C - Lire les Anciens
Les sources mobilisées pour comprendre le
personnage de Tibère sont donc nombreuses, et le choix
opéré pour décider lesquelles sont « dignes
d'utilisation » relève du choix de l'historien. Dans le cas de
Velleius Paterculus, l'auteur est souvent éludé par les Modernes,
tant son récit semble flatteur et dénué d'esprit critique.
Il semblait néanmoins important de donner notre opinion sur ce sujet :
étant l'une des rares sources à ne pas déprécier
Tibère et par sa proximité chronologique avec le propos qu'il
traite, il nous faut lui accorder une certaine attention tout en gardant une
certaine distance quand à la véracité des dires de
l'auteur. Ainsi se profile notre prochain propos : quelle réflexion
doit-on porter quant à l'utilisation de ces sources dites «
principales », dans la mesure où elles sont soit partiales et
dictées par une pensée d'époque, soit simplement car
l'auteur n'est pas le contemporain des faits qu'il se propose de traiter
?
I - La question des sources
a. Les sources mobilisées
A l'exception de Paterculus, les auteurs dits «
principaux » ne sont pas les contemporains des faits qu'ils narrent
(Tacite et Suétone sont nés une génération
après le décès de Tibère, Cassius près d'un
siècle plus tard). Nous devons donc nous demander d'où venaient
leurs sources, de quel matériel ont pu disposer les auteurs un
siècle après les événements dont ils traitent et
l'utilisation faite de ces sources originales. Si l'on remarque quelques
divergences entre les récits de ces écrivains, souvent de l'ordre
du point de détail, le tout est cohérent et les contradictions
rares : sans doute ont-ils recouru aux mêmes sources. On ne doutera pas
que les textes, désormais perdus, d'auteurs contemporains à
Tibère aient pu les renseigner, mais en ce qui concerne la provenance
exacte de leurs sources, de nombreuses hypothèses ont pu être
avancées.
Tout d'abord, du moins pour Tacite et Suétone,
le témoignage par le bouche à oreille devait encore être de
mise : le premier est né dix-huit ans après la mort du prince et
il a du, durant sa jeunesse, profiter des récits de ses proches qui eux
avaient vécu à l'époque du fait qu'il voulait conter. Si
à l'époque de la rédaction des Annales plus aucun
témoin ne devait subsister (les jeunes adolescents des dernières
années du règne de Tibère devaient alors être
octogénaires, voire nonagénaires), on peut imaginer Tacite jeune
adulte parlant aux vieillards, ceux qui étaient trentenaires à
l'époque du départ pour Capri. De là, on imagine l'apport
des rumeurs, des « on-dit », des pratiques qui
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malheureusement sont inopportunes pour l'historien
mais, de par les informations qu'elles donnent sur la pensée d'une
époque, lui sont aussi primordiales. En ce qui concerne les sources
écrites, bien des Modernes supposent que Pline l'Ancien ou Aufidius
Bassus faisaient partie des premiers auteurs à traiter de Tibère.
On ne doute pas non plus que Tacite, Suétone et Dion aient lu
Paterculus, même sans adhérer à son propos, et des sources
apologistes écartées de par leur propension à la
flatterie.
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