d. Qui croire ?
Quand Roger Vailland organise ce plan, c'est
uniquement en réaction à Suétone, pour qui chaque Vie
est bâtie sur ce modèle, qui fait lieu de substitut à
la chronologie. Mais on retrouve ces mêmes grandes idées chez
Tacite et Dion, et dans une moindre mesure chez Velleius Paterculus (dans son
cas, l'étude s'arrête au moment où le cinquième
temps apparaît dans les textes des autres auteurs). Quelle que soit
l'organisation des idées chez les auteurs de l'Antiquité, on
retrouve un cheminement commun : un homme porté au pouvoir par la force
des événements, dont les premiers mois de règne permettent
de se faire une première opinion sur ses compétences et où
l'exercice du pouvoir va pervertir l'esprit du prince, le transformant en
tyran.
Qui croire ? Sans doute aucun plus que l'autre. La
pseudo-apologie de Velleius est une légende, mais se base sur des vertus
indiscutables de l'empereur, tandis que la pseudo-condamnation de
Suétone est tout aussi fictive, mais est fondée sur des vices
indiscutables de l'empereur82. En l'absence de certitudes, on se fie
à la majorité : alors Tibère devient pendant des
siècles le monstre décrit dans sa Vie, l'empereur «
hautain, misanthrope et étrange », dont les
mystères ne peuvent que cacher des instincts primaires
intolérables83. Voilà Tibère tel que l'Histoire
l'a longtemps représenté.
80.
31
Tacite, Livre 6, L.
81. Ibid, LI. - La citation illustre notre premier
chapitre
82. Maranon 1956, p. 5
83. Martin 2007, p. 21
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