3. Champ d'application
Le champ d'application de la Fairness Tax est assez large
malgré qu'il écarte les « petites sociétés
».
3.1 Une société résidente ou un
établissement stable belge de société
étrangère.
On applique la Fairness Tax aux sociétés
résidentes qui sont soumises à l'impôt des
sociétés mais également aux établissements stables
belges de sociétés étrangères qui sont soumis
à l'impôt des non - résidents/sociétés, afin
d'éviter toute discrimination de traitement entre des
sociétés belges et étrangères. La Fairness tax est
également d'application pour les établissements belges afin de
garantir une égalité de traitement entre société
belge et étrangère suite à la demande de la
FEB.40
En effet, l'article 233, alinéa 3 du C.I.R rend la
Fairness Tax applicable aux établissements belges de
sociétés étrangères et prévoit que ceux-ci
sont soumis aux mêmes règles qui sont prévues pour les
sociétés résidentes concernant la cotisation. Par exemple,
on déterminera de la même façon si une
société est considérée comme une « grande
société » ou « petite société »,
qu'il s'agisse d'une société résidente ou d'un
établissement stable belge d'une société
étrangère (voir infra, point 3.2).
3.2. La société doit être une «
grande société ».
Malgré une remise en cause par le Conseil d'Etat qui a
considéré qu'une telle différence de traitement n'a pas
été raisonnablement et suffisamment
justifiée,41 seules les «
grandes sociétés » sont soumises à la Fairness
Tax, sur base de l'article 219ter , § 7 du C.I.R a contrario.
En effet, les sociétés considérées
comme « petites sociétés » sur base de l'article 15,
§§ 1er à 6, nouveau du Code des sociétés, pour
l'exercice d'imposition lié à la période imposable au
cours de laquelle les dividendes sont distribués, ne sont pas soumises
à la Fairness Tax (C.I.R, art. 219ter, § 7).
40 BAILLEUX, A., et al. (2014), Liber Amicorum Maurice
Eloy. Limal, Ed. Anthemis, p.289.
41 MARLIERE, M., SCHOTTE, C. (2013), La Fairness
Tax ou quand le gouvernement met en place la notion d'équité
fiscale.
30 C'est pourquoi il est très important de pouvoir
différencier la « petite société » de la «
grande société » sur base de l'article 15 , §§ 1er
à 6 nouveau du Code des sociétés (anciennement, art 15 du
Code des sociétés).
Cependant, il faut être vigilent puisque pour les
périodes imposables qui commencent à partir du 1er janvier 2016,
on ne définit plus « la petite société » de la
même façon.
En effet, pour les périodes imposables ayant
débuté avant le 1er janvier 2016, il n'y avait pas de
définition de la « petite société » dans le
C.I.R mais celui-ci nous renvoyait à l'article 15 ancien du Code des
sociétés.
Pour les périodes imposables suivantes, l'article 3 de
la loi du 18 décembre 2015 transposant la directive européenne
2013/34/UE (appelée « la directive comptable ») a
modifié les conditions (=les limites à ne pas dépasser)
pour être considérée comme une « petite
société ».
Par conséquent, pour les périodes imposables
ayant débuté avant le 1er janvier 2016, une
société évitait d'office la Fairness Tax si elle n'avait
pas dépassé plus d'une des limites suivantes lors du
dernier et avant dernier exercice clôturé :
- nombre de travailleurs occupés en moyenne annuelle : 50
; - chiffre d'affaires annuel, hors TVA, : 7.300.000 euros ; - total du bilan :
3.650.000 euros.
Dès que plus d'une limite était
dépassée, ne fût-ce que pour un des exercices
comptables clôturés susvisés, la
société n'était plus considérée comme une
« petite société » mais comme une « grande
société » et n'évitait donc plus d'office la Fairness
Tax.
De plus, une société qui occupait en moyenne
annuelle plus de 100 travailleurs était
TOUJOURS considérée comme une grande
société, même si aucune autre limite n'était
dépassée et n'évitait donc plus d'office la Fairness Tax.
Il s'agissait donc d'une exception à la condition de dépassement
de deux limites ou plus pour être qualifiée de « grande
société ».
Lorsqu'il s'agissait d'une société visée
à l'article 11 du Code des sociétés c'est-à-dire
une société liée, on appliquait les 3
critères sur une base consolidée mais le nombre de travailleurs
était simplement additionné.
31
On pouvait donc déduire que dès qu'une
société remplissait l'une des conditions
suivantes lors du dernier et/ou avant dernier exercice
comptable clôturé càd :
- si elle occupait en moyenne annuelle plus de 100 travailleurs
;
- ou si le nombre de travailleurs occupés en moyenne
annuelle dépassait 50 et si le chiffre d'affaires hors TVA
dépassait 7.300.000 euros ;
- ou si le nombre de travailleurs occupés en moyenne
annuelle dépassait 50 et si le total du bilan dépassait 3.650.000
euros ;
- ou si le chiffre d'affaires hors TVA dépassait
7.300.000 euros et si le total du bilan dépassait 3.650.000 euros ;
et que les dividendes
distribués par elle ( 3ème élément du
résultat fiscal de la p.i) étaient supérieurs à son
résultat imposable final du fait qu'elle avait réduit son
résultat imposable par la déduction d' intérêts
notionnels et/ou de pertes fiscales reportées, elle devait d'office
payer une Fairness Tax.
Exemple de passage de petite à grande
société pour une p.i ayant débuté avant le premier
janvier 2016 :
Exercice comptable*
Nombre de travailleurs
|
2010
55
|
2011
55
|
2012
55
|
2013
60
|
2014
60
|
SEUIL MAX 50
|
CA hors TVA
|
7.100.000
|
7.200.500
|
8.350.000
|
7.250.000
|
8.000.000
|
7.300.000
|
TOTAL Bilan
|
3.300.000
|
3.500.000
|
4.600.000
|
3.500.000
|
4.200.000
|
3.650.000
|
Critères dépassés >1
|
NON
|
NON
|
OUI
|
NON
|
OUI
|
|
TAILLE de
l'entreprise
|
|
|
Petite
|
Grande
|
Grande
|
|
*Chaque exercice comptable commence le 01/01 et termine le
31/12.
Depuis la première période imposable
débutant à partir du 1er janvier 2016, une
société évite d'office la Fairness Tax si elle ne
dépasse pas plus d'une des limites suivantes à la date de
bilan du dernier exercice clôturé :
Il y a donc une plus grande consistance avec cette nouvelle
règle et moins de changement de petite à grande
société ou de grande à petite société, ce
qui permet une plus grande sécurité juridique.
32
- nombre de travailleurs occupés en moyenne annuelle : 50
(cette limite est inchangée) ; - chiffre d'affaires annuel , hors TVA :
9.000.000 euros ;
- total du bilan : 4.500.000 euros.
La règle selon laquelle une société qui
occupait en moyenne annuelle plus de 100 travailleurs était toujours
considérée comme une grande société a
été supprimée.
Cependant, selon l'article 15, §2 nouveau du Code des
sociétés, le passage de petite à grande
société (ou de grande à petite société) ne
se fait que lorsqu'il y a un dépassement de plus d'un critère (ou
qu'il n'y a plus de dépassement de plus d'un critère)
durant deux exercices consécutifs et dans ce cas, les
conséquences de ce dépassement ( ou de ce non-dépassement)
ne s'appliqueront qu'à partir de l'exercice comptable suivant le
deuxième exercice au cours duquel plus d'un critère a
été dépassé ( ou n'est plus
dépassé).
Cette règle nouvelle est appelée «
principe de consistance ».
On peut donc déduire désormais que dès
qu'une société remplit l'une des conditions
suivantes durant deux exercices consécutifs :
- si le nombre de travailleurs occupés en moyenne
annuelle dépasse 50 et si le chiffre d'affaires
annuel, hors TVA, dépasse 9.000.000 euros ;
- ou si le nombre de travailleurs occupés en moyenne
annuelle dépasse 50 et si le total du bilan
dépasse 4.500.000 euros ;
- ou si le chiffre d'affaires annuel, hors TVA, dépasse
9.000.000 euros et si le total du bilan dépasse
4.500.000 euros
et que les dividendes
distribués par elle sont supérieurs au résultat imposable
final du fait qu'elle a réduit son résultat imposable par la
déduction d' intérêts notionnels et/ou de pertes fiscales
reportées, elle devra payer une Fairness Tax à partir de
l'exercice comptable suivant le deuxième exercice au cours duquel plus
d'un de ces critères a été dépassé
consécutivement .
33 Cependant, le législateur a mis en place un
régime transitoire pour l'application de l'article 15,
§2 nouveau du Code des sociétés. L'art 63, al 1er
de la loi du 18 décembre 2015 écarte les conséquences de
la règle de dépassement de plus d'une limite durant deux
exercices consécutifs au (et seulement au) premier exercice comptable
commençant après le 31 décembre 2015.
Par conséquent, on n'applique donc pas le principe de
consistance pour la détermination de la taille de la
société (petite ou grande) pour le premier exercice comptable
commençant après le 31 décembre 2015.
Exemple de passage de petite à grande
société pour une période imposable ayant
débuté à partir du premier janvier 2016 :
Exercice comptable* Nombre travailleurs
|
de
|
2015
55
|
2016
55
|
2017
55
|
2018
60
|
SEUIL MAX 50
|
CA hors TVA
|
|
7.500.000
|
9.000.500
|
9.350.000
|
9.450.000
|
9.000.000
|
TOTAL Bilan
|
|
3.200.000
|
4.100.000
|
4.600.000
|
4.650.000
|
4.500.000
|
Critères dépassés >1
|
|
NON(1)
|
OUI(2)
|
OUI(3)
|
|
|
Règle
consistance**
|
de
|
|
1er
dépassement
|
2ème
dépassement
|
|
|
TAILLE l'entreprise
|
de
|
|
Petite
|
Petite
|
Grande
|
|
* Chaque exercice comptable commence le 01/01 et termine le
31/12.
** Règle de consistance : si il y a
strictement dépassement de plus d'un des critères durant
les deux exercices consécutifs précédents, alors
il y un changement de la taille de la société pour l'exercice
comptable suivant. Sinon, il n'y a pas de changement de taille malgré
que plus d'un critère est dépassé. De plus, il n'y a pas
d'application de la règle de consistance pour le premier exercice
comptable débutant après le 31/12/15. L'exercice comptable 2016
(débutant au 1er janvier 2016 et se clôturant au 31
décembre 2016) est le premier exercice comptable après le
31/12/15 et, par conséquent, on n'y applique pas la règle de
consistance.
34
3.3. La société ne doit pas être une
« société d'investissement réglementée »
ou une « société immobilière
réglementée ».
La Fairness Tax n'est pas applicable pour des raisons
techniques aux sociétés d'investissement
réglementées, à savoir les SICAV, SICAF, SIC
publiques et institutionnelles et les PRICAF privées visées par
la loi du 3 août 2012 relative à certaines formes de gestion
collective de portefeuille d'investissements .
En effet, celles-ci bénéficient d'un
régime spécial de faveur à l'I.Soc, visé par
l'article 185bis du Code des impôts sur les revenus.
A première vue, on pourrait
considérer que les dividendes « excessifs »
qui sont versés par ces sociétés d'investissement
réglementées sont soumis à la Fairness Tax car l'article
219ter du C.I.R ne les exclue pas.
En effet, une société d'investissement
règlementée est soumise au même taux normal de
l'impôt des sociétés que les autres sociétés
(C.I.R, art 215, al.3, 6°) mais sa base imposable à l'I.Soc est
composée seulement des avantages anormaux ou bénévoles
reçus et des dépenses non admises autres que les
réductions de valeur et les moins-values sur actions (C.I.R, art 185
bis, §1er). Les dividendes distribués ne sont donc pas
pris en compte dans la base imposable.
Cependant, le champ d'application de la Fairness Tax est large
et ne semble pas a priori exclure pareille société.
Nous allons démontrer toutefois qu'une
société d'investissement ne peut pas être
techniquement soumise à la Fairness Tax car la base de
calcul de la Fairness Tax pour les sociétés d'investissement est
toujours ramenée à zéro lors de la troisième
étape du calcul de la Fairness Tax (C.I.R, art 219ter, §4).
Cette dernière étape consiste à
multiplier par un pourcentage la base de calcul de la Fairness Tax obtenue
après une deuxième étape.
On peut donc conclure qu'aucune cotisation, au titre de la
Fairness Tax, ne peut être due par ces sociétés
d'investissement et par les sociétés immobilières,
réglementées.
35
Ce pourcentage exprime le rapport suivant (C.I.R, art 219ter,
§4) :
« La déduction des pertes reportées
effectivement opérée pour la période imposable et la
déduction pour capital à risque effectivement
opérée pour la même période imposable »
« le résultat fiscal de la période
imposable, à l'exclusion des réductions de valeur, provisions et
plus-values exonérées », càd avant les
déductions fiscales opérées de la troisième
à neuvième opération de détermination de la base
taxable à l'I.Soc.
Or, les sociétés d'investissement n'ont pas
droit à la déduction fiscale pour capital à risque (C.I.R,
art 205octies, 3).
De plus, il est impossible que la base imposable à
l'I.Soc d'une société d'investissement soit négative,
puisque sa base imposable est composée seulement des avantages anormaux
ou bénévoles reçus et des dépenses non admises,
autres que les réductions de valeur et les moins-values sur actions
(C.I.R, art 185 bis, §1er). Il est donc impossible de voir
apparaître des pertes fiscales reportées.
Par conséquent, le numérateur est toujours
égal à zéro. Ce qui signifie que , quel que soit le
résultat fiscal de la période imposable au dénominateur,
la fraction sera toujours égale à 0.
Etant donné qu'il faut, lors de la troisième
étape du calcul de la Fairness Tax, multiplier la base de calcul de
celle-ci par un pourcentage qui sera égal à 0, cela revient
à ramener la base de calcul à 0 pour ces sociétés
d'investissement.
Etant donné que les sociétés
immobilières réglementées ( « SIR ») sont
également imposables seulement sur le montant total des avantages
anormaux ou bénévoles reçus et des dépenses et
charges non déductibles à titre de frais professionnels autres
que des réductions de valeur et moins-values sur actions ou parts, sans
préjudice toutefois de leur assujettissement à la cotisation
spéciale prévue à l'article 219 (C.I.R, art.185bis, §
1), la Fairness Tax ne leur est pas non plus applicable, pour les mêmes
raisons.
36
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