II - Sources « secondaires »
Si l'on se base essentiellement sur ces quatre
auteurs, il existe bien des sources secondaires, qu'il ne faut pas
négliger. Nous ne ferons ici que les évoquer, sans trop nous y
attarder.
16. Le propos est parfois plus mesuré. Ainsi,
Edward Beesly en fait un soldat distingué, attaché aux vertus et
parlant de son général par admiration, sans but de flatter, le
comparant à Napier (qui nous est inconnu) vantant les mérites du
duc de Wellington
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a. Historiens (Eutrope, Aurelius Victor, Flavius
Joséphe)
Eutrope est un auteur tardif, vivant au IVe
siècle, accompagnateur de l'empereur Julien dans sa campagne contre les
Perses. Il nous est connu pour son Abrégé d'histoire
romaine, écrit sous le règne de Valens, à qui il le
dédie (il s'agit d'une histoire de Rome de sa fondation à
l'époque où
vivait l'auteur). Eutrope fait le bilan du règne
d'un prince haïssable : « Tibère exerça le pouvoir
avec une immense paresse, une cruauté pesante, une avarice coupable, des
débauches honteuses. Il ne combattit jamais en personne : il faisait
mener les guerres par ses légats. Certains rois, attirés
auprès de lui par des paroles aimables, ne purent jamais repartir, parmi
lesquels Archelaus de Cappadoce : il réduisit son royaume en province et
ordonna d'appeler de son nom la plus grande ville, aujourd'hui
Césarée, auparavant. Après avoir régné
vingt-trois ans et vécu soixante-dix-huit, il mourut en Campanie,
provoquant une joie immense.17 »
C'est durant ce même siècle qu'a vécu
Aurélius Victor. D'origine rurale et provinciale, il fit carrière
au barreau et, plus grande distinction, fut nommé gouverneur de Pannonie
en 361. Son Livre des Césars, publié en 360, couvre
quatre siècles d'Histoire. Tout comme Eutrope, il dresse un
portrait
peu élogieux de Tibère : « Fourbe
et profondément secret, il se montrait souvent hostile, par
dissimulation, à ce qu'il désirait le plus, et hypocritement
dévoué à ce qu'il détestait ; son esprit
était beaucoup plus vif dans l'improvisation ; après de bons
débuts, ce fut un prince pernicieux, adonné aux pires
raffinements de la débauche, presque distinction d'âge ni de sexe,
et qui punissait cruellement innocents et coupables, ses proches aussi bien que
des étrangers. De plus, ayant en horreur les villes et les
collectivités, il avait choisi l'île de Capri pour y cacher ses
turpitudes18. »
Citons aussi Flavius Josèphe, vivant plusieurs
siècles avant les deux auteurs sus-cités (on estime qu'il est
né en 37 et mort aux alentours de l'an 100). Originaire de Judée,
il fut le prisonnier de Vespasien et assista à la chute de
Jérusalem en 70. Citoyen romain, il dédia ses oeuvres Guerre
des Juifs et Antiquités juives à faire
connaître son peuple d'origine aux Romains. Revenant sur les
premières décennies du principat, il s'avère plus
précis qu'Aurelius et Eutrope quant au règne de Tibère.
Ainsi, là où les Anciens tendent à faire du prince un
personnage maléfique, Flavius le présente comme conseiller de
Caligula, l'enjoignant à se faire aider de Gemellus pour ne pas
courir
à sa perte : « Bien que
bouleversé par l'attribution imprévue de l'empire à celui
qu'il n'aurait pas choisi, il n'en dit pas moins à Caligula, à
contrecoeur et contre son gré :
- Mon enfant, quoique Tibère me soit plus
proche que lui, par ma décision et par le décret conforme des
dieux, je remets entre tes mains l'empire des Romains. Je te demande, quand tu
l'auras obtenu, de ne rien oublier, ni ma bienveillance qui te porte à
un tel comble d'honneur, ni ta parenté avec Tibère ; et puisque,
tu le sais, avec la volonté des dieux et d'après elle, je t'ai
procuré de si grands biens, je te prie de me récompenser de
ma
17. Eutrope, Abrégé d'histoire
romaine, VII, XI. (traduction : Lyasse 2011)
18. Aurelius Victor, Livre des Césars, II.,
3.-9. (traduction : Bouix 2011)
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bonne volonté en cette circonstance et
aussi de t'intéresser à Tibère en bon parent, en sachant
surtout que Tibère, s'il vit, peut être un rempart pour toi et
défendre à la foi ton empire et ta vie, tandis que sa mort serait
le prélude de ta perte. Car l'isolement est périlleux pour ceux
qui sont placés au faîte d'une telle puissance et les dieux ne
laissent pas impunies les injustices commises malgré la loi qui ordonne
d'agir d'une manière toute contraire19.
»
Mais il ne nie pas que la mort de Tibère fut une
joie pour le peuple romain et pour le juif Hérode
Agrippa : A la nouvelle de la mort de
Tibère, les Romains se réjouirent ; néanmoins,ils osaient
à peine y croire, non qu'ils ne la désirassent pas - ils auraient
payé cher pour que ce bruit fût véridique - mais par
crainte qu'une fausse nouvelle ne les incitât à trahir leur joie
et ne les perdît ensuite par une accusation. En effet, cet homme, plus
que tout autre, avait fait le plus grand mal aux nobles Romains, car il
était irascible en tout et assouvissait sans mesure sa colère,
même si la haine qu'il avait conçue était sans motif ;
d'ailleurs son naturel même le poussait à sévir contre tous
ceux qu'il jugeait, et il punissait de mort même les fautes les plus
légères. (...) Mais Marsyas, l'affranchi d'Agrippa, ayant appris
la mort de Tibère, se précipita en courant pour annoncer la bonne
nouvelle à Agrippa et, le rencontrant qui sortait pour aller aux
thermes, il lui fit un signe de tête et lui dit en langue
hébraïque :
- Le lion est mort.
Agrippa comprit le sens de sa phrase et, tout
transporté de joie :
- Mille grâces te soient rendues, dit-il,
non seulement de tout le reste, mais surtout de cette bonne nouvelle, pourvu
seulement que ce que tu me dis soit vrai !20 »
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