b. Suétone
Caius Suetonius Tranquillus, ou Suétone, est
né vers 70 ap. J.-C. (on ignore la date de sa mort, probablement entre
130 et 160 ap. J.-C.). Membre de l'ordre équestre, il est fils d'un
tribun ayant combattu aux côtés d'Othon contre Vitellius à
la bataille de Bédriac. Proche de Pline le Jeune, qui l'évoque
dans ses lettres, il se voit accorder des privilèges par l'empereur
Trajan (notamment l'un d'entre eux, réservé aux pères de
trois enfants, alors qu'il n'a pas de descendance). Il est par la suite
responsable de la correspondance de l'empereur Hadrien (secrétaire
ab epistulis latinis). Il est ensuite disgracié, aux alentours
de l'an 121-122, en même temps que son protecteur C. Septicius Clarus,
semble-t-il en raison d'un grief avec l'impératrice
Sabine10.
Il nous est connu pour la Vie des Douze
Césars (même si ce n'est pas sa seule oeuvre - les autres
sont parvenues en fragments11). Publiée vers 119-122, elle
présente César et les onze premiers empereurs de Rome, sous forme
de biographies. Ne se réclamant pas annaliste, il est davantage un
compilateur, attaché à l'étude des portraits plus qu'aux
événements, admettant ainsi un ton semblant « trivial
». Ainsi, s'il tient à présenter les personnages des
empereurs, il a le goût de l'anecdote et cherche, plus qu'à
dépeindre la réalité, à faire le portrait
d'empereur sanguinaires et débauchés. Il est ainsi souvent
comparé, à sa défaveur, avec Tacite, qu'on lui
préfère souvent. Mais si on lui reproche son manque d'esprit
critique, sa partialité « de classe » et son aptitude aux
ragots12, on ne peut nier
10. Le propos n'est pas explicité : en
était-t-il un amant ? L'avait-il critiquée publiquement ?
D'autres auteurs attribuent cette disgrâce à une vexation sur la
personne d'Hadrien, qui aurait lu l'oeuvre de Suétone comme une critique
du principat.
11. Parmi eux, sont partiellement lisibles une vie
de Virgile, une vie des grammairiens et une vie de Pline l'Ancien. Sont perdus,
notamment, une vie des débauchés célèbres, une
étude des festivals romains et une étude sur la république
de Cicéron.
12. Vailland 1967, p. 169 : « De toute l'oeuvre
le Suétone, seule la vie des Douze Césars a échappé
dans sa totalité aux cataclysmes des premiers siècle de
l'ère chrétienne. C'est un ouvrage de prime abord ennuyeux : des
biographies juxtaposées, sans aucune recherche du lien de cause à
effet, de telle sorte qu'il semble qu'on puisse sans scrupule bouleverser la
chronologie, comme on bat les cartes : Domitien aurait été le
prédécesseur de Néron, Auguste le successeur de
Tibère : le cours de l'Histoire n'en eût pas été
changé. Des événements racontés sans aucune
référence aux conditions économiques et sociales de
l'époque, et qui prennent ainsi l'apparence de la gratuité ; les
récits
11
l'influence de son oeuvre (l'Histoire Auguste
nous rappelle beaucoup Suétone par sa trivialité - une
critique que formulent bien des Modernes). Ici, Tibère n'est pas le
politicien décrit par Tacite, mais essentiellement un personnage
maléfique et pervers.
Au contraire de Tacite, Suétone ignore toute
chronologie (à ses dépends), et organise ses biographies par
« rubriques » : famille, carrière politique, avènement,
action militaire, action politique, « socialisme », apparence
physique, apparence morale et circonstances de la mort. Le travail de
Suétone admet autant d'avantages que d'inconvénients pour
l'historien moderne. En
témoigne l'analyse de Jacques Gascou :
« Les Vies des Douze Césars ne sont à aucun degré
un ouvrage historique. Le genre littéraire adopté par
Suétone, sa distinction entre « tempora » et « species
», son mépris de la chronologie, la façon souvent allusive
et imprécise dont il évoque les événements
historiques qui ont marqué la vie ou le règne des Césars,
constituent autant d'obstacles à une présentation «
historique » des faits, c'est-à-dire à celle que nous
serions en droit de réclamer d'un historien, qui nous amènent
à déprécier cette oeuvre en tant que source
historique13. »
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