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La postérité de l'empereur Tibère (XVIIIème- XXIème siècle)


par Thomas Min-Tung
Université du Havre - Master 2 « Cultures, Espaces et Sociétés Urbaines et Portuaires » 2015
  

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b. Le dernier jour de Tibère , ou un tyran dégoûté par la servilité

Dans sa pièce, représentée pour la première fois en 1828, Lucien Arnault conte les derniers jours de la vie du prince, alors vieux et malade. Alors que le Sénat se félicite de cette mort prochaine, Macron cherche à réconcilier Cayus et son grand-oncle, afin de faire du jeune homme l'héritier au trône. Sa rapprochant des sénateurs, il leur propose la candidature de ce nouveau prétendant, afin de se doter d'un dirigeant plus docile, que le Sénat - en réalité, lui-même - pourrait contrôler à sa guise. Pourtant, Cayus n'est pas aussi naïf : il se joue des arrogants qui l'entourent en feignant la gentillesse et la candeur, alors qu'il est prêt à assumer une tyrannie encore plus rude que celle sous laquelle il vit présentement. Tibère, quant à lui, souhaite secrètement démissionner et laisser sa place au républicain Galba qui, s'il haït le principat, est capable d'agir avec intelligence. Pris d'un malaise, on le croît mort, et les sénateurs maudissent sa mémoire. Quand il paraît, vivant, les lâches sont humiliés. Écoeuré, le prince veut lancer des proscriptions et éliminer ses ennemis. Le médecin Chariclès l'en empêche en l'empoisonnant : dans ses listes de condamnations, il avait noté le nom de membres de sa famille. Tibère voit son assassin mourir devant ses yeux, empoisonné par le même verre afin d'échapper à la justice, le plongeant dans une terreur encore plus vive.

Tibère n'est pas explicitement un mauvais homme. Si les sénateurs le haïssent et dénoncent ses actes, ils sont lâches et serviles et leur parole n'est pas digne d'être prise en considération. De même, Galba déteste le tyran mais respecte la mémoire de l'homme quand il le croit mort. Son principal tort est d'être impulsif et vengeur. Ainsi, quand Macron rapporte au Sénat que l'empereur est mort, il fait le récit d'une dernière condamnation lancée par le prince mourant :

MACRON.

Tibère dès long-tems vers son heure suprême

943. Ibid., p. 75

279

Se traînait exécré des hommes et des dieux :
Épuisé , chancelant , au sortir de ces lieux ,
En vain sous les dehors d'une trompeuse joie
Il cache les tourmens où sa vie est en proie :
La nature trahit ce douloureux effort,
Et ses regards éteints sont voilés par la mort.
(...)
Dans le coeur du tyran prêt à s'anéantir
En faveur de Drusus éveille un repentir :
« C'est mon sang, c'est mon fils, me dit-il à voix basse,
« Et de Germanicus l'inévitable race
« De mes propres enfans partagerait les droits?
« Non, non. Réparateur de mes dernières lois,
« J'en révoque à l'instant la coupable injustice,
« Et du déshérité j'ordonne le supplice. »
En achevant ces mots , seul avec Chariclès
Il se dérobe , il court dans le fond du palais
Cacher les noirs transports de son dernier délire,
Et ce n'est qu'en mourant qu'il cesse de proscrire.944

Quand vient l'heure de sa mort, il se félicite d'être vengé. Chariclès a su prévenir ses proscriptions, mais il lui reste un instrument pour punir les lâches : Cayus. Le prince a su lire dans les véritables intentions du jeune homme et, en faisant de lui son héritier, il condamne Rome à subir un tyran encore plus cruel que lui-même. Le tragique veut que le sacrifice du bon médecin ait été vain : il aura pu retarder la mort de ses proches, mais non l'éviter :

Celui qu'avec orgueil vous portiez à l'empire!
Assassiné par vous, c'est pour lui que j'expire...
Pour lui...! Regardez bien... Voyez comme ses yeux
Trahissent les penchans de son coeur odieux...
Voyez dans tous ses traits quelle terreur farouche!
Mille proscriptions s'élancent de sa bouche
Mille forfaits par lui sont déjà préparés! ! !
Je m'y connais, Romains , vous me regretterez... !
A payer vos bienfaits sa fureur sera prompte;
Mais vous le destiniez au trône... qu'il y monte !
Rome sert... Cayus règne... et Tibère est vengé !945

944. Arnault 1828, p. 49

945. Ibid., p. 78

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery