La renonciation au recours en annulation en arbitrage OHADApar A. Mariane Fabiola OBROU-ASSIRI Université Catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Master en droit privé 2020 |
Paragraphe 1 : La nécessité d'un consentement des parties à la renonciationLe consentement des parties à la renonciation doit être clair, précis (A) et donc exempt de toute ambiguïté (B). A- La clarté et la précision de l'intention de renoncer La renonciation au recours en annulation en droit OHADA n'obéit en principe à aucun formalisme de validité en référence aux textes de loi. Les parties doivent clairement exprimer leur renonciation et ce de façon précise. Néanmoins, l'expression de cette volonté nécessite l'écrit à l'exclusion d'un consentement tacite. Comme souligné plus haut, la renonciation au recours en annulation exige qu'il y ait un consentement explicite c'est-à-dire clair, précis et concis : sans équivoque26(*). A cet effet les parties doivent l'insérer dans la convention d'arbitrage. Il peut s'agir soit d'une clause compromissoire soit d'un compromis d'arbitrage. Sachant qu'il n'y a pas d'arbitrage sans convention d'arbitrage, on peut dire qu'elle est le support sur lequel repose l'arbitrage. Elle contient les règles qui organisent celui-ci. C'est pourquoi il est judicieux voire nécessaire d'insérer la clause de renonciation dans la convention d'arbitrage. Ce qui sous-entend qu'elle doit être écrite. Bien que l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage n'exige aucune forme de validité de l'arbitrage, le caractère privilégié de l'écrit est tout de même remarquable27(*). L'expression d'une volonté tacite s'avère donc inefficace. Certes, l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage ne prévoit pas l'expression écrite comme condition de validité de l'exclusion de l'action en annulation, mais en se référant à la doctrine et à la jurisprudence on peut l'affirmer. A travers l'arrêt République de Guinée Equatoriale et la Communauté des Etats d'Afrique Centrale (CEMAC) c/ Commercial Bank of Guinea Ecuatorial28(*), les magistrats supérieurs de l'OHADA ont fait droit à la demande d'irrecevabilité du recours en annulation parce que les parties avaient mentionné de façon claire et précise qu'elles renonçaient « expressément à toutes voies de recours ». Telle que stipulée dans la clause compromissoire, l'intention est claire et n'appelle aucun effort d'interprétation. En effet, face à un tel problème, le juge n'a pas à faire preuve de plus de rigueur dans son interprétation lorsque les parties manifestent expressément leur volonté de renoncer au recours en annulation. Il prend simplement acte de la déclaration de renoncer29(*). C'est pourquoi la CCJA retient en l'espèce que la renonciation n'est valable que si « elle a été faite par une disposition expresse de la convention d'arbitrage ». A travers cet arrêt, on retient que la volonté de renoncer de façon explicite nécessite des termes assez clairs. La clarté de la stipulation arbitrale s'impose à partir d'un consentement exprès. Aussi, convient-il de rappeler que l'écrit est un moyen d'établir la preuve de la convention d'arbitrage30(*). En vertu des dispositions de l'article 3-1 de l'AUA31(*) : « la convention d'arbitrage doit être faite par écrit, ou par tout autre moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la stipulant ». Cela signifie que l'écrit est indispensable en matière de preuve de la convention d'arbitrage, voire de la clause de renonciation. De là, on estime que pour établir la preuve de la clause de renonciation il faut qu'elle soit rédigée. Il est donc nécessaire pour les parties de mettre par écrit leur volonté d'exclure l'action en annulation. Dès lors que la recevabilité de la renonciation est subordonnée à un consentement exprès, le consentement tacite n'a plus sa place. Un consentement est tacite lorsque la volonté des parties à une convention se traduit par l'exécution d'actes matériels en dépit d'un accord exprès32(*). C'est le cas par exemple d'un mandataire qui, bien que n'ayant pas donné expressément son acceptation exécute la mission qui lui a été confiée par le mandant. Il est vrai que la renonciation au recours en annulation dans l'arbitrage OHADA n'exige aucun formalisme de validité. Ce qui importe c'est l'intention de renoncer. Cela suppose qu'elle relève du consensualisme et qu'un consentement tacite est valable. Mais un tel consentement n'est pas admis par le législateur OHADA même s'il ne l'a pas explicitement prévu. En effet, lors de la rédaction de leur convention d'arbitrage les parties tiennent compte de certaines mentions telles que la détermination du litige, la désignation du nombre d'arbitres ainsi que le processus de désignation de ceux-ci. Eventuellement, elles doivent aussi faire mention des voies de recours auxquelles elles souhaiteraient renoncer notamment le recours en annulation33(*). Dès lors que les parties entendent renoncer à l'annulation de la sentence, elles doivent le prévoir dans la convention d'arbitrage et donc par écrit. Ce qui suppose que le consentement tacite à la renonciation est exclu. D'ailleurs, il est impossible que la renonciation tacite au recours en annulation de la sentence arbitrale soit valable car la renonciation à un droit ne peut se faire de manière implicite. Sachant que l'action en annulation est un droit reconnu à toute partie à l'arbitrage, sa renonciation doit se faire expressément. Même en faisant une interprétation analogique des dispositions de l'article 3 AUA, on remarque que le législateur OHADA, sans l'avoir expressément prévu dans un texte de loi, n'admet que la volonté expresse et non tacite à la renonciation. De l'absence d'écrit on en déduira qu'il n'y a pas eu de consentement. Avec un consentement tacite à la renonciation, il serait difficile voire impossible de prouver l'existence de la renonciation au recours en annulation. Aussi, convient-il de noter que toute clause compromissoire ambiguë n'est pas admise. B- L'exclusion des clauses compromissoires incohérentes Une clause compromissoire de renonciation au recours en annulation peut être rejetée pour illicéité ou pour confusion de l'autorité de la chose jugée à la renonciation au recours en annulation. Pour rappel, la clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un contrat décident en cas de survenance d'un litige de le soumettre à la justice arbitrale34(*). Elle existe avant même la naissance du litige. Contrairement au compromis d'arbitrage, elle est la plus utilisée surtout par les opérateurs économiques du commerce international35(*) parce qu'en matière d'affaires il faut être prévoyant. En tant que convention d'arbitrage cela sous-entend qu'elle doit être rédigée. En effet, la rédaction de la clause compromissoire pose parfois problème36(*). Il arrive qu'elle soit rejetée pour illicéité37(*). L'illicéité se traduit par le fait qu'elle porte sur des droits dont les parties n'ont pas la libre disposition38(*). Par exemple lorsqu'elle porte sur la dissolution du mariage. La clause compromissoire peut être aussi illicite pour contrariété à l'ordre public international ou aux bonnes moeurs. Ainsi, lorsqu'elle est jugée illicite, elle ne peut être que rejetée39(*). Sachant que c'est dans la clause compromissoire que se trouve la clause de renonciation au recours en annulation certaines questions méritent d'être posées. Peut-on dissocier la clause compromissoire de la clause de renonciation ? Lorsque la clause compromissoire est rejetée cela entraîne-t-il aussi rejet de la clause de renonciation ? En effet, clause compromissoire et clause de renonciation ne peuvent être dissociées tout simplement parce que la loi ne le prévoit pas. Comme le dit l'adage latin,Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus40(*) ; qui signifie : on ne distingue pas là où la loi n'a pas distingué. La renonciation au recours en annulation n'a sa raison d'être que dans l'arbitrage qui existe par la convention d'arbitrage. C'est pourquoi lorsqu'elle est rejetée cela provoque irrésistiblement rejet de la clause de renonciation. Lors de la rédaction de la clause compromissoire, il arrive que les parties confondent l'autorité de la chose jugée et la renonciation au recours en annulation. La clause compromissoire est ambiguë lorsque les termes utilisés sont flous, difficiles à comprendre. En matière de renonciation, la jurisprudence OHADA exige que la volonté des parties soit rédigée en termes clairs. Ce qui suppose que les termes flous ne sont pas les bienvenus. En effet, les juges font preuve de hardiesse quant à la recevabilité de la renonciation au recours en annulation parce qu'il advient que les parties ne parviennent pas à distinguer l'autorité de la chose jugée de la renonciation au recours en annulation. A l'autorité de la chose jugée, on assimile la valeur juridique de la sentence arbitrale. En revanche, à la renonciation à l'action en annulation on assimile le défaut de recours contre la sentence arbitrale. Comme le disait un juge français, la renonciation au recours en annulation « ne saurait résulter d'une clause générale »41(*). Il revient alors aux parties d'indiquer simplement que le recours devant les juridictions étatiques est écarté. Au demeurant, pour amener les justiciables à distinguer la renonciation du recours en annulation de l'autorité de la chose jugée, on doit leur faire comprendre le sens des termes qu'ils emploient. C'est donc à l'arbitre qu'il appartient d'accomplir cette tâche parce que l'une des parties peut abuser de l'analphabétisme de l'autre à des fins personnelles. Il est important de noter que le consentement est à la fois un droit et un devoir pour les parties mais l'anticipation n'est qu'un droit en matière de renonciation. * 26« La sentence arbitrale », CCJA, Assemblée plénière, n°33/2015 du 23 avril 2015, disponible sur : https://www.legiafrica.com, [consulté le 23 juillet 2018]. * 27 SIDIBE (C.L.), « La convention d'arbitrage dans l'espace du droit OHADA », en ligne sur : http://www.legalsoba.com/blog/la-convention-darbitrage-en-droit-ohada/, consulté le 27 septembre 2019. * 28 CCJA, 29 novembre 2011, République de Guinée Equatoriale et la Communauté des Etats d'Afrique centrale (CEMAC) c/ Commercial Bank of Guinea Ecuatorial (CBGE). * 29 Tribunal fédéral suisse,13 septembre 2004, Revue d'arbitrage 2005-4, p. 1075, note BESSON (S.) : « la déclaration expresse des parties manifeste, sans conteste, leur commune volonté de renoncer à tout recours ». * 30 AUBERT (J.-L.), COLLART Dutilleul (F.), Le contrat, Droit des obligations, Paris, Dalloz, coll. Connaissance du droit, 5e éd., mars 2017, 168p. * 31 Voir Article 3-1 de l'AUA. * 32« Baumann Avocats Droit informatique » en ligne sur : https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/consentement-tacite.php, [consulté le 02 décembre]. * 33 Recueil de jurisprudence n°20, Vol 2, janvier-décembre 2013, p. 104-109. * 34 Voir article 3-1 al. 2 de l'AUA * 35RACINE (J.-B.), L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, p.1. * 36OUERGHI (H.), L'autonomie de la clause compromissoire en matière d'arbitrage international, Mémoire, maîtrise de droit, Montréal, Université de Montréal, faculté des études supérieures, mai 2006, 125p. * 37MEYER (P.), OHADA, Droit de l'arbitrage,Bruxelles, Bruylant, 2002, p.104. * 38 COULIBALY(C.J.), Droit civil, Les Obligations, éd. 2015, op. cit. * 39 MEYER (P.) et HEUZE (V.), Droit International Privé, Montchrestien, 9e éd., 2007, Domat droit privé, 798p. * 40CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit. * 41 PELLERIN (J.) et MARIA (L.), « le sursis à exécution de la sentence internationale ou étrangère en cas de recours (art1526, al. 2) », Cahiers d'arbitrage, n°4, 2014, p.783. |
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