula, la mise à disposition des écoles et enseignants publics et la formation des enseignants afin de définir les conditions de leur prise en compte sur la carte scolaire. En 2011, le MEN et ses partenaires envisagent une extension du dispositif des classes passerelles pour prendre en compte les enfants déscolarisés et non scolarisés. Ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 relative à l'enseignement en Côte d'Ivoire qui énonce en son article premier, que le droit à l'éducation est garanti à chaque citoyen. Elles sont aussi en 35 MENET, 2014, « Les classes passerelles financées par le PUAEB », in www.Education-ci.org., consulté le 10 janvier 2016 36 MEN, 1997, Plan National de Développement du secteur Education/Formation (PNDEF), Table ronde des bailleurs de fonds : Yamoussoukro, Abidjan, MEN, p. 5 23 phase avec l'esprit de l'Education Pour Tous (EPT) de 2000 et la déclaration d'Incheon de 2015 qui garantissent un accès équitable de tous les enfants à une éducation de base. Cet aspect sera développé plus loin dans le chapitre de présentation des classes passerelles. |
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