c. La mort de Tibère
La mort de Tibère a été souvent
sujette à discussion. Mort à l'âge de soixante-dix-huit
ans, une longévité remarquable pour l'époque, qui plus est
chez un homme malade, il est fort probable que son prétendu «
réveil » après qu'on l'ait déclaré mort ne
soit qu'un dernier sursaut429. Mais la légende noire veut
que, constatant qu'il avait clamé sa victoire trop vite, Caligula ait
achevé le vieil homme en l'étouffant sous ses draps, de ses mains
ou en déléguant le geste à Macron. L'histoire est commode
: elle ternit l'image de Caius, dont la première action en tant que
prince aura été d'assassiner un homme sans défense, autant
que celle de Tibère dont la mort indigne reflète la vie
indigne.
La fiction donne deux thèses
différentes430. La première est celle de
l'incapacité pour Caius de se résoudre au geste final, un instant
de doute qu'il ne devait jamais laisser se reproduire. C'est notamment le cas
dans le film Caligula, où il se pavane avec la bague de
l'empereur, prenant peur en voyant le vieillard relever la tête pour lui
ordonner de la lui rendre. Il tente alors de le frapper avec un miroir, mais il
hésite trop longtemps : Macron entre et lui ôte l'arme des mains.
Mais, alors qu'il se croit condamné, Caligula voit Macron s'emparer d'un
drap et en entourer la tête du vieil empereur jusqu'à ce qu'il
soit incapable de respirer. Image similaire dans la série The
Caesars, quand le prince mourant murmure le nom de son héritier,
horrifié. Macron, que Caligula humiliait précédemment en
lui promettant une place de second tandis qu'il devait le regarder avoir une
relation sexuelle avec sa femme, étouffe le vieillard sous un oreiller
et gifle violemment le jeune homme pour démontrer autant de la
colère qu'il réprimait auparavant que de la déception
qu'il vient de lui faire ressentir par son manque d'initiative. Dernière
occurrence à l'écran, celle de Moi Claude, empereur
où Caligula a déjà fait le récit d'une mort
grandiloquente aux sénateurs quand un esclave vient annoncer que le
prince s'est réveillé et demande à manger. Caius cache
difficilement sa crainte, tandis que Macron va, sans montrer d'émotion,
rendre visite à l'empereur. Il sourit avec indulgence à
Tibère qui réclame son repas, lui fait signe de se calmer, le
couche sur le lit et l'étouffe sous l'oreiller. Quand Caligula entre
dans la salle, l'assassin lui dit avec ironie qu'il l'avait
prévenu
428. Siliato 2007, p. 214
429. Les Anciens rapportent une maladie
contractée quelques semaines avant son décès, apparemment
une pneumonie. A cet âge, ce genre d'affection est notoirement
létal.
430. De fait, on excepte la pièce de Lucien
Arnault, où l'assassin est le médecin Chariclès, qui
prévient ainsi la condamnation de membres de sa famille dont les noms
apparaissaient dans les proscriptions que Tibère allait
dicter.
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que l'empereur était déjà mort.
Caius lui en est reconnaissant431.
D'autres préfèrent montrer un nouveau prince
plus déterminé, ne reculant pas devant l'assassinat pour arriver
à ses fins, à la fois plus courageux et plus haïssable. Dans
l'Enquête Sacrée, il est
présenté comme un jeune homme haineux et difficile à
calmer, montrant de l'hypocrisie en présence de Tibère. Envieux
de l'image de divinité du prince, il attend impatiemment la succession.
Mais, sur son lit de mort, Tibère lui apprend qu'il veut instaurer le
christianisme en religion d'état. Caligula a beau montrer son
désaccord, il ne peut le faire plier. « Ainsi soit-il...
» lui dit-il, avant de demander à Macron d'étouffer le
vieillard qui vient de se rendormir. Le préfet en est incapable, tenant
l'oreiller en tremblant, intimidé par l'idée de tuer son prince.
Caligula n'a aucun état d'âme, lui arrache l'objet des mains et
tue lui-même Tibère. A l'inverse des occurrences
précédemment citées, c'est Macron qui est effondré,
tout tremblant, aux pieds de Caligula, en saluant son nouvel empereur. Caius
est aussi capable de tuer dans La Mort des dieux,
où l'assassinat est fort semblable à celui
présenté dans The Caesars :
Tibère appelle incessamment Caligula, à son horreur. Mais
cette fois, Macron n'a pas à intervenir, et le jeune homme
étrangle le vieux prince.
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