La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)par Thomas Min-Tung Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015 |
d. Les conséquences de cette mort- Je te laisse une bien lourde charge,
soupira-t-il. Bientôt, Néron va prendre la toge virile. Il est
d'un naturel indolent. La mort de Germanicus est propice à être romancée tant elle est triste. Alors qu'il meurt, il semble persuadé que le prince l'a fait empoisonner et que sa famille va être mises en pièces par cet homme
115 aigri et rancunier. Ses mises en garde sont d'autant plus tragiques que le lecteur sait que sa prédiction était juste : sa femme et deux de ses enfants subiront ce destin, les autres membres de la famille sombrant dans l'infamie340. Les Romains constatent avec horreur lors des funérailles de Germanicus que le prince est absent. C'est un affront de la part du père adoptif du défunt : sans doute son absence est motivée par sa haine envers Germanicus ! Toutefois, on peut trouver des raisons valables excusant son absence. Il serait ridicule d'évoquer le chagrin - Agrippine et les enfants devaient en avoir plus que lui (notons tout de même l'absence d'Antonia, qui perd son fils - elle n'a peut-être pas voulu assister à cette cérémonie). Toutefois, il semble que les funérailles furent luxueuses, et l'on connaît le dégoût de Tibère pour l'apparat : son absence serait donc une réaction hostile à cette démonstration qu'il aurait voulu plus solennelle341. La dernière hypothèse est celle qui prévaut chez les historiens de la réhabilitation : Tibère était occupé à une tâche plus heureuse, celle de saluer ses premiers petits-fils par le sang, deux frères jumeaux - l'un meurt peu de temps après, l'autre se fera connaître sous le nom de Gemellus et sera une victime notoire de Caligula. Les plus hostiles voient en cette démonstration d'amour de grand-père une manière de détourner l'attention du peuple342, d'autres une manière de se détourner soi-même de la tristesse en privilégiant la naissance à la mort343. Nouveau motif plausible de frustration : il est le seul à être émerveillé par les nouveaux nés tandis que les Romains les ignorent, comme s'ils n'existaient pas pour eux344. Germanicus ne fut jamais légalement le prince de Rome, mais il laisse une empreinte dans l'Histoire. C'est à compter du jour de sa mort que le règne de Tibère devint la tyrannie tant décriée. L'empereur laisse apparaître ses vices, qu'il avait su dissimuler jusqu'alors, décime ceux qui sont devenus ses ennemis en l'accusant de cette mort, et le peuple ne voit, dans l'avenir proche, aucun espoir direct d'héritier à l'Empire - si ce n'est le fils indigne du prince mal-aimé, une poignée d'enfants et un plébéien étrusque arriviste qui profite de la situation pour entrer dans les faveurs de Tibère345. C'est la fin d'un règne heureux, qui est mort à Antioche avec Germanicus346.
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