La renonciation au recours en annulation en arbitrage OHADApar A. Mariane Fabiola OBROU-ASSIRI Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit privé 2020 |
Section2 : L'expression de la volonté réelle des parties à la renonciationL'expression de la volonté réelle des parties se discerne à travers l'étude des caractères du consentement des parties à la renonciation au recours en annulation. Cette étude permet de démontrer que la validité de la renonciation requiert que le consentement des parties soit aussi efficace que possible. Il faut que le consentement de la convention d'arbitrage dans laquelle est insérée la clause de renonciation soit intégral (Paragraphe1) et exempt de tout vice (Paragraphe2). Paragraphe 1 : Un consentement intégral de la convention d'arbitrageLa volonté des parties de faire fi du recours en annulation de la sentence arbitrale suppose qu'il y ait autonomie de la convention d'arbitrage47(*) (A) et que cette convention soit efficace dans son application (B). A- L'autonomie de la convention d'arbitrage La convention d'arbitrage peut être définie selon Sylvain Souop comme « l'accord par lequel les parties décident de soumettre un litige qui les oppose à des arbitres »48(*). Elle permet aux parties d'évincer la compétence des juridictions étatiques et de recourir à l'arbitrage soit avant la naissance du litige par l'intermédiaire d'une clause compromissoire, soit après la naissance du litige, par un compromis d'arbitrage. En référence aux dispositions de l'article 4 AUA, elle présente deux (02) caractéristiques. L'une est indépendante par rapport au contrat principal ; c'est l'autonomie matérielle et l'autre est autonome par rapport à toute loi étatique ; c'est l'autonomie juridique. La convention d'arbitrage dispose d'une autonomie matérielle. Ce principe de l'autonomie matérielle est expressément prévu à l'article 4 de l'AUA précité. En vertu des dispositions dudit article, la validité de la convention d'arbitrage « est indépendante du contrat principal. Sa validité n'est pas affectée par la nullité de ce contrat ». Cela sous-entend bien évidemment qu'elle déroge au principe selon lequel « l'accessoire suit le principal » parce qu'elle ne saurait être affectée par l'invalidité du contrat. En cas de nullité du contrat principal, la convention d'arbitrage demeure valable. La nullité dont il s'agit ici ne doit pas être prise dans son sens technique mais plutôt au sens large du terme. C'est-à-dire que la résiliation et la résolution du contrat doivent aussi être prises en compte. En plus de déroger à ce principe, elle transgresse le principe de l'unité du contrat. Cela étant, on peut noter que la convention d'arbitrage est réputée indépendante du contrat principal. Pour Pierre Meyer, l'autonomie substantielle « consiste à tenir pour autonome la convention d'arbitrage par rapport au contrat dans lequel elle est stipulée de sorte qu'elle n'est pas affectée par l'invalidité de ce dernier »49(*). Il parle d'une sorte d'immunisation de la convention d'arbitrage. La séparabilité de la convention d'arbitrage du contrat principal est admise dans le souci de favoriser l'efficacité de l'arbitrage50(*). De ce fait, si le contrat principal s'avère inefficace, la clause de renonciation au recours en annulation de la sentence resterait valable puisque celle-ci est insérée dans la convention d'arbitrage qui, elle-même, jouit d'une indépendance par rapport au contrat principal51(*). On peut alors dire que la nullité du contrat principal n'affecte en rien la clause de renonciation. Néanmoins, il advient parfois que la nullité du contrat principal affecte la convention d'arbitrage et donc la clause de renonciation. Cette possibilité apparaît dans trois (3) cas. Le premier est celui dans lequel les parties prévoient expressément dans leur convention d'arbitrage d'exclure tout litige provenant de la nullité du contrat principal. La volonté explicite des parties étant primordiale en arbitrage elle ne peut donc qu'être respectée. Dans cette hypothèse, au stade des voies de recours, la renonciation expressément stipulée dans la convention d'arbitrage serait aussi nulle. Le deuxième cas est celui dans lequel les deux conventions c'est-à-dire le contrat principal et la convention d'arbitrage, sont privées d'efficacité du fait qu'une condition relative aux parties les affecte. C'est le cas en matière d'incapacité d'une des parties au contrat ou d'un consentement vicié. Le troisième cas est relatif à l'absence totale de consentement. En dehors de ces trois conjonctures, la clause de renonciation au recours en annulation reste valable même si le contrat principal est frappé de nullité. En plus de l'autonomie matérielle, la convention d'arbitrage bénéficie d'une autonomie juridique52(*). L'article 4 de l'AUA précité prévoit aussi l'autonomie juridique de la convention d'arbitrage. Il dispose que la convention d'arbitrage « est appréciée d'après la commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique ». Cela signifie qu'elle nait de la commune volonté des parties. Son autonomie juridique vise les règles qui gouvernent la convention proprement dite, c'est-à-dire le régime juridique auquel est soumis la convention d'arbitrage. Dès lors qu'on considère que la commune volonté des parties est la condition sine qua non de l'existence de la convention d'arbitrage, on peut déduire que c'est cette même volonté qui doit faire naitre la clause de renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale. A l'aune de ce fait, du consentement des parties nait la clause de renonciation. En effet, à travers cet article le législateur OHADA donne la possibilité aux parties de choisir deux droits différents : l'un s'appliquant au contrat principal et l'autre à la convention d'arbitrage. Ainsi, la clause de renonciation peut être régie par un droit distinct de celui régissant le contrat principal : c'est l'autonomie de rattachement ou la méthode de rattachement. Pour certains auteurs tels que Pierre Meyer, la méthode de rattachement doit être écartée pour faire place à une conciliation de la technique conflictuelle avec la règle de l'article 4 de l'Acte uniforme sur le droit de l'arbitrage. Car la volonté des parties ne peut à elle seule suffire à la validité de la convention d'arbitrage. Pris sous cet angle, l'on retiendra que seul le consentement des parties, ne peut suffire à rendre la clause de renonciation valable. C'est à travers certaines dispositions de l'AUA et du RA/CCJA que le législateur OHADA rappelle que c'est la volonté des parties qui gouverne l'arbitrage. De ce fait, on peut dire que la clause de renonciation doit être d'après la commune volonté des parties la loi du for53(*). Et l'existence et l'efficacité de cette clause s'apprécient d'après la commune volonté des parties. Tel qu'on l'a souligné plus haut, la convention d'arbitrage doit jouir d'une certaine efficacité. B- L'efficacité de la convention d'arbitrage Elle se manifeste à l'égard de trois acteurs que sont : les parties, l'arbitre et le juge étatique54(*). Notre réflexion se limitera à l'efficacité de la convention d'arbitrage entre les parties. Toute chose qui nous poussera à aborder d'une part, la force obligatoire de la convention d'arbitrage et d'autre part, la crédibilité de celle-ci. En vertu des dispositions de l'article 1134 du Code civil 55(*) les conventions légalement formées par les parties sont leur loi. Autrement dit, les règles prévues par les parties dans leur contrat, leurs sont applicables. Le contrat est leur loi et donc ce qui est prévu dans la convention doit être respecté par les parties. En effet, toute partie à une convention doit se conformer à celle-ci car, dès lors qu'elle donne son consentement, cette convention lui fait office de loi. Ainsi, seules les parties à l'arbitrage sont concernées par celle-ci ; les tiers y sont exclus. Cela dit, une clause insérée dans une convention d'arbitrage n'est applicable qu'entre les parties. Elles doivent donc la respecter puisqu'elle est leur loi. On peut ainsi dire que, dès l'instant où les parties ont prévu expressément renoncer à l'action en annulation de la sentence arbitrale, cette clause de renonciation leur tient lieu de loi. C'est pourquoi on dit qu'il y a limitation des effets obligatoires aux parties à la renonciation. Autrement dit, la convention d'arbitrage tire son efficacité de l'obligation pour les parties de soumettre leur litige à l'arbitre. Il s'agit de l'effet obligatoire de la convention d'arbitrage. En vertu de ce principe, dès lors que la clause de renonciation est valable, elle s'impose aux parties qui sont tenues de la soumettre à l'arbitre. Cette règle s'impose même si l'une des parties est une personne morale de droit public, c'est-à-dire un Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public. C'est de façon exceptionnelle qu'il est porté atteinte à ce principe. Cette atteinte apparait lorsque la clause est manifestement nulle. Selon l'adage « res inter alios acta aliis neque nocere neque prodesse potest », les actes conclus par les uns ne peuvent ni nuire, ni profiter aux autres. Cela signifie que la clause de renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale n'est pas liée personnellement aux tiers. Elle ne peut faire naître à leur encontre ni des droits ni des obligations. Néanmoins, elle n'en demeure pas moins inconnue au tiers. Elle leur est opposable. L'opposabilité de la renonciation se justifie par le fait que la convention d'arbitrage a un effet erga omnes ; c'est-à-dire qu'elle s'impose à tous. Pour Pierre Meyer « affirmer que la sentence est opposable au tiers ne signifie nullement que cette sentence l'oblige. Elle ne constitue pour lui qu'un fait dont il doit tenir compte mais nullement un acte qui l'oblige »56(*). Autrement dit, la clause de renonciation au recours en annulation de la sentence arbitrale n'oblige pas les tiers. Elle ne constitue qu'un simple fait pour eux. Dès l'instant où ils ont connaissance de l'existence de la renonciation, ils sont tenus de s'abstenir de tout comportement qui entraverait son exécution. L'opposabilité dont il s'agit ici doit être considérée en tant que fait57(*). Pour certains auteurs, elle apparait comme « le complément nécessaire de la force obligatoire » de la convention. Car à défaut d'opposabilité, la convention d'arbitrage risquerait d'être privée de son efficacité. Il pèse donc à l'égard des tiers une obligation de ne pas faire. Aussi notons que, pour qu'une convention d'arbitrage soit efficace il faut qu'elle soit crédible. C'est-à-dire exécutée de bonne foi. En vertu des dispositions de l'article 1134 du code civil, les conventions « doivent être exécutées de bonne foi »58(*). Cela signifie que l'exécution de bonne foi de la convention est une obligation pour les parties. Ainsi, une clause de renonciation au recours en annulation d'une sentence arbitrale, insérée dans une convention d'arbitrage doit être aussi exécutée de bonne foi. Qu'entend-on par exécution de bonne foi ? Pour certains auteurs tels que Patrick DAILLIER, Mathias PORTEAU et al « l'exécution de bonne foi devrait être définie comme celle qui exclut toute tentative de « fraude à la loi », toute ruse, et exige positivement fidélité et loyauté aux engagements pris »59(*). Cela peut consister par exemple, pour l'une des parties, de renoncer en des termes flous l'action en annulation de la sentence arbitrale pour pouvoir jouer de cette ambiguïté, afin de servir ses intérêts. Qu'il s'agisse d'une convention commerciale, d'arbitrage ou bien même contractuelle les conventions produisent les mêmes effets de façon générale. De la force obligatoire découle l'exigence de bonne foi. La bonne foi est nécessaire à l'exécution de la convention d'arbitrage et donc à l'exécution de la clause de renonciation. Cela se traduit par un certain nombre de devoirs exigés aux parties. Il s'agit du devoir de loyauté et du devoir de coopération dans l'exécution de la convention. Chaque partie doit exécuter fidèlement son obligation. Cela voudrait dire qu'aucune des parties à la renonciation au recours en annulation ne doit demander l'irrecevabilité de celle-ci après le prononcé de la sentence arbitrale. Les parties doivent se faciliter mutuellement l'exécution de la convention d'arbitrage. Ainsi, on peut retenir que de l'exécution de bonne foi et de la règle pacta sunt servanda résulte le caractère obligatoire de la clause de renonciation au recours en annulation. Le consentement des parties à la renonciation en droit OHADA en plus d'être intégral doit être lucide c'est-à-dire exempt de tout vice. * 47 FOUCHARD (Ph.), L'arbitrage commercial international, Paris, Dalloz, 1965, p.54. * 48 SOUOP (S.), l'arbitrage en droit OHADA, Yaoundé, publié le 25 novembre 2017,29p., p.4 ; KENFACK (H.), Droit du commerce international, Dalloz, Mémentos, Droit privé, septembre 2019, 7e éd., 224p. * 49MEYER (P.), OHADA, Droit de l'arbitrage, op. cit., p.79. * 50 OUERGHI (H.), L'autonomie de la clause compromissoire en matière d'arbitrage international, op. cit., p.19. * 51 « L'autonomie matérielle de la convention d'arbitrage », disponible sur : http://www.amazon.fr,[consulté le 12 novembre 2019]. * 52 RACINE (J.-B.), « Réflexions sur l'autonomie de l'arbitrage commercial international », Revue d'arbitrage 2005-2, p.305. * 53La loi du for est définie comme la loi du tribunal saisi, CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit., p.609. * 54 BAYO (B.B.), « L'efficacité de la convention d'arbitrage en droit OHADA », Revue de l'ERSUMA, Droit des affaires- Pratique Professionnelle, n°2-mars 2013, Doctrine pp61 à 81. * 55 Article 1134 C. civ : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». * 56MEYER (P.), OHADA, Droit de l'arbitrage, op. cit., p.120. * 57« L'efficacité de la convention d'arbitrage », en ligne sur : http://revue.ersuma.org/n2-mars2013/doctrine-20/l'efficacité-de-la-convention-d 'arbitrage, [consulté le 12 janvier 2019] * 58 Article 1134 C.civ. op.cit. * 59 DAILLIER (P.), M. PORTEAU (M.) et PELLET (A.), Droit International Public, op. cit. |
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