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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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d. L'ambition féminine

Si Tibère a montré peu d'empathie envers Agrippine, la laissant prisonnière après même la mort de celui qui l'avait condamné, c'est, selon certains, en raison de la haine qu'il a contracté envers les femmes de sa famille. Si ses rapports avec sa belle-soeur Antonia semble cordiaux, ses différends avec Livie, Julie et Agrippine - voire indirectement avec Livilla - sont notoires.

C'est un fait pour Ernest Kornemann, les noms féminins représentent tout l'échec de la dynastie : les Julie ont été sources de scandale public, par leur débauche, tandis que les Agrippine ont, par leur ambition, rompu l'harmonie voulue de la dynastie julio-claudienne375. Agrippine est, dans son rapport à Tibère, l'héritière de sa mère Julie : elle lui rappelle qu'il n'est pas aimé, s'acharne à le

371. Massie 1998, p. 206

372. Pour certains auteurs, tel G. Maranon, la mort de Gallus aurait précipité le suicide d'Agrippine, qui l'aimait véritablement

373. Maranon 1956, p. 41-42

374. Massie 1998, p. 209 : Livilla propose de lui jeter de l'eau froide pour qu'elle se calme, et rappelle que dès l'enfance elle était une comédienne égocentrique qui empoisonnait déjà l'existence de ses proches, Germanicus y compris, par ses exigences et ses jérémiades.

375. Kornemann 1962, p. 97

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harceler moralement et fait régner un « climat de suspicion » dans sa vie376. Opposant le sang à l'adoption, vantant sa légitimité par sa maternité, elle lui rappelle également sa mère Livie et le dégoûte par son arrogance377. En Agrippine, Tibère retrouve les torts de toutes ses ennemies, regroupés en une seule femme.

C'est cette haine provoquée par les femmes qui aurait dicté sa conduite tardive, celle de son départ à Capri pour échapper aux intrigues de cour que se livraient les « quatre veuves » (Livie, Antonia, Livilla et Agrippine) et, dans une autre mesure, expliquerait son refus de reprendre une épouse après son divorce d'avec Julie378. Nous reviendrons ultérieurement sur les personnalités des femmes ayant marqué la vie de Tibère, leurs relations au prince dictant sa conduite et inspirant les historiens « psychologues ».

Ernest Kornemann voit dans les conflits féminins de la dynastie la pire tare de ces années. Plus que les vices des princes, ce sont les stériles conflits d'intérêt, les prétentions au trône de personnages qui, par leur sexe, ne pouvaient y prétendre qui, énervant l'âme de l'empereur, l'empêchent de régner avec intelligence. Si l'auteur nuance l'influence d'Antonia qui, si elle a sûrement voulu promouvoir son fils Germanicus puis son petit-fils Caligula, se contentait d'un soutien moral, il dénonce les « trois femmes avides de pouvoir » qui « par de perpétuelles intrigues » cherchaient à évincer les autres à leur propre profit. Alors que Tibère fuit Rome, Livie vit ses derniers jours, regrettant son influence en déclin, Livilla montre toute sa prétention en éliminant son mari pour servir ses propres ambitions, et Agrippine, par l'énervement qu'elle attise, permet à Séjan de s'affirmer comme le défenseur des intérêts du prince379. Après même la mort de ces trois femmes, le conflit n'est pas fini : Agrippine a transmis ses ambitions à sa fille, la future mère de Néron et épouse de Claude, la première à régner à travers son fils (si l'on excepte le cas de Livie, thèse défendue notamment par Beulé). Pour reprendre l'expression d'Ernest Kornemann, qui clôt son propos sur les femmes : L'État

romain a été capable de supporter des Augusti, mais pas des Augustae. Les femmes qui ont porté ce nom vénérable ont causé les malheurs de Rome.380 .

Mais les prétentions de ces femmes n'auraient pu s'affirmer sans la naissance d'un fils. Sans lui, elle ne peuvent accéder au trône que par le mariage avec moins d'ambitions, un homme mûr étant plus difficile à manipuler qu'un enfant, qui plus est le sien propre. Livilla avait Gemellus, Livie avait

376. Storoni Mazzolani 1986, p. 269

377. Lyasse 2011, p. 130

378. Martin 2007, p. 291-292

379. Kornemann 1962, p. 173

380. Ibid., p. 244

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Tibère et Drusus, Agrippine, quant à elle, avait trois héritiers pour s'affirmer : Néron, Drusus et Caius.

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