d. Le mariage de Séjan
462. Ibid., p. 265
463. Grimal 1992, p. 103-104
464. Siliato 2007, p. 116
465. Franceschini 2001, p. 249
466. Adams 1894, p. 164 :
« Tiberius.
You saved my life once.
Sejanus.
I ask not for mine.
Tiberius.
Thou heldst me in thine arms. Open thy breast
!
I'll hack thy heart out ! »
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Séjan pouvait, par ses services, satisfaire ses
ambitions. Ami du prince, ne répondant de ses actes qu'auprès de
l'homme le plus puissant au monde, l'ancien chevalier étrusque a atteint
des objectifs que personne n'aurait pu lui prévoir à sa
naissance. Pourtant, il lui manque une distinction : aussi puissant qu'il soit,
il n'est pas un membre de la haute société. Une première
étape à cette promotion passait par les fiançailles de sa
fille avec le fils de Claude qui, s'il est dénué de toute
prétention à la vie politique, est un membre de la famille
impériale467. Il aurait ainsi pu, quand les deux enfants
seront parents, être le grand-père des descendants de Drusus I et
de Marc Antoine468. Quelques années plus tard, il tente une
nouvelle alliance familiale, cette fois avec Livilla, veuve du fils de
Tibère, qu'il compte lui-même épouser. Il serait ainsi le
beau-père de Gemellus, petit-fils du prince et héritier
présomptif469. Pour ce faire, il doit divorcer de sa femme,
avec qui il a eu trois enfants, un écho de la situation de Tibère
quand il fut associé aux Juliens. Alors, Séjan va demander
à Tibère la main de Livilla. C'est là qu'il
s'aperçoit que sa position n'est pas toute puissante : le prince lui
adresse un refus. Cette décision a été soumise à
bien des débats. Tibère était-il d'accord sur le principe,
ne répondant par la négative que pour le ménager de ragots
qui auraient circulé à Rome, où Séjan est
déjà un personnage omniprésent dans les
discussions470? Est-ce le refus d'un père qui ne veut
admettre que la femme de son défunt fils épouse un autre homme et
que son petit-fils soit élevé par un étranger - ce qui
expliquerait sa future acceptation d'un mariage entre Séjan et la fille
de cette première prétendante471? Peut-être
aussi trouvait-il présomptueux pour un « simple chevalier » de
vouloir épouser une femme de la haute société, qui plus
est la mère d'un prétendant au principat. C'est
l'hypothèse de Linguet, celle d'un prince «
révolté contre l'audace d'un homme sans nom, qui se
présentoit pour devenir le successeur de son
fils472».
A la suite de ce refus, Séjan aurait
commencé à devenir soupçonneux : et si son ambition
l'avait poussé à surestimer ses possibilités et le
précipitait vers une fin prématurée ? Sentant sa puissance
menacée, il aurait commencé à redéfinir ses
ambitions et serait alors devenu le mauvais homme tant décrié par
la postérité, « le commencement d'une intrigue de
palais, durant laquelle ne furent pas interrompues les scènes
accoutumées de délation et d'infamie473».
Mais cette remise en question de
467. Le garçon meurt avant d'avoir pris la
toge virile : la légende veut que, jouant à jeter une poire au
dessus de sa tête, le fruit soit retombé dans sa gorge et l'ait
étouffé.
468. Levick 1999, p. 126
469. Caratini 2002, p. 221
470. Lyasse 2011, p. 148
471. Selon Emmanuel Lyasse, l'identité de la
mariée est discutable : la jeune femme s'est mariée en 33, et
aucune mention d'un précédent mariage n'est lisible.
Peut-être avait-il pu accéder à sa première
demande.
472. Linguet 1777, p. 120
473. Laurentie 1862 I, p. 448-449
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ses capacités a pu intervenir avant même
ce refus. Car, à la mort de Germanicus, le nom de l'héritier
désigné de Tibère semblait une évidence :
c'était celui du fils du prince, Drusus II qui, malgré
ses
défauts moraux, avait toute
légitimité à prétendre à ce titre. Alors :
bientôt le favori, par l'étalage de son dévouement,
étendit ses attributions. Point d'honneurs, point de charges civiles qui
ne fussent données par ses mains ! Son buste, sa statue se
dressèrent au Forum et au théâtre. Séjan
était le second dans l'empire. Cela ne lui suffit point. Quoi de plus
naturel ? Celui qui commandait la force armée à Rome ne devait-il
pas être tenté de saisir le pouvoir que les armées
donnaient ? Les soldats ne connaissaient plus guère que Séjan.
(...) Cet empire néanmoins, ces armées semblaient
déjà la propriété d'une famille, transmissible
comme un bien personnel. Il fallait donc se glisser dans cette famille, en
faire disparaître et en supplanter l'héritier,
Drusus.474
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