De la determination de l'intérêt supérieur de l'enfant en matière de filiation: réflexion à la lumière de la jurisprudencepar Basila PANISSE GABRIELLA Université Officielle de Bukavu - Graduat 2019 |
B. Les droits de l'enfant dans les droits indigènes congolaisAu Congo comme en Afrique généralement, l'enfant constituait une richesse pour la famille, une valeur très précieuse. En lui,l'on voyait la perpétuation de la force vitale du clan à travers les générations. Selon KengoWa Dondo, chaque enfant qui naissait dans une famille y était considéré comme une aubaine, un événement de joie ou une réincarnation d'un ancêtre.32(*) La seule préoccupation était justement celle d'assurer son intégration dans le groupe familial et par là, l'on est tenté d'affirmer que la question de la filiation ne posaitaucun souci dans la société congolaise. Pour sa part Kienge Kiengeintervenant dans le même angle en déduit que, l'enfant jouissait, en raison de son immaturité physique et mentale, d'une protection et des soins spéciaux. Dans les milieux traditionnels, il était rare de rencontrer des enfants abandonnés à eux-mêmes ou désavoués par leurs géniteurs ou par leurs familles d'appartenance33(*). D'ores et déjà, l'enfant trouvait, dès sa naissance, un cadre dans lequel il pouvait vivre et s'épanouir harmonieusement et par conséquent, son intérêt supérieur était parfaitement observé dans la société congolaise traditionnelle. Eu égard aux exposés de ces deux auteurs, il y a lieu de noter que la filiation était bien organisée dans le droit traditionnel congolais et ce dernier prenait en compte la protection de l'enfant dès lors qu'il avait le droit de connaitre ses parents. 1. Considération de l'enfant dans le système patrilinéaire Dans le système patrilinéaire, le principe de base était : « la dot engendre l'enfant ». Par conséquent, tant que le mariage n'est pas encore dissout et la dot restituée, même après séparation de corps et prononcé du divorce, les enfants nés de la femme étaient réputés appartenir d'office au mari, et faisaient partie du clan de celui-ci. Cette appartenance des enfants à l'homme qui a doté la mère était d'office reconnue, même s'il est matériellement certain qu'ils sont nés des oeuvres d'un autre homme avec lequel celle-ci a cohabité pendant la période de la conception. Mais, une fois que le père a reçu en retour la partie de la dot qui faisait naître en sa faveur la présomption de paternité, l'enfant de son ancienne épouse doit être attribué à la famille de celle-ci34(*). Dans ce système, à propos des enfants nés hors mariage, la maternité était un fait matériel certain avec ses effets coutumiers et la reconnaissance de la paternité y était conditionnée au versement d'une indemnité aux parents de la mère par le géniteur35(*).Nous trouvons ici l'application de la présomption : « pater is est quem dos demonstrat », c'est-à-dire le père est celui que la dot démontre. 2. Considération de l'enfant dans le système matrilinéaire Le système matrilinéaire est le moins répandu en R.D. Congo36(*). Qu'il soit né hors ou dans le mariage, l'enfant, dans ce système, n'avait pas besoin d'être racheté pour appartenir à la famille de sa mère37(*), qui est considérée comme sa famille. Sans aucune formalité, tous les enfants indistinctement appartiennent à la famille de leur mère. La discrimination des enfants était étrangère au système matrilinéaire. De ce qui précède, il ressort que le droit civil congolais a été marqué par le dualisme institué par cette ordonnance de l'administrateur général. En effet, la matière de la filiation était régie par le droit écrit (code civil livre I) alors que les droits successoraux et les droits alimentaires restaient sous le régime des coutumes. Le code civil livre I établissait la différence entre les enfants légitimes, les enfants naturels simples, les enfants naturels adultérins et incestueux. Il interdisait la reconnaissance des enfants adultérins et incestueux38(*) et ne permettait pas aux enfants naturels simples reconnus de réclamer les droits des enfants légitimes39(*). Voici comment, de manière brève ce code régissait la filiation. * 32 KENGO WA DONDO, « Les réflexions sur la filiation hors mariage », in R.J.Z., n° 1, 1975, p.57. * 33 KIENGE KIENGE INTUDI, « Quelques spécificités de la charte africaine sur les droits et le bien-être de l'enfant », in Zaïre -Afrique, n° 295, 1995, p.287. * 34 M. VERSTRAETE, Droit civil du Congo Belge, T.1, Larcier, 1956, p.35. * 35 M. MAZEBO, « La filiation en droit coutumier zaïrois », in Cahier zaïrois de la recherche et du développement, n° spécial, 1971, p.118. * 36 A. SOHIER, Droit civil du Congo belge, T.1, Larder, Bxl, 1936, p. 17 * 37 Ibidem. * 38 Article 206 du code civil livre premier. * 39 Ibidem, article 214 al. 2. |
|