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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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b. Villemain, ou l'empereur incapable

Notre second exemple de récit antérieur aux débats de réhabilitation date d'un siècle après celui de Montesquieu. Il s'agit des Études de littérature ancienne et étrangère (1849), d'Abel-François Villemain (1790-1870). L'auteur s'intéresse à plusieurs personnages de l'Antiquité (Hérodote, Cicéron ou Plutarque) et de l'époque moderne (Shakespeare, Byron ou Pope). Un chapitre est consacré à Tibère, qu'il présente comme un tyran hypocrite, dénué de la moindre qualité de gouvernement. L'auteur nous est connu, mais ses motivations sont imprécises. A.-F. Villemain fut député, puis ministre de l'Instruction publique de 1839 à 1845 sous le deuxième ministère Soult, et

90. Ibid. p. 232

91. Ibid. p. 377-378

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vice-président du Conseil royal de l'Instruction publique. Il fut également professeur en Sorbonne, jusqu'en 1848, et resta, sous la République, un auteur de référence. Ainsi, lorsqu'on connaît son

parcours politique, il n'est pas aisé de déterminer si, lorsqu'il évoque Séjan (Toutefois on n'osa pas suspendre l'exécution de quelques condamnés. Leurs gardes , pour ne rien faire contre l'ordre établi , les étranglèrent dans la prison ; horrible exactitude des bourreaux, qui , dans notre révolution , s'est reproduite à la mort du plus vil des

tyrans démagogues.92) il vise Louis XVI, s'opposant ainsi à la monarchie rejetée par Orléans - à qui il doit sa carrière, ou Robespierre, démontrant son hostilité à la nouvelle République destituant la monarchie.

Quelles que soient ses motivations, l'auteur n'admet aucune sympathie pour Tibère. Il le dépeint comme un assassin, éliminant tout personnage allant à l'encontre de ses intentions : il empoisonne Germanicus par jalousie, Pison pour ne pas qu'il dénonce son implication dans ce meurtre, Néron et Drusus sans motifs valables et dans des conditions des plus honteuses et, le pire de ses crimes, ordonne lui-même l'agonie de la fille de Séjan. Lâche et retors, il fait porter toute responsabilité de ses crimes à autrui. Le Sénat est forcé, pour survivre, d'encourager la délation et, par ce fait, d'entraîner la ruine morale de Rome. Son hypocrisie n'a d'égale que sa cupidité : il se prononce en faveur de Julie exilée pour en récupérer des dons, feint la colère en lisant des lettres défavorables à Auguste afin de gagner sa confiance ou se sert de Séjan pour cacher ses crimes et les lui attribuer dans ses Mémoires. Quant à lui attribuer toute sympathie envers son contemporain de Judée, ce ne serait que des inventions tardives, sans aucune légitimité.

Mais au contraire de Montesquieu, peu favorable à ce prince mais lui reconnaissant quelques rares vertus, Villemain ne lui trouve aucune excuse. L'aspect le plus favorable de sa politique, le soin du

niveau de vie des Romains, serait invention et il ne faudrait retenir de ce règne que la tyrannie : On a dit plus d'une fois , pour expliquer la longue patience des Romains , que la tyrannie des Césars pesait sur le sénat , que leurs cruautés, quelque grandes qu'on les suppose, tombaient sur un petit nombre d'hommes rapprochés du pouvoir par leur ambition et leurs intrigues; que le reste des citoyens reposait en pleine sécurité, et qu'ainsi ces règnes odieux dans l'histoire ont pu n'être pas malheureux pour les peuples. Cette explication est mal fondée, même pour Tibère, le plus habile, et partant le plus modéré de ces despotes qui opprimèrent les Romains avec une férocité semblable à la démence. Sa tyrannie s'étendait dans toute l'Italie et dans les provinces : de riches citoyens de la Gaule, de l'Espagne et de la Grèce, étaient injustement condamnés, l'un parce qu'il avait des mines d'or que le prince confisquait à son profit , un autre parce qu'il était suspect, un autre parce-qu'il déplaisait.93

Au sortir du XVIIIe siècle, voire jusqu'au milieu du XIXe, il n'est pas aisé de réhabiliter le « Bouc

92. Villemain 1849, p. 101

93. Villemain 1849, p. 93

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de Capri ». Toute tentative est vouée à l'échec tant l'image est négative. Tibère reste le personnage méprisable des Annales de Tacite, un symbole de débauche et de cruauté, de vices nouveaux et scandaleux. Au mieux on respecte son art de la dissimulation, qu'Allan Massie compare à celui de Machiavel94 ou l'on se fascine pour cet homme, non pas en tant que prince, mais en tant qu'énigme historique. Pourtant, certains auteurs s'essaient à ce travail de réhabilitation - ou du moins, cherchent à nuancer l'image que la postérité offrait à Tibère. Parmi eux, Linguet.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams