c. Une lecture heureuse du divorce : Der Tempel des
Janus (1698)
Il est bien difficile de faire une lecture heureuse de
cet événement, si ce n'est en louant le destin qui sépare
la femme vertueuse de son mari, qui doit devenir un tyran. Pourtant, certains
auteurs s'y sont essayé. C'est ainsi le propos de l'opéra Der
Tempel des Janus734 (composition de Reinhard Keiser et livret
de Christian Heinrich Postel), présenté pour la première
fois en 1698. Avant d'en venir au propos, il nous faut digresser sur celui-ci,
tant il livre également des informations sur l'utilisation politique de
Rome à l'aube du XVIIIe siècle.
Il commémore la paix de Ryswick, qui met fin
à la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697), opposant la Ligue
(Provinces-Unies, Angleterre, Saint-Empire, Savoie, Espagne, Portugal et
Écosse - ainsi que la Suède jusqu'en 1691) à l'alliance de
la France, des Ottomans et des Jacobites, se battant pour la
propriété de provinces au nord-ouest de l'Europe. La maison
autrichienne, sous laquelle est composé cet opéra, perd plus
qu'elle ne gagne dans cette guerre (elle doit céder des provinces
à la France), mais elle célèbre la paix et la reprise du
commerce, désormais florissant.
733. Campan 1847, p. 15
734. Ou Der Bey dem allgemeinen Welt-Friede von dem
grossen Augustus geschlossene Tempel des Janus, ou Augustus
C'est ainsi qu'est offert le parallèle à
Rome, à travers l'image du temple de Janus, qui n'était ouvert
qu'en temps de guerre et qui, en temps de paix, montrait porte close. Cet
opéra comporte trois actes :
- Acte 1 : Auguste et Livie veulent nommer
Tibère comme successeur à l'Empire. Pour ce faire, il doit
épouser Julie, alors qu'il est déjà fiancé avec
Agrippine (Vipsania), qu'il aime profondément. Pendant ce temps, le
jeune général Valérius vient avertir le prince que les
Parthes ont décidé de faire la paix avec Rome, et que le temple
de Janus peut à nouveau être fermé.
Bénéficiant d'une faveur pour ses efforts, Valérius veut
demander la main d'Agrippine, mais Livie s'inquiète de la
réaction de son fils. Elle demande alors à un affranchi,
Philanax, d'enlever Agrippine afin de faire croire à sa mort et
décider Tibère à épouser Julie.
- Acte 2 : Rome est mise en parallèle avec la
maison autrichienne moderne, l'une comme l'autre se félicitant du retour
de la paix. Livie fait croire à son fils qu'Agrippine s'est noyée
dans le Tibre, tandis que celle-ci est conduite en prison - sur l'ordre de
Tibère, lui fait on croire.
- Acte 3 : Tibère pleure sa fiancée et
Philanax ne peut supporter de mentir : il libère Agrippine et les amants
se réconcilient. Alors que le temple doit être fermé et
qu'on attend de pouvoir marier Tibère et Julie, Livie fait un aveu
à son fils. Sa soeur, la femme d'Agrippa, était stérile
et, pour lui assurer une descendance, Livie lui avait confié un de ses
enfants. En réalité, Tibère et Agrippine sont jumeaux.
Leurs fiançailles n'ont donc plus de sens, et chacun peut contracter un
mariage heureux : Tibère avec Julie et Agrippine avec Valérius.
La scène finale est une allégorie de la maison
d'Autriche.
Ici, au contraire de beaucoup de pièces et
fictions sur Tibère, la fin est heureuse. Le point tragique étant
l'amour de Tibère et Agrippine, rendu impossible mais acceptable pour
les deux personnages lorsqu'ils apprennent qu'ils sont jumeaux. Chacun
contracte un mariage heureux, Tibère devient le successeur de l'homme le
plus puissant au monde, Agrippine épouse son fidèle
prétendant. Rome est en paix après une longue guerre contre les
Parthes. La morale est sauve et la vie est belle. Si le propos n'a aucune base
historique et que la fin prête à sourire, il s'agit d'une des
rares - si ce n'est la seule - occasion de présenter la
séparation comme un acte heureux.
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