d. Autres sources (pièces, inscriptions)
Les écrits ne sont pas seuls à nous
renseigner sur l'image que les Anciens se faisaient de Tibère. Ainsi,
n'oublions pas que les pièces de monnaie étaient marquées
de son portrait, témoignant d'une reconnaissance dans tout l'Empire.
Emmanuel Lyasse souligne que ces pièces rendaient hommage à
Tibère avant même qu'il devienne le prince unique de Rome : on
retrouve notamment des pièces
25. Res Gestae, 25.
26. Res Gestae 30.
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mentionnant sa cinquième salutation, soit entre
l'an 9 et l'an 12, alors que ses prédécesseurs à
l'héritage - Caius compris - n'avaient jamais eu droit à cet
égard, ne bénéficiant au mieux que du revers des
pièces marquées du visage d'Auguste. Alors la monnaie romaine
témoignerait qu'Auguste s'était choisi un égal dans cet
héritier, non simplement un remplaçant27.
Les inscriptions sur les monuments peuvent aussi nous
renseigner. Ainsi, Robert Étienne fait état d'une mention
curieuse, retrouvée à Pavie :
« A l'empereur César Auguste, fils de
[Jules César] divinisé, pontife suprême, père de la
Patrie, augure, membre du
collège des quinze chargés des
cérémonies sacrées, membre du collège des sept
chargés des banquets, consul pour la
treizième fois, ayant reçu la 17e
salutation impériale, revêtu de la trentième puissance
tribunicienne.
A Livie, fille de Drusus, épouse de
César Auguste.
A C. César, fils d'Auguste, petit-fils de
[Jules César] divinisé, consul, ayant reçu sa
première salutation impériale.
A L. César, fils d'Auguste, petit-fils de
[Jules César] divinisé, augure, consul désigné,
prince de la Jeunesse.
A Tibère César, fils d'Auguste,
petit-fils de [Jules César] divinisé, pontife, consul pour la
deuxième fois, ayant reçu la
troisième salutation impériale, augure
et revêtu de la neuvième puissance tribunicienne.
A Julius Germanicus, fils de Tibère,
petit-fils d'Auguste, arrière-petit-fils de [Jules César]
divinisé, César.
A Julius Drusus, fils de Tibère, petit-fils
d'Auguste, arrière-petit-fils de [Jules César] divinisé,
César.
A Julius Néron, fils de Germanicus,
arrière-petit-fils d'Auguste, César.
A Julius Drusus Germanicus, fils de Germanicus,
arrière-petit-fils d'Auguste.
A Tiberius Claudius Néron Germanicus, fils de
Drusus Germanicus28. »
Ce qui semble ici curieux, c'est la contradiction
chronologique entre certaines mentions. Tibère est consul pour la
deuxième fois, datant l'inscription à l'an 8-7 av. J.-C., ce qui
semble confirmé par les hommages à Caius et Lucius, rendus de
leur vivant. Or, Germanicus est « fils de Tibère », une
adoption postérieure à la mort des Princes de la Jeunesse, et
Postumus est absent, un fait qui serait compréhensible après son
exil, mais trouve difficilement un écho à l'époque
présumée de la réalisation de l'inscription. Enfin, notons
les noms des deux aînés de Germanicus nés, semble-t-il, en
6 et 7 ap. J.-C., soit plusieurs années après la mort de Caius et
Lucius. On peut alors supposer qu'elle fut une reproduction d'une inscription
préalable, à laquelle on aurait rajouté les noms des
nouveaux membres de la famille, sans penser à corriger certaines
informations désormais obsolètes. En tout cas, elle
témoigne de la situation familiale des Juliens et des Claudiens à
cette époque et, pour nos intérêts, de la reconnaissance de
Tibère en tant que membre à part entière de la succession,
son nom n'étant précédé que de ceux du couple
impérial et des Princes de la Jeunesse.
27. Lyasse 2011, p. 83
28. Etienne 1999, p. 200-201
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