b. Poètes et auteurs (Ovide, Crinagoras,
Pétrone)
La fiction nous intéresse autant que l'Histoire
dans cette étude, dans la mesure où elle témoigne de la
vision d'une époque, celle de la réalisation des oeuvres. Ainsi,
on ne doit pas manquer d'égards envers le poète Ovide (43 av.
J.-C. - 18 ap. J.-C.), auteurs d'élégies et de recueils tels les
Métamorphoses ou l'Art d'aimer, lorsqu'il conte
l'ovation de Tibère au retour de Germanie, entre
fierté de voir un romain victorieux et malaise
de voir la violence exhibée : « Dans mon lointain exil, je suis
étranger à cette joie publique dont seule une faible rumeur
parvient à ces lieux si lointains. Ainsi le peuple entier pourra
contempler ces triomphes ; il lira sur les pancartes les noms des
généraux et des villes prises, il verra les rois captifs, le cou
chargé de chaînes, marcher devant les chevaux couronnés ;
il verra le visage des uns défait par le malheur, l'air menaçant
des autres oublieux de leur condition. Une partie des spectateurs s'informera
des causes, des faits et des noms, une autre le renseignera sans en être
très instruite :
- Celui-ci, qui resplendit altier sous la pourpre
sidonienne, était le général en chef, celui-ci son
lieutenant. Celui-ci, qui tient maintenant ses regards fixés
misérablement sur le sol, n'avait pas cette contenance quand il portait
les armes. Celui-là, l'air farouche, l'oeil encore étincelant de
haine, fut l'instigateur et le conseil de guerre. Celui-ci a perfidement
cerné les nôtres sur un terrain trompeur ; c'est lui qui cache son
hideux visage sous de longs cheveux. Le suivant, c'est le prêtre qui,
dit-on, immolait des captifs à un dieu qui les refusait
19. Flavius Josèphe, Antiquités
juives, XVIII., 219-223 (traduction : Bouix 2011)
20. Ibid., 224-229 (traduction : Bouix
2011)
16
souvent. (...) Celui-ci, avec ses cornes
brisées, mal caché sous les herbes vertes des marécages,
souillé de son propre sang, c'était le Rhin. Vois encore porter
l'image de la Germanie, les cheveux épars, éplorée,
immobile sous le pied d'un chef invincible, tendant son cou fier à la
hache romaine, et sa main, qui porta des armes, porte des
chaînes.21 »
La poésie peut-être élogieuse et
vanter les qualités du prince. Ainsi procède Crinagoras,
poète grec
mort en l'an 18 : « Soleil levant, soleil
couchant - ce sont les limites du monde. Les exploits de Néron /
brillent à travers les deux extrémités de la Terre. / Le
soleil levant l'a vu conquérir l'Arménie / et la Germanie /
Honorons cette double victoire. L'Araxe et le Rhin le savent : / les esclaves
boivent désormais leurs eaux22 »
Notons aussi une mention à Tibère dans
le Satiricon de Pétrone. On ne sait que peu de chose de cet
auteur, si ce n'est qu'il vécut à l'époque du règne
de Néron. Il rapporte une anecdote inspirée par
Pline l'Ancien (Histoire Naturelle, XXXVI.) :
« Il y a eu pourtant un fabricant qui réussit à faire
une fiole en verre incassable. Il fut donc admis devant César avec son
cadeau ; puis il pria César de le lui rendre et le jeta sur le
pavé. César fut effrayé on ne peut pas plus. Mais l'autre
ramassa la fiole ; elle était bosselée comme un vase de bronze ;
puis il tira de sa poitrine un petit marteau, et sans se presser, il remit bel
et bien sa fiole à neuf. Cela fait, il croyait tenir la couille de
Jupiter, surtout après que l'empereur lui eut demandé : «
Est-ce qu'un autre que toi connaît cette façon de préparer
le verre ? » Mais, voyez un peu ! Sur sa réponse négative,
César lui fit couper le cou, parce que, si son secret venait à
être connu, nous tiendrions l'or à l'égal de la
boue23. »
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