ANNEXE 2 - Les instructions de Tibère
[ Lucien ARNAULT, Le dernier jour de Tibère,
1828 ]
Acte 3, scène 3
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TIBERE. S'il faut qu'avant peu j'abandonne Ce
trône où vingt-trois ans sous un titre nouveau , J'ai du monde
usurpé soutenu le fardeau , Prince , en lui succédant
n'oubliez pas Tibère. Dans l'enceinte où sans bruit le
sénat délibère, Proscrivant du Forum les dangereux
débats, Aux Romains en leur nom donnez des magistrats; Respectez
des consuls l'antique préséance; Que pour eux soit la pompe,
et pour vous la puissance. Laissant à l'esclavage un air de
liberté, Caressez du sénat la docile fierté : Ce
corps , quoique déchu de sa grandeur suprême, Dispose d'un
crédit qu'il n'a pas pour lui-même. Des droits du tribunal
possesseur souverain, Flattez, craignez le peuple et donnez-lui du
pain. Offrez-lui dans le cirque , un fantôme de gloire : Et des
tems glorieux étouffez la mémoire. Combattez rarement; des
triomphes nouveaux Peuvent dans vos soldats vous créer des
rivaux. Idole des petits, des grands faites-vous craindre; Persuadez-vous
bien que gouverner c'est feindre: D'un geste , d'un discours mesurez les
effets : Ne vous permettez pas d'inutiles forfaits; Au milieu des
écueils d'une place si haute, On nous pardonne un crime et jamais une
faute. Envers le jeune prince avec vous de moitié Conservez les
rapports d'une franche amitié. En respectant son droit vous consacrez
le vôtre: La ruine de l'un suivrait celle de l'autre. Fiez-vous
à Macron ; de cet ami parfait L'assistance pour moi fut toujours un
bienfait. Chaque jour les conseils de son génie
austère M'ont éclairé dans l'art de gouverner la
terre. Profitez-en , Cayus ; ... au faite des grandeurs Il faut des
conseillers et non pas des flatteurs.
ANNEXE 3 - La condamnation de Livilla
[ Bernard CAMPAN, Tibère à
Caprée, 1847 ]
Acte 5, scène 4
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TIBERE. Vous avez oublié, follement
enflammée, Le nom de vos aïeux et votre renommée. La
digne Antonia qui vous donna le jour, M'avait souvent blâmé de
servir votre amour ; Elle m'avait prédit que j'aurais à me
plaindre Des feux qu'en votre coeur elle voulait éteindre. Je ne
la croyais pas ; j'étais loin de penser Que, pour monter au
trône et pour me renverser, A ce qui m'entourait demandant des
complices, On s'exposât sans crainte à l'horreur des
supplices. Dans votre égarement vous avez donc voulu Devoir
à des forfaits ce qu'offrait la vertu ! Pour vous et pour
Séjan mon amitié sincère N'annonçait-elle pas ce
que je voulais faire ? Couronnant après moi la veuve de mon
fils, Je vous tenais encor ce que j'avais promis. Choisissant un
époux armé pour vous défendre, J'accordais à vos
voeux mon ami le plus tendre, Me reposais sur vous et n'avais qu'un
désir, Dans vos bras caressants j'attendais de mourir. Pour prix
de tant d'amour, je n'obtiens que la haine. L'espérance du
trône est toujours incertaine. Un vieillard languissant prétend
le partager, Seul, en votre puissance, il le faut égorger. Jugez
vos attentats et voyez ma vengeance. Complice et délateurs sont
réduits au silence ; La veuve de Séjan ne vous poursuivra
plus De ses ressentiments, désormais superflus ; Vous demeuriez
libre, et dans ma solitude Rien ne me parlera de votre
ingratitude.
ANNEXE 4 - La plainte de Séjan f Francis
ADAMS, Tiberius a drama, 1894 ]
Acte 4
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Aelia. Thou hast done nothing but be ever
good And kind and gentle. Sejanus. Do not make me laugh
! I have been loved and trusted and a traitor. I have been honoured, and
a murderer. Thou wert a running sunny babe of three When first Tiberius
called me comrade, friend, Co-operator in his world-wide
work- Of peace and power for all. And I was
loyal. I was not traitor always. Then Augusta, Livia, the old stealthy
wolf-bitch, tempted me. Germanicus we poisoned ; the brave wife We had
poisoned too, but she escaped us thrice. Next we slew Piso for the
murderer, And I accused Augusta,' and she fell. She died two years ago,
but found a hand To drive the venomed arrow to my breast. I should have
guessed it. Then we poisoned Drusus, I and his wanton wife. Last, we drove
out The second Agrippina and her sons, Nero and the other, while for
Tiberius We plotted and slew Gallusj him who married Empty Vipsania.
Lastly with Chaerea Aelia. I know it,
father. Sejanus. I and he together Plotted for absolute
empire, using as mask That wise, mad, brat, beast and buffoon, young
Gaius. Chaerea has betrayed me. All is lost.
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[ Aelia. Vous n'avez rien fait d'autre que le
bien Par bonté et gentillesse. Séjan. Ne me
fait pas rire ! Je fus aimé et cru, moi le traître. Je fus
honoré, moi le meurtrier. Tu n'étais qu'un bébé
rayonnant de trois ans Quand Tibère me nomma son camarade, son
ami, Compagnon de ses travaux De paix et de pouvoir pour tous. Et
j'étais loyal. Je ne fus pas toujours un traître. Alors
Augusta, Livie, cette vieille chienne-louve, me tenta Nous
empoisonnâmes Germanicus ; sa brave femme Nous l'empoisonnâmes
aussi, mais elle s'échappa trois fois. Ensuite, nous
éliminâmes Pison pour meurtre, Et l'on accusa Augusta, et elle
tomba. Elle est morte depuis deux ans, mais elle trouva une main Pour
conduire la flèche empoisonnée jusqu'à mon
sein. J'aurai du le deviner. Alors nous empoisonnâmes Drusus, Moi
et sa dévergondée de femme. Enfin, nous
éliminâmes La seconde Agrippine et ses fils Néron et
l'autre, tandis qu'avec Tibère Nous complotâmes et
éliminâmes Gallus, celui qui avait épousé La vide
Vipsania. Enfin, avec Chaerea... Aelia. Je le sais,
père. Séjan. Lui et moi,
ensemble Complotâmes pour l'Empire, usant comme masque Ce malin,
fou, môme, animal et bouffon qu'est le jeune Gaius. Chaerea m'a trahi.
Tout est perdu.]
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