L'inégalité des états en droit international. Cas du droit de veto.par Landry Nlandu Vanda Université Kongo - Licence 2018 |
§3. Inégalité entre États : causes et solutionsIl est indéniablement admis qu'il existe une disparité entre États dans leurs relations dont les causes sont notamment le privilège de veto, la puissance de certains États par rapport à d'autres. La grande question à se poser est celle de savoir s'il y a ou non une justification à cette inégalité ? 1. Inégalité justifiéeAu sein des O.I, le respect des engagements, « pactasuntservanda » est le gage par excellence de l'égalité des rapports entre États membres. Cependant, l'élaboration ainsi que la ratification des traités par les États ne suffisent pas à elles seules pour placer sur un pied d'égalité toutes les parties au traité en questioncar les O.I fonctionnent, au-delà des traités ou conventions qui les régissent, avec la participation financière de ses membres. Et donc, il serait légitime de voir un État être privé de certains droits tels que le droit de vote, le bénéfice de financements etc. consacrés dans l'acte constitutif même de l'O.I pour défaut de paiement de la contribution par exemple, et les grands contributeurs avoir une volonté un peu plus supérieure à celle des autres membres à pouvoir économique faible. Et la thèse d'Alain DEJAMMET que nous rappelons explicite dans une large mesure la justification à l'inégalité entre membres au sein des organisations internationales : « ...s'ils sont juridiquement égaux, les États ne le sont pas en tant qu'acteurs. »122(*) 2. Inégalité non justifiéeCette disproportion des rapports entre acteurs principaux du droit international ne s'explique qu'en fait et non en droit. Cela veut dire que cette inégalité n'a pas de soubassement juridique (traité, convention...) Car chaque État prend le soin d'examiner a priori le traité auquel il veut adhérer ; ses intérêts et un probable abandon d'une parcelle de sa souveraineté. L'ONU, reflet du climat des relations internationales, consacre le principe d'égalité en son article 2 §1 de la Charte qui dispose : « L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres. »123(*)Il est donc rationnel d'écarter toute hypothèse dans laquelle l'on trouverait un traité ou une convention consacrant l'inégalité des rapports entre ses membres. 3. Quelles solutions ?Après avoir évoqué toutes les problématiques que soulèvent la mission capitale de l'ONU en général et du conseil de sécurité en particulier, et se basant sur l'inégalité des États dont la cause est le privilège de veto, voici les différentes solutions quant à ce: - Suppression du droit de veto et accroissement du nombre des membres permanents au Conseil de sécurité ; En décembre2004, le groupe d'experts de l'ONU a proposé d'accroître le nombre des membres du Conseil de sécurité à 24, suivant deux options n'impliquant pas de nouveaux membres permanents avec droit de veto, sur la base d'une répartition entre les quatre grandes régions Afrique, Asie et Pacifique, Europe et Amériques.124(*) Ainsi, parmi les candidats à devenir membres, le Brésil et l'Inde, deux pays en développement, le Japon et l'Allemagne ; deux contributeurs importants à l'ONU et un pays du continent africain ; soit Nigeria, soit l'Égypte, ou l'Afrique du Sud - seront à l'avenir en mesure de pouvoir exprimer leur voix, sans aucun conditionnement dû à la présence de veto en faveur de cinq États.125(*) Le veto est en effet en contradiction flagrante avec l'exigence de démocratie, une tendance qui est progressivement apparue ces dernières années sur la scène internationale. Certains objecteront qu'une abolition du droit de veto est dans les faits irréalisables, car on demanderait aux détenteurs de ce droit d'y renoncer. Mais l'organe le plus puissant dont dispose l'ONU, le Conseil de sécurité, peut-il vraiment continuer à fonctionner sur la base d'un modèle dépassé? Après tout, un vestige d'une époque révolue, le droit de veto en faveur des vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale, a déjà trop longtemps survécu au coeur même de l'architecture institutionnelle de l'ONU. Il est temps pour la communauté internationale d'adapter la composition et le système de vote de l'organe responsable de la sécurité internationale sur le plan universel aux rapports de force du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.126(*) - Système de votation fondé sur le principe majoritaire ; Un écart manifeste existe entre d'une part, les buts dont l'ONU a été chargée qui comprennent la défense des valeurs et des principes démocratiques et son propre système de fonctionnement, de l'autre. Le seul vrai remède pour mettre en conformité ces deux éléments consiste donc à abolir le privilège du véto en prévoyant un système de votation fondé sur le principe majorité.127(*) - Suppression du système de membres permanents et établissement du contrôle de la légalité de ses actes et la diminution de ses pouvoirs pour transférer les décisions fondamentales à une majorité qualifiée de l'A.G128(*) ; En effet, d'un point de vue juridique, il est impossible d'imaginer que le Conseil de sécurité dispose d'un pouvoir illimité. Ses pouvoirs reposent sur l'habilitation qui lui a été conférée par la Charte des Nations Unies et, à travers elle, par les États. Si le conseil méconnaissait les termes de la Charte, il détruirait en même temps la base juridique de ses décisions. Cependant, force est de reconnaître qu'il n'existe actuellement aucun organe juridictionnel chargé de vérifier la conformité des actes du C.S.129(*) La CIJ, organe judiciaire principal des N.U, n'a malheureusement reçu aucune compétence à cet égard, ce qu'elle a d'ailleurs rappelé dans son avis de 1971 sur la Namibie : « Il est évident que la Cour n'a pas de pouvoirs de contrôle judiciaire ni d'appel en ce qui concerne les décisions prises par les organes des N.U dont il s'agit. »130(*) Eu égard au transfert des décisions fondamentales à une majorité qualifiée de l'Assemblée générale, je pense que la résolution « Acheson », une expérience de contournement du C.S par l'A.G. peut s'avérer un recours non négligeable car elle permettrait à ce qu'il y ait une balance d'intérêts à privilégier pour le bien-être du plus grand nombre possible lorsque les moyens d'action seraient bloqués. (Rappelons cependant qu'il s'agissait ici, d'une abstention de l'URSS en lieu et place d'un vote négatif). L'autorité du C.S, alors bloquée par le veto soviétique, a pu être contournée lors de la guerre de Corée en 1950.131(*) - Faire référence à ou appliquer formellement l'article 24.2 de la Charte qui dispose que le C.S doit agir pour le respect des principes des N.U ; Cette disposition peut se révéler comme la clef pouvant servir à déverrouiller les articles 108 et 109 de la Charte. - N'accorder le privilège de veto qu'à un ensemble d'au moins trois membres du Conseil ; Mais, nous l'avons vu, une telle réforme serait inévitablement bloquée par l'un ou l'autre des membres permanents du Conseil ainsi que leur permet la Charte. - Il faut un changement de paradigme sous l'impulsion d'une majorité qualifiée des membres de l'A.G En somme, il faut un coup de force des membres « ordinaires » contre les membres « privilégiés » menaçant de faire sécession et de fonder une Organisation internationale nouvelle. Certes, la chose est plus facile à dire qu'à faire mais ce serait l'occasion d'une refondation, dont l'urgente nécessité se fait de plus en plus sentir.131(*) * 122 http//www.ladocumentationfrançaise.fr (page consultée le 15mars 2018) * 123 Article 2, point 1 de la Charte des Nations-Unies de 1945. * 124 MIRKO ZAMBELLI, Loc. cit. * 125 Ibidem * 126 MIRKO ZAMBELLI, Loc. cit. * 127 Idem. * 128 J. DUCHATEL et F. ROCHAT, Op.cit., p.68 * 129 M. Perrin de BRICHAMBAUT et al, Op.cit., p.273 * 130 Idem * 131 Xavier PONS, Professeur émérite à l'Université de Toulouse-jean-Jaurès, discours au Conseil de sécurité, 19 décembre 2016 |
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