c. L'athéisme
Ainsi, Tibère hérite d'une
réputation d'athée. Il croît à des signes plus
qu'à des dieux, pressentant « la fin de la grotesque
théologie paganiste », comme l'affirme G. Maranon271.
Pour le chrétien, le prince est encore plus choquant que les Romains
d'antan : eux croyaient en de fausses idoles, mais au moins ils croyaient en
quelque chose. Tibère non : l'absence de dévotion en un dieu,
soit-il véritable ou faux, passe pour de l'athéisme, un affront
religieux. Jean de Strada, en introduisant sa Mort des Dieux,
présente cette nuance, un conflit entre deux idéologies
intolérables :
Deux partis se disputent le monde : l'un qui veut
l'absorber par les despotismes au nom de Dieu ; L'autre qui veut
détruire Dieu comme la base de tous les despotismes. Lutte horrible,
lutte absurde qui est notre temps. Les hommes la contemplent et s'en reposent
par l'indifférence, le dégoût et
l'athéisme.272
Sans dieux, le monde est voué à
l'échec, rien n'a de sacralité, pas même le tyran. Ce n'est
pas un monde amoral qui est décrié, mais un monde de
négation : c'est encore pire.
Un blasphème bien fier m'aurait fait un
grand bien ! Je voudrais croire en Dieu pour avoir le
blasphème Pour pouvoir blasphémer, je me fais
chrétien. Le tuer ! Le tuer ! Néant, reste-là
blême.273
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Moi le maître !... Mais c'est l'affront de
l'ironie ! Moi le Dieu !... C'est railler jusqu'à l'ignominie ! Je ne
suis pas le maître et ne suis pas le Dieu, Je suis le grand néant
s'abattant en ce lieu !274
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