1.3. De la contextualisation dans la pratique
réflexive.
Comme l'indique Desjardins (2013, p. 33), les causes de
résistance sont multiples. En résumant ses proposquatre
phénomènes peuvent l'expliquer :
1) L'injonction de réfléchir : les
approches réflexives font passer la réflexion d'abord intime
à une réflexion prescrite, obligatoire et publique.
Cettetransition est vécue difficilement car elle dévoile ses
inquiétudes, ses inaptitudes, ses erreurs.
2) L'évaluation de la réflexion : si la
réflexion est l'objet d'évaluation, les étudiants en
quête de la réponse attendue pour atteindre le but du formateur
adoptent une posture stratégique. Dans ce cas, ils ne sont pas parvenus
à susciter un véritable engagement nécessaire dans les
approches réflexives.Celles-ci supposent une autre logique dans le but
d'une transformation interne profonde. Le formateur devra alors apporter une
attention spécifique lors de l'évaluation de la
réflexion.
3) Résistance à la réflexion ou à
l'écriture : le choix de l'écriture comme médium de
l'action réflexive amène une autre variable.Le rapport à
l'écriture incluant des phénomènes d'attraction ou de
rejet, d'envie ou de peur (Barré de Miniac, 1997, p.12). Le comportement
de résistance ou d'engagement pourrait être influencé par
le rapport de l'étudiant à l'écriture. Il importe donc de
redonner du sens aux activités, accompagner le processus, associer
l'orale et l'écriture, travailler explicitement le rapport à
l'écritureen permettant tout de même aux étudiants de
questionner leur représentation et la pratique.
4) La résistance au savoir : les étudiants
sont souvent en quête de recettes et celles-ci peuvent revêtir le
sens d'une demande de textualité. Après une définition du
savoir scientifique par les recherches de Rey (2002), l'hypothèse
retenue est que les étudiants sont à la recherche d'une
contextualisation car peu familier des univers conceptuels proposés et
ont peu d'expérience.
En m'appuyant sur le quatrièmephénomène
expliqué par Desjardins (2013), il me semble intéressant
d'intégrer la contextualisation dans mon dispositif de formation puisque
c'est ce que recherchent précisément les étudiants
stagiaires dans son explication. Elle précise également qu'il
convient de favoriser des allers-retours entre conceptualisation et
contextualisation. Le réel permet donc de requestionner les
théories, de les nuancer ou de poser un regard critique plutôt que
« d'adopter une posture de soumission » face à
« La vérité ». Desjardins (2013, p. 38)
précise que le plus récent courant de professionnalisation qui
« marqué par la centration sur le développement de
compétences est en soi un appel à la
contextualisation », ce qui met en valeur le « retour de la
complexité et du réel dans les situations de formation,
puisque la compétence est un savoir-agir en contexte(Jonnaert,
2002 ; Roegiers, 2004) ».
Dans son texte, Desjardins (2013, p. 25) défile de
manière historique la formation au Québec, où il y a plus
de 40 ans la formation était assurée par les universités
et la maîtrise d'oeuvre aux facultés d'éducation :
- La première vague de professionnalisation en 1960
recouvrait l'idée d'un enseignement de qualité assise sur des
bases scientifiques solides (on retrouve ici le début de la chronologie
décrite par Marsollier (2003)).
- Puis en 1980 l'accent est mis sur la complexité de
l'acte d'enseigner et prépare les enseignants à faire face
à des situations uniques et incertaines et souvent porteuses de conflit
aux valeurs (Schön 1983).Il s'agissait de former des enseignants à
agir en contexte (Desjardins, 1999) par des « approches
réflexives, articulées à l'expérience
pratique ».
- Pour la troisième vague (2000) la
professionnalisation se poursuit en s'appuyant sur le savoir agir et le cadre
de compétences qui préparera l'individu à « agir
devant l'instabilité des situations et des contextes ». Ainsi,
Desjardins met en avant la nécessité d'une contextualisation dans
les formations afin de développer les compétences des
enseignants.
En comparant les quatre phénomènes de
résistance au descriptif chronologique, je remarque quela
contextualisation serait une solution permettant de vaincre la
résistance en formation.
En reprenant les phénomènes cités par
Desjardins (2013): obligatoire, engagement, rapport à l'écriture,
demande de textualité, ces termes sont des causes de
résistance. Dans son texte Desjardins (2013)indique qu'il y a une
diversité de pratique de formations et notamment dans le domaine de la
pratique réflexive et cite différents cadres théoriques.
Deux auteurs sont largement évoqués ainsi que leurs travaux (Devey, 1933, 1975 ;Schön,1983, 1987).Devey
aborde lui, la pensée réflexive, et Schön la pratique
réflexive.
SelonDevey, il est nécessaire de créer des
conditions propices à la réflexion, de stimuler la
curiosité, de présenter un défi véritable, de
développer des capacités langagières et l'acquisition de
connaissances préalables pour faire face à l'analyse et à
la résolution d'une situation problème.
Quant àSchön, pour développer la pratique
réflexive le professionnel doit être placé dans l'action.
Devey tranche en 2004 et affirme qu'il « fallait éviter de
plonger trop rapidement » le formé dans une situation
réelle.
Ces éléments sont également repris par
Altet (2013, p. 40).En reprenant ses propos, la pratique réflexive
permet aux enseignants de « s'adapter dans différents
contextes » et comme le précise Perrenoud (2008), elle pense
aussi que la pratique réflexive est la clé de la
professionnalisation.
D'aprèsAltet (2013), ce qui est fait en formation
professionnelle se base sur la description de Devey (1947) :
« c'est la posture et l'expérience réflexive
développées initialement qui peuvent amener ensuite à une
pratique réflexive ». Devey insiste sur les conditions
nécessaires à la réflexion.Altet soutientquant à
elle qu'il est nécessaire de mobiliser une théorie de
l'activité humaine à deux dimensions (Rabarbel&Pactie,
2005) :
- Activités productrices (finalisées par le
traitement professionnel).
- Activités constructrices (activités par
l'analyse réflexive).
De surcroît,Desjardins (2013, p. 29)précise qu'il
s'agit de porter une attention particulière aux objets
« ciblés ». Il faudra à mon sens eten amont
de ma formation, décrire ces objets afin que dans l'activité
« constructrice », ils deviennent une préoccupation
de la réflexion.
Par ailleurs, Altet(2013, p. 48)en rapportant les recherches
de Le Mourillour et Hetier(2011) : la posture réflexive doit
être réalisée à partir de ce qu'ont
réellement fait les stagiaires.
A mon avis, ces deux propos sont deux points importants qui
encadrent l'analyse réflexive car le premier va conditionner
l'efficacité du second.
Dans un des trois dispositifs rapportéspar Altet (2013,
p. 55), cette dernière précise qu'un formateur « a
à mettre en place les conditions pour permettre le développement
de la réflexivité » et qu'il y a trois niveaux
d'objectifs qui ont été traduits sous forme de principes
organisationnels.
En reprenant les propos de Altet (2013, p. 55) et selon
Vacher,c'est ainsi qu'il devient possible de développer une posture
réflexive qui répond aux trois objectifs suivants :
- Amélioration de l'efficience
professionnelle ;
- La compétence de travailler en équipe
favorisant l'apparition de la réflexivité ;
- Le développement et le maintien de l'activité
réflexive.
Pour construire les capacités du praticien
réflexif, Vacher (2010) énoncealors quatre conditions :
- La capacité à analyser la
complexité ;
- La formalisation de la réflexivité ;
- L'émergence de la perception des décalages
dans les analyses ;
- La priorité donnée au questionnement et
à l'hypothèse sur la réponse ou la solution toute
prête.
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