De la determination de l'intérêt supérieur de l'enfant en matière de filiation: réflexion à la lumière de la jurisprudencepar Basila PANISSE GABRIELLA Université Officielle de Bukavu - Graduat 2019 |
Selon nous, une audition de l'enfant à tout âge est raisonnable, le cas échéant par voie d'expertise, aurait le mérite d'amener la balance des deux intérêts concurrents de l'enfant : ancrage à long terme contre stabilité du court terme. L'intérêt de l'enfant à connaître son origine et à établir sa ?liation biologique, quitte à changer de nom et de parents, peut être prépondérant d'emblée.Les adultes, la mère et peut-être même le père légal, auront d'autres tribunes pour faire valoir leurs intérêts en matière d'hébergement ou de relations personnelles si la ?liation légale est contestée.La possession d'état peut-elle, après avoir été écartée au stade de la recevabilité, resurgir dans la pondération au fond au titre de « fait établi » ?À notre avis, la possession d'état au sens légal des termes, sous son cryptique ancien «nomen fama tractatus », comme à la cour d'appel de Liège dans l'Arrêt suivant, ne peut plus être invoquée à titre de fait établi. Si la Cour constitutionnelle est si sévère à son encontre, c'est probablement parce que la possession d'état classique est désincarnée, asservie à une protection abstraite, législative, de la paix des familles. Elle n'est pas ipso facto révélatrice d'une réalité socio-affective110(*).Elle ne doit même pas être actuelle pour produire ses effets bloquants111(*). La possession d'état ne protège pas en toute hypothèse l'intérêt actuel de l'enfant112(*)et n'a pas pour ?nalité de recueillir une appréciation pondérée de tous les intérêts en cause. S'il fallait conserver l'institution, il faudrait en dé?nir les contours pour qu'elle contribue avec d'autres faits et intérêts à démontrer la nécessité de privilégier le lien légal sur le lien biologique au jour de la contestation113(*).Par contre, il demeure légitime, comme le fait la Cour de Liège, d'intégrer certains éléments constitutifs de la possession d'état dans la balance d'intérêts au fond, s'ils caractérisent la vie familiale dans la famille légale. Si l'institution de la possession d'état n'a plus aucun rôle con?rmatif en droit de la ?liation, la vie socio-affective114(*) dans la famille légale (comme dans la famille biologique) reste pertinente.Il faut se poser la même question (non à l'ordre du jour dans l'Arrêt de la cour de Liège) sur le temps mis pour décider d'agir, même dans une espèce où ce temps n'emporte plus prescription grâce à la jurisprudence constitutionnelle (enfant tardif, adulte empêché d'agir).* 110 Ibidem. * 111 N. GALLUS, Droit de la filiation. Rôle de la vérité socio- affective et de la volonté en droit belge, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 111. * 112 « La possession d'état ne coïncide pas toujours avec l'intérêt de l'enfant et la conception de la paix des familles qu'elle veut protéger évolue rapidement » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, 51-0597/024 60-62) ; adde N. MASSAGER, « Filiation 2.0. », in Le droit familial et le droit patrimonial de la famille dans tous leurs états, p. 34 ; et J. SOSSON et N. MASSAGER, « Filiation et Cour constitutionnelle », in Cour constitutionnelle et droit familial, J. SOSSON et N. MASSAGER (éds), Limal, Anthemis, 2015, p. 47. * 113 J. SOSSON et N. MASSAGER, « Filiation et Cour constitutionnelle », in Cour constitutionnelle et droit familial, , Limal, Anthemis, 2015, p. 47. * 114 N. GALLUS et A.-Ch. VAN GYSEL, « Les décisions récentes de la Cour constitutionnelle en matière de ?liation : humanisme ou aberrations ? », in rev. Not. Belge, 2013, p. 399. |
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