L'entrepreneuriat de nécessité est globalement
lié à des facteurs « push ». Ces facteurs sont
généralement soit le bassin d'emploi, l'âge, le sexe ou
encore la menace de perdre son emploi23. Ces facteurs externes ne
relèvent pas de la liberté des individus. Ils ne viennent pas de
l'intérieur (volonté, désir, choix, etc.). La
création d'entreprise se fait sous la pression de multiples causes
extérieures qui bien souvent s'accumulent et peuvent autant expliquer
les motivations par défaut que le manque d'enthousiasme.
Si aujourd'hui certains individus choisissent
l'entrepreneuriat par nécessité, c'est aussi parce que la
législation française facilite de plus en plus la création
d'entreprise. En effet, les politiques publiques actuelles favorisent ce type
d'initiative par des avantages fiscaux et des simplifications bureaucratiques
(facteurs push positifs). Elles permettent de lutter contre le
chômage24. Le graphique ci-après illustre les
résultats d'une enquête menée par l'Insee en 2010. Il
montre clairement les différentes motivations poussant à la
création d'une entreprise : 60% des demandeurs d'emplois se
lançaient dans cette activité afin d'assurer leur propre emploi
(cf. Figure 8).
La question est à présent de savoir si le
statut simplifié mis en place par les politiques publiques facilite ou
non le développement de ce type de profil. La création du statut
d'auto-entrepreneur en France date de 2008. Face à une
précarité de l'emploi grandissante, le
23 A. Fayolle, W. Nakara. «
Création par nécessité et précarité: la face
cachée de l'entrepreneuriat ». Cahier de recherche n° 2010-08
E4. 2010.
24 Bayad, Mohamed, Akram El Fenne, et
Aurélien Ferry, « Porteurs de projet en recherche d'un nouvel
emploi et entrepreneuriat : sortir de la dichotomie
opportunité/nécessité », Revue de l'Entrepreneuriat,
vol. vol. 15, no. 3, 2016, pp. 205-229 : [En ligne :
https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2016-3-page-205.html].
régime de l'auto-entrepreneuriat est rapidement devenu
un nouveau moyen d'accéder au travail. L'entrepreneur est
libéré des charges habituelles puisqu'il ne les paie que sur la
base de son chiffre d'affaires, contrairement aux cotisations des travailleurs
indépendants. En outre, le chiffre d'affaire est également le
critère déterminant le plafonnement des cotisations et
contributions des autoentrepreneurs. Ces facilités financières
visent à accroître les initiatives. En 2012, la
Fédération des auto-entrepreneurs proposera de nouvelles
modifications au statut afin de faciliter et renforcer le régime. Par la
suite, le statut sera réformé par deux fois, en 2013 puis en
2018. Pour cette dernière année, la réforme de la
contribution sociale généralisée a engendré une
baisse des taux de cotisation pour les autoentrepreneurs.
Figure 8 : Les principales raisons ayant motivé la
création d'une autoentreprise25
Par ailleurs, la création de son entreprise est
également facilitée dans la forme puisqu'il suffit de se rendre
sur le site officiel et de déclarer son début d'activité
afin de lancer la procédure. Sa simplification est donc entendue de
manière fiscale et juridique.
25
25 Insee : [
http://www.epsilon.insee.fr/jspui/bitstream/1/13899/1/fc290.pdf].
26
Toutefois, la création d'autoentreprises reste
majoritairement une activité parallèle à un emploi stable,
excepté pour la catégorie dont cette étude fait l'objet :
les entrepreneurs de nécessité. 30% des autoentrepreneurs
étaient au chômage avant de lancer leur activité, 11%
étaient sans activité et 6% étaient des salariés
précaires26. Pour ces catégories,
l'accès au statut est une véritable porte de sortie afin d'aller
vers une stabilité professionnelle.
Toutefois, bien que l'accès à ce statut soit
facilité, la majorité des entrepreneurs choisissent cette voie
par défaut, celle-ci étant éloignée de leur projet
professionnel initial car non désirée, qu'il s'agisse
d'étudiants débutant sur le marché de l'emploi ou
d'anciens salariés licenciés. Bien que la sortie d'une situation
précaire puisse sembler positive, en 2014 Christel
Tessier-Dargent27 soulignait que l'entrepreneuriat de
nécessité avait un impact économique et social globalement
négatif. L'environnement est impacté par la situation
précaire ayant conduit l'entrepreneur à se lancer, sans compter
qu'il ne connaît généralement pas le milieu et la culture
de l'entreprise. Aussi, le profil personnel de ce genre d'entrepreneurs est
diamétralement opposé à la normale, faisant d'eux des
« anti-entrepreneurs28 » moins sûrs de leurs choix
et fragilisé par leur position de meneur non-salarié.