b. L'intolérance religieuse
Tibère est décrit comme intolérant
envers la religion d'autrui, en particulier envers les cultes
orientaux. Gregorio Maranon en fait le constat :
Tibère persécuta toutes les religions. Maintenant, il est
difficile de juger de la signification politique de ces persécutions ;
mais il est évident que son ressentiment athéiste guidait son
attitude. En l'an 19, il expulsa d'Italie ceux qui professaient le culte
d'Isis. (...) Il fit crucifier des prêtres d'Isis, accusés de
crimes variés, le long du Rhin. Il persécuta aussi les druides.
Enfin, il expulsa les juifs. Environ quatre-cent d'entre eux furent
déportés en Sardaigne sur prétexte d'éradiquer le
banditisme sur l'île, mais avec la secrète intention qu'ils
périraient face à ce climat peu
clément.268
Le propos sonne comme une condamnation pour le lecteur
moderne. Néanmoins, aux yeux de l'historien de l'Antiquité, il
s'agit plus d'une mesure à mettre à son crédit. Ainsi,
Suétone salue cette mesure de Tibère, la situant dans les bonnes
actions de son règne. Tout au plus est-ce un acte sévère.
Au contraire, l'adhésion ou la tolérance des cultes orientaux,
comme la Dea Syria chez Néron ou Isis chez Othon, est
présentée comme outrageante. Tibère va même, selon
l'interprétation de Jacques Gascou, jusqu'à se montrer sceptique
à propos de la divinisation des Césars269. Edgar
Saltus propose une explication à cette répulsion, un argument qui
pouvait être celui qui répugnait Tibère
à
l'idée d'être lui-même divinisé
: La république était un dieu, qui avait son temple, ses
prêtres, ses autels. Quand la république succomba, sa
divinité passa à l'empereur ; il devint l'égal de Jupiter
et, en tant que tel, possédait une majesté qui semblait
sacrilège270
De même, il en allait de la question morale.
Dotés de leur propre pensée, de leurs propres coutumes difficiles
à admettre pour les non-croyants, les cultes orientaux portaient
atteintes aux moeurs traditionnelles. L'affaire Decius Mundus, liée au
culte d'Anubis, en est l'exemple. Une patricienne nommée Paulina avait
été initiée (sexuellement) à cette religion
orientale et avait appris, par le propre aveu de son bourreau, que son
partenaire était un prétendant qu'elle avait repoussé et
qui avait soudoyé les prêtres pour profiter de celle qu'il
convoitait : ils en avaient fait une prostituée. Ce scandale devint un
motif légal pour condamner les débordements, et les cultes
eux-mêmes par extension. Ce que Tibère présentait comme de
la rigueur afin de protéger « l'identité romaine », si
l'on peut s'autoriser un tel terme, passe à la postérité
comme de l'intolérance et un élément
267. Maranon 1956, p. 70
268. Ibid, p. 188
269. Gascou 1984, p. 732
270. Saltus 1892
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tyrannique.
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