b. Caligula, ou le Tibère immonde
En accord avec l'image d'infamie longtemps
associée à Tibère, nous pouvons citer le film Caligula
(1979). L'empereur y est un individu cruel et débauché, dont
l'indignité choque jusqu'à ses amis, à commencer par
Nerva. Celui-ci souhaite, par l'intermédiaire du jeune Caligula, pousser
Tibère a revenir à Rome pour assumer sa charge princière
et renoncer à sa conduite décadente. C'est un homme amer (neuf de
ses collègues ont été exécutés pour
trahison) qui désapprouve la conduite de Tibère : lorsqu'on lui
demande qui était le meilleur des Césars, il répond que
c'était Auguste,
987. Nous n'avons pu trouver le nom de son
interprète
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montrant alors l'infériorité qui
règne présentement. Poussé à bout par les
débauches du prince, il finit par se suicider en s'ouvrant les poignets.
Celui-ci, qui le voit comme son unique ami, veut lui sauver la vie en lui
proposant d'accéder à toute demande qu'il formulerait : il
propose de tuer Macron, sachant que le juriste ne l'aime guère et oblige
Caligula a prêter serment de ne jamais lui nuire. En vain. Nerva refuse
de vivre plus longtemps avec cet ancien sage que la vieillesse et la peur ont
transformé en monstre. Le croyant mort, Tibère grimace de
colère et quitte la pièce, tandis que Caligula, curieux, lui
demande si en mourant il voit le visage de la déesse Isis. Nerva
répondant par la négative, le coléreux jeune homme le noie
dans son bain en l'accusant de mentir.
Macron est un personnage secret, parlant peu et sujet
à des doutes de bien des compagnons. Tibère même plaisante
devant Caligula en lui demandant de craindre cet arriviste. Ses intentions ont
été perçues à leur juste valeur : il prostitue sa
femme Ennia au jeune homme et fait entendre qu'il fera le nécessaire
pour que son protégé accède au principat, allant
jusqu'à mettre sa main au-dessus d'un brasier pour montrer sa
détermination, plus forte que la douleur. Mais, après avoir
succédé à Tibère, Caligula décide
d'éliminer cet ambitieux qui pourrait le trahir dès lors qu'il
aurait trouvé un prétendant plus enviable. Il se sert alors du
jeune et naïf Gemellus pour condamner Macron : l'enfant a vu Tibère
mourir et en connaît les assassins. Faisant pression sur lui, Caligula
parvient à le faire dénoncer son ennemi, qu'il fait ensuite
légalement exécuter dans une scène grotesque : il le fait
enterrer jusqu'au cou dans l'arène et décapiter par des pales
tournantes.
Nous avons déjà évoqué
précédemment le personnage de Tibère, le propos concernant
son attrait à la pornographie et le plaisir éprouvé dans
l'humiliation de ses sujets. Mais nous n'avons pas fait état de ses
commentaires quant à sa propre attitude. Ironiquement, lui qui se
complaît dans la débauche, constate avec horreur que Rome est en
décadence. Se considérant comme un homme vertueux, aussi
rigoriste que Caton, il estime protéger l'innocence de ses « petits
poissons » face à la débauche environnante, celle de la
porcherie dont il est devenu l'empereur. Dans un dialogue, il se désole
de voir que « les Romains ne sont plus ce qu'ils étaient », ne
pensant qu'à jouir de pouvoir, d'argent et de femmes. Il est
également fataliste : il ne se fait aucune illusion sur l'avenir direct
du principat. Sachant qu'il nourrit une vipère dans le sein de Rome, il
se doute que Gemellus sera tué par Caligula, puis Caligula par un
autre.
On ne peut alors faire du Tibère de ce film un
personnage entièrement mauvais. Cruel et débauché, il est
le monstre que dénonce Nerva, mais il est conscient que le monde romain
est en crise, et c'est
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devant ce constat qu'il sombre dans la décadence.
Notons un détail peu visible au premier visionnage, et dont nous n'avons
trouvé aucune explication de la part de l'équipe du tournage :
Tibère a disposé des corps momifiés dans son palais, dont
l'un porte l'inscription « Druso » sur son cercueil. Le nom ayant
été porté par plusieurs membres de la famille, duquel
s'agit-il ? Et pourquoi garder « précieusement » ce corps pour
en faire une décoration macabre ?
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