b. Prétentions à la succession
Néron et Drusus avaient toutes les raisons de
se croire destinés à l'Empire. Dès le règne
d'Auguste, la succession aurait pu passer par Drusus I - il était le
beau-fils préféré du prince, semble-t-il, et Germanicus
avait été mis en valeur durant sa jeunesse, ne manquant à
la succession que par son inexpérience à la mort du prince. Au
décès de Germanicus, Tibère a encore un fils et deux
petits-fils, tout juste nés, pour lui succéder. Mais, s'il devait
arriver malheur à Drusus II, il ne pouvait se résoudre à
nommer comme héritier un bébé de quelques mois. S'il veut
poursuivre la volonté dynastique d'Auguste, il doit promouvoir deux
garçons de douze et treize ans391. Toutefois, on peut douter
de sa volonté d'en faire des héritiers de premier plan. Ne
prenant aucune initiative d'adoption, si ce n'est par le mariage de
Néron, il les relègue à une position de successeur «
par défaut », des régents éventuels pour le jeune
Gemellus tout comme il le fut lui-même pour Germanicus. C'est de cette
manière que Marie-Joseph Chénier fait raisonner Tibère,
à la fin d'une tirade prononcée devant Agrippine :
Je connais mon devoir, et respecte ce choix. Des
Césars, vos enfans, j'affermirai les droits. Donnez-leur vos vertus:
mais dans ces jeunes âmes D'un orgueil dangereux n'attisez point les
flammes. Un jour, peut-être , un jour, ils pourront seconder Et
Tibère et Drusus né pour lui succéder. Dîtes-leur
de briller au champ de la victoire, D'espérer les honneurs , de
mériter la gloire, D'obtenir le triomphe au sein de nos
remparts, De grossir les lauriers cueillis par les Césars , De
prétendre au respect qu'un nom fameux inspire, D'aspirer aux
grandeurs , mais jamais à l'empire.392
Toutefois Tibère a besoin d'eux. Quand Drusus
meurt, toute la succession est bouleversée. Gemellus n'a pas encore
quatre ans et il ne reste à la famille que trois adolescents, fils d'un
couple qu'il est censé haïr, et un neveu d'âge mûr,
Claude, auquel on ne peut décemment confier le principat. Séjan
profite alors des conflits familiaux et de la situation dynastique pour prendre
l'ascendant, reléguant Tibère à Capri par la persuasion et
la feinte amitié, et éliminant les rivaux à sa promotion.
La succession reste en état critique. Emmanuel Lyasse parle d'une «
maison vide », dépeuplée : ne
391. Kornemann 1962, p. 237
392. Chénier 1818, p. 34
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restent qu'un vieillard, un adolescent qui n'a jamais
pris la toge virile, un enfant de neuf ans, deux exilés qui n'ont aucune
chance apparente de revenir à Rome et un
incapable393.
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