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Analyse critique de la crise de l'éducation scolaire chez Ivan Illich.


par Emmanuel De Marie MUSA MBWISHA
Institut Supérieur de Philosophie/KANSEBULA - Graduat en philosophie 2020
  

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CHAPITRE TROISIÈME : APPRÉCIATION CRITIQUE

1.0. Introduction

Le dernier chapitre de notre travail se lance dans l'appréciation critique de la pensée de l'auteur. Celle-ci se fera en double face : d'un côté, elle donnera les mérites et de l'autre, les limites que regorge la pensée de l'auteur. Nous référant aux commentateurs d'Ivan Illich, qui ont émis des opinions critiques qui nous semble crédibles, nous retenons trois mérites importants, d'abord l'éveil de conscience, ensuite la valorisation du tiers milieu éducatif, et enfin le questionnement sur le rôle de l'école et de l'éducation dans notre société. Quant aux limites, nous en avons retenus les plus importantes en une analyse ternaire, il s'agit de l'illichisme comme théorie utopique, des limites de la pédagogie illichienne et pour finir du caractère obligatoire de l'école.

1.1. Les mérites de l'auteur

Illich comme penseur humaniste prophétique, retient toute notre attention quand il nous parle d'une société sans école, il se lance dans une analyse critique sans pareille ;en cela nous trouvons des mérites que nous devons lui attribuer à juste titre.

3.1.1. L'éveil de conscience pour une éducation juste

À première vue comme pensent certains scientifiques, la pensée éducative illichienne est traitée d'utopique superficiellement sans jamais vouloir en pénétrer l'essence même, or le propre d'un penseur, surtout d'éducation, c'est justement d'aller au-delà des choses pour les ramener dans la réalité, comme le confirme le philosophe de l'éducation Olivier Reboul :

« Le titre de gloire des philosophes de l'éducation est qu'ils sont novateurs parfois des révolutionnaires, ils nous rappellent que le possible, dans le domaine de l'éducation, dépasse singulièrement les limites des résultats atteints et à ceux qui les traitent d'utopistes, nous pouvons répondre que l'utopie est peut-être en ce domaine la critique la plus efficace ».147(*) Et l'utopie, comme construction imaginaire, est parfois valorisée car, elle est censée ouvrir l'imagination à des solutions politiques et sociales.148(*)

Ainsi, lorsque nous replaçons l'affaire de l'école et des inégalités scolaires à l'échelle du monde, nous ressentons un éblouissement à glacer le sang. Illich nous force à prendre conscience que l'école est un lieu où certains hommes n'ont jamais pénétré. Il y a donc une disproportion à la fois dramatique et dérisoire entre les faits et la promesse d'assurer des chances égales d'enseignement à tous, à toutes les catégories de la population. Et lorsqu'une fraction tellement infime de la population est scolarisée, l'effort et l'argent dépensés ne profitent en fait qu'à une poignée de ceux qui sont déjà privilégiés : « Ceux qui se maintiennent dans le système scolaire vont en tirer bénéfice, mais pour s'y maintenir il fallait déjà être au nombre des bénéficiaires. Ceux qui ne s'y maintiennent pas vont avoir du mal à trouver du travail, si ce n'est qu'en constituant l'armée de réserve de la main-d'oeuvre occasionnelle et précaire. Les écoles justifient cruellement sur le plan rationnel la hiérarchie sociale ».149(*)

Le rapport publié par Human Rights Watch, le 14 janvier 2020, donne totalement raison à Illich, jusqu'à nos jours trop d'enfants à travers le monde sont encore privés d'éducation scolaire, montrant l'échec visible et cruel de l'école qui n'arrive pas à assurer l'éducation pour tous. Selon l'Institut de statistique de l'Unesco, près de 260 millions d'enfants scolarisables ne sont pas allés à l'école en 2019 et 617 millions de jeunes à travers le monde ne possèdent pas les compétences de base en calcul, lecture et écriture, pire encore, l'augmentation du nombre de jeunes qui finissent l'école sans les compétences dont ils ont besoin.150(*)

Paradoxalement, seule l'école semble conserver tels quels son rituel et ses habitudes, dénoncés par le philosophe itinérant et d'autres éducateurs de sa génération. Il faudrait, pour la transformer, une véritable révolution :

« Cette révolution peut surgir à la suite des changements qui interviennent dans l'ensemble de la société dans tous les domaines, de l'économie en passant par l'agriculture et l'énergie, de l'informatique, de la santé ou des conditions de vie et de travail et singulièrement, nous pouvons penser aux dangers qui guettent l'humanité comme la surpopulation, le chômage et la pauvreté qui montrent combien nous aurions intérêt à nous orienter vers un développement harmonieux où la survie de l'humanité dépendrait de la capacité de création, de la liberté et de la passion que chacun de ses membres consacrerait à cet objectif ».151(*)

* 147 O. REBOUL, Op. Cit., 59.

* 148Cf. N. BARAQUIN - A. BAUDART, Dictionnaire de philosophie, Paris, Éditions Armand colin, 2005, 356.

* 149G. MIALARET, Introduction à la pédagogie, Paris, Éditions PUF, 1977, 59.

* 150Cf. www.hrw.org/fr/world-report/2020/country, consulté le 5 avril 2020, à 22h38.

* 151M. GAJARDO, « Ivan Illich », in Perspectives, Revue trimestrielle d'éducation comparée, vol. XXIII, n° 3-4, (1993), 734.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld