III - Tibère et Dieu
a. La sympathie envers les Juifs
Les Anciens de confession juive semblent peu hostiles
à Tibère sur la question religieuse. Il est vrai qu'en
comparaison des autres cultes orientaux, les Juifs ont été moins
persécutés. Si les prêtres d'Isis étaient
crucifiés, les rabbins étaient plutôt exilés, un
traitement moins affreux aux yeux de la postérité : s'ils
étaient persécutés, on leur laissait la liberté de
prêcher en dehors des frontières de l'Empire.
287. Philon, Legatio, CCCI.-CCCV.
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L'hypothétique sympathie de Tibère
envers les Juifs et les chrétiens n'est pas aisée à
justifier mais l'on peut témoigner de certains arguments. Certains
auteurs, telle Lidia Storoni-Mazzolani voient une utilité politique
à l'existence du Christ : si la religion juive se différenciait
des autres cultes, c'est qu'elle n'admettait pas de représentation
figurée de son dieu. Avec le Christ, il était désormais
possible de leur attribuer une idole, qui plus est un personnage «
palpable »288. Dans l'ouvrage d'Olive Kuntz, une théorie
intéressante est avancée pour expliquer la tolérance des
Juifs et des premiers chrétiens envers Tibère : en refusant
d'être divinisé et en limitant le culte d'Auguste, il se refusait
à instaurer un monothéisme - qui serait allé à
l'encontre du message de Dieu, les Romains vénérant alors une
fausse idole toute puissante. Si le motif est sans doute plus politique que
religieux, il semble avoir marqué l'esprit monothéiste, qui ne
vit pas en Tibère un rival autoproclamé de Dieu289.
Pour d'autres, il s'agissait de ne pas faire de ces persécutions une
occasion de créer des martyrs. C'est la thèse défendue par
Lucien Arnault, qui présente Tibère repoussant les desseins de
Macron pour ne pas produire de « graves repentirs
»290. Dans le film La Tunique, Tibère ne
croît pas au Christ, mais lui témoigne une sympathie
intéressée : il craint que toute persécution
éveille le désir de liberté des hommes, et ainsi nuise
à son pouvoir. Le propos n'est toutefois pas partagé par tous.
Abel-François Villemain réfute l'existence de la moindre
sympathie de Tibère pour les premiers fidèles de Jésus,
faisant de l'apologie la « fiction naïve d'un chrétien qui
n'a pas su même contenir sa foi et modérer ses paroles
», et refusant de mettre sous de « tels auspices une
religion pure et sublime », où la moindre analogie à
cette souillure morale qu'était le principat de Tibère est
indignité291.
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