c. La famille (Res Gestae, Mémoires d'Agrippine)
Il nous faut aussi mentionner les récits
écrits par les membres de la famille impériale, ceux qui ont
connu Tibère, sinon en le fréquentant eux-mêmes au
quotidien, par le récit de leurs aïeuls.
Ainsi, on retrouve diverses mentions dans les
Actes du divin Auguste (Res Gestae Divi Augusti,
abrégé en Res Gestae), testament politique du premier
prince de Rome et compte-rendu des actions de son règne. Les services
rendus par Tibère sont cités en trois occasions :
- Un recensement : « J'ai tenu un
troisième recensement, par vertu d'un Imperium consulaire et avec mon
fils, Tibère César, en temps que collègue, sous le
consulat de S. Pompeius et S. Appuleius (14 ap.
J.-C.)24»
21. Ovide, Tristes, IV., 2 (traduction : Bouix
2011)
22. Crinagoras, Anthologie grecque, XVI., 61
(citation : Chisholm 1981, traduction personnelle de
l'anglais)
« Sunrise, sunset - the world's limits. Nero's
exploits
rang through the ends of the earth.
The sun rising saw him conquer
Armenia,
setting, Germany.
Honour the double victory. Araxes and Rhine know it
:
slave drinks their waters now
»
23. Pétrone, Satiricon, LI.
24. Res Gestae, 8.
17
- L'intervention en Arménie : « De la
grande Arménie dont, après le meurtre de son roi Artaxès,
j'aurai pu faire une province, j'ai préféré, suivant
l'exemple de nos ancêtres, la concéder en tant que royaume
à Tigrane, fils du roi Artavasdès et petit-fils du roi Tigrane,
agissant sous le contrôle de Tibère Néron, qui était
alors mon beau-fils25»
- La campagne de Pannonie : « Les peuples de
Pannonie, qu'aucune armée romaine n'avait soumis avant mon principat, je
les ai défait à travers Tibère Néron, qui
était alors mon beau-fils et légat, et je les ai amené
sous le commandement du peuple romain ; et j'ai étendu les
frontière de l'Illyrie jusqu'au bord du
Danube26»
Pourtant, Auguste a beau reconnaître les
qualités de Tibère et les services rendus, il en oublie certains
: aucune mention notamment de ses missions en Germanie. Au contraire, il
rappelle le souvenir de l'Arménie, dont le nouveau prince ne pouvait se
vanter : il était arrivé après que l'ennemi ait
été assassiné et n'avait fait qu'oeuvre de figuration.
Alors qu'Auguste avait du écrire ce testament dans les dernières
années de sa vie, quand Tibère était son successeur
désigné et à une époque où il n'avait jamais
été aussi estimé, il manque à le glorifier. De
là, on peut penser qu'il n'appréciait guère son fils
adoptif et voulait souligner que sa position d'héritier n'était
qu'un caprice du destin, celui-là même qui lui avait enlevé
ses petits-enfants.
Enfin, il convient d'évoquer un texte -
malheureusement perdu - détenant une importance majeure dans l'image de
Tibère : les Mémoires d'Agrippine. Fille de Germanicus
et d'Agrippine l'Aînée, soeur de Drusus III et de Néron,
elle ne ressent aucune compassion pour celui qu'elle estime responsable de la
mort de ses proches. Nous reviendrons ultérieurement sur ses
Mémoires afin de débattre de leur intérêt
et de leur influence sur la postérité de Tibère - car, si
elles sont perdues, elles ont inspiré les auteurs postérieurs. Il
ne faut oublier qu'Agrippine la Jeune est un personnage complexe, étant
à la fois la survivante d'une famille décimée par le
principat et liée à trois des empereurs les plus
décriés (soeur de Caligula, femme de Claude et mère de
Néron), entre l'image d'une victime et celle d'une
ambitieuse.
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