2. Méthodologie pour le recueil des
données
a) Modalités pratiques
Les entretiens individuels ont eu lieu de mars à avril
2019. Le lieu de chaque rencontre était laissé à la
convenance de l'interviewé. En préambule de l'entretien, la
garantie de l'anonymat a été affirmée. L'ensemble des
personnes interrogées a donné son accord pour l'enregistrement
des entretiens et l'utilisation des données à des fins
scientifiques. Un dictaphone a donc permis de recueillir la totalité des
échanges. Les entretiens ont duré entre 25 et 55 minutes. En
effet, malgré les relances, les propos de certains interviewés
restaient succincts.
b) Procédure de recrutement
Nous avons choisi d'interroger des entrepreneurs de tout
horizon afin de minimiser les biais d'interprétation concernant
l'opportunité et la nécessité. Puisque
l'auto-efficacité conditionne l'intention entrepreneuriale et donc la
décision d'entreprendre, il nous a semblé judicieux d'inclure des
entrepreneurs naissants qui nous faisaient part de leur sentiment
d'efficacité personnelle en temps réel. Nous avons
également inclus des entrepreneurs bien établis qui avaient un
regard rétrospectif sur leur auto-efficacité mais qui nous
permettait d'apprécier la trajectoire du projet. Enfin, il nous a
semblé pertinent de recueillir les propos d'accompagnateurs à la
création d'entreprise dans le but d'apporter un éclairage
différent quant à la contrainte. Les accompagnateurs font-ils la
distinction opportunité/nécessité ? Et adaptent-il leur
accompagnement ?
Concernant les entrepreneurs : Le recrutement des
premières personnes interrogées s'est fait par le biais de
l'entourage de l'enquêteur. Au cours de l'étude, d'autres
créateurs d'entreprise sont venus enrichir l'enquête après
avoir été recommandé par les premiers. Concernant les
accompagnateurs : Plusieurs structures ont été
sollicitées. Dans le temps imparti deux ont accepté de
répondre à nos questions.
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c) Elaboration d'un outil de recueil de données
: le guide d'entretien
Le choix de notre méthode de recueil s'est
orienté vers un entretien individuel semi-directif. Cela nous permettait
de cadrer le discours des interviewés tout en leur laissant une
autonomie de parole. L'organisation du guide en thématiques a permis de
cerner les différents enjeux de notre questionnement : l'approche de la
contrainte dans l'entrepreneuriat, le rôle du sentiment
d'auto-efficacité et les enjeux de son développement.
L'élaboration de question ouverte offrait néanmoins à
l'interviewé la possibilité de s'exprimer librement, le laisser
parler de son vécu, de son histoire et des épreuves
traversées. Bien que nous disposions d'une série de questions
pré rédigées, ce guide ne constituait en aucun cas un
ordre précis ni une formulation type des questions. L'enquêteur se
laissant surprendre par les réponses, pouvait adapter le guide au cours
de la discussion.
Après un cadrage introductif, les questions ont donc
été déroulées selon trois thématiques :
1. L'entrepreneuriat de nécessité
2. L'évaluation du sentiment d'auto-efficacité
3. L'évolution du sentiment d'auto-efficacité au
cours du projet
Pour chacune des thématiques, des objectifs
différents en fonction des interlocuteurs ont été
établis. Pour les entrepreneurs, nous avons formulé nos objectifs
de la sorte :
1. Comprendre les motivations de l'entrepreneur, et
éventuellement identifier une contrainte. Il était alors
nécessaire de s'enquérir du parcours de vie de
l'interviewé, de mettre en évidence les déterminants de
son intention entrepreneuriale et notamment sa perception de la
désirabilité, comme le suggère le modèle de
Shapero. Nous considérons en effet, comme décrit dans la
littérature qu'une faible désirabilité orientait
plutôt vers l'interprétation de la contrainte. La question
principale de cette thématique pouvait être résumée
ainsi : « Pourquoi êtes-vous devenu entrepreneur ? ». Des
questions rebonds permettaient d'orienter la discussion.
2. Évaluer le sentiment
d'auto-efficacité. Cet objectif répond à la question
générale suivante : « Dans quelle mesure
considériez-vous que le projet était faisable ? » Pour cela
nous avons axé nos questions autour des quatre sources
déterminant le niveau d'auto-efficacité selon Bandura. Nous avons
d'abord interrogé les expériences de
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notre interlocuteur. Cela permettait de savoir s'il
maîtrisait les étapes de création voire de
développement d'une entreprise : Quelle connaissance du monde de
l'entreprise aviez vous avant d'initier votre projet ? Quelles
expériences personnelles aviez-vous dans la réalisation des
tâches à accomplir pour devenir entrepreneur ? Montage de projet ?
Compétences administratives ? Compétences de gestion ? Puis,
nous nous sommes intéressés à ses expériences
indirectes (modèle de réussite d'entrepreneuriat chez un pair).
Dans votre entourage, avez vous des exemples de réussite dans
l'entrepreneuriat ? Ensuite nous l'avons interrogé sur le soutien
dont il bénéficiait et donc l'influence d'une persuasion verbale
venant d'autrui. Enfin, nous avons tenté de capter son état
émotionnel au moment de son intention d'entreprendre. Par ailleurs, il
nous a semblé pertinent de les interroger sur leurs attentes au
lancement du projet, afin d'intégrer leur sentiment d'efficacité
personnelle dans la configuration suggérée par Bandura et
citée précédemment.
3. Déterminer le rôle de
l'auto-efficacité dans le projet entrepreneurial. Il s'agissait ici
de répondre aux questions suivantes : « comment s'est
développé le sentiment d'auto-efficacité ? » et
« le développement ou non du sentiment d'auto-efficacité
est-il en lien avec une trajectoire prévisible du projet d'entreprise ?
». Il était d'abord nécessaire d'interroger l'entrepreneur
sur les éléments qui auraient pu renforcer son sentiment
d'efficacité personnelle, tels que les obstacles surmontés ou les
compétences acquises. Quels obstacles avez-vous surmonté et
comment ? Quelle(s) compétences pensez vous avoir acquises depuis la
création de votre entreprise ? Nous avons ensuite cherché
à comprendre ce qui avait pu aider les entrepreneurs dans le
développement de leur auto-efficacité. Avez vous
bénéficié d'un accompagnement dans la réalisation
de votre projet ? Avez vous bénéficié de formation ou
d'accompagnement quelconque depuis la création de votre entreprise ?
Lesquelles ? Pourquoi ? Nous les avons enfin interrogés sur leur
bilan, leur motivation et la satisfaction qu'ils éprouvaient à
l'égard du projet.
Pour les accompagnateurs, les objectifs et questions ont
été adaptés de cette façon :
1. Comprendre les motivations de l'entrepreneur. Le
questionnement était alors d'emblée orienté vers la
contrainte. Il s'agissait d'avoir un point de vue objectif en interrogeant les
professionnels sur l'existence supposée d'une différence entre
les
deux types d'entrepreneurs (opportunité et
nécessité). Si tel était le cas, de quelle façon
l'accompagnement s'adapte-t-il au profil de l'entrepreneur ?
2. Evaluer la connaissance des déterminants de
l'auto-efficacité. Nous avons interrogé les professionnels
sur leur connaissance de l'auto-efficacité. Ce concept n'étant
pas clairement établi, nous avons orienté nos questions vers la
mise en évidence des déterminants de la faisabilité d'un
projet d'entreprise. Quels sont les facteurs qui influencent l'envie
d'entreprendre ? Quelles sont les qualités nécessaires à
l'entrepreneuriat ? Nous avons également cherché à
comprendre l'influence de ces déterminants chez l'entrepreneur de
nécessité. A quels obstacles les entrepreneurs de
nécessité sont-ils confrontés dans leur démarche
?
3. Déterminer les éléments pouvant
agir sur le sentiment d'auto-efficacité. Nous avons enfin
interrogé les accompagnateurs à la création d'entreprise
sur les éléments qui peuvent agir sur le sentiment
d'auto-efficacité d'un entrepreneur naissant : en quoi leur
accompagnement est-il bénéfique ? quelles recommandations
complémentaires émettent-ils pour faire grandir chez l'individu
la perception de la faisabilité ?
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