La mise en œuvre de la responsabilité pénale du chef de l'état en droit congolais, en droit français et en droit international.( Télécharger le fichier original )par Yves KASHOSI CIRHUZA Université catholique de Bukavu - Licence 2010 |
§4. La révision constitutionnelle du 20 janvier 2011 et l'indépendance du pouvoir judiciaire dans la répression des infractions commises par le chef de l'EtatLa Cour constitutionnelle et les juridictions militaires ont un rôle important à jouer dans la répression pénale du chef de l'Etat. La Cour constitutionnelle est le juge pénal du chef de l'Etat pour les infractions politiques de haute trahison, d'atteinte à l'honneur ou à la probité, de délit d'initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa fonction alors que les juridictions militaires sont compétentes pour le poursuivre en cas de commission des crimes internationaux. L'article 149 de la Constitution de 2006 pose le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire face au pouvoir exécutif en affirmant que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif». Il en résulte que la Cour constitutionnelle et les juridictions militaires doivent bénéficier de cette garantie constitutionnelle accordée au pouvoir judiciaire auquel ils appartiennent. En effet, selon ce principe, ... les magistrats doivent être dans l'exercice de leurs fonctions, libres de toute immixtion, injonction, ingérence, pression provenant du pouvoir exécutif (Gouvernement, Présidence de la République). C'est dans ce sens que la Constitution congolaise du 18 février 2006 à son article 151, alinéa premier indique que « le pouvoir exécutif ne peut donner d'injonction au juge dans l'exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s'opposer à l'exécution d'une décision de justice ». Aussi, le Comité des Droits de l'homme de l'ONU a considéré que l'indépendance du tribunal est un élément essentiel de garantie de bonne justice et qu'il repose sur une séparation des pouvoirs121(*). a. La loi de révision constitutionnelle du 20 janvier 2011 122(*) Cette loi a porté atteinte au principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire à l'égard du pouvoir exécutif qui pourtant était renforcée dans la Constitution de 2006. En effet, dans la Constitution de 2006, le Parquet des Cours et Tribunaux civils et ainsi que l'Auditorat militaire faisaient partie du pouvoir judicaire. Mais la révision constitutionnelle de 2011 a supprimé le Parquet et l'Auditorat dans l'énumération des titulaires du pouvoir judiciaire123(*). Selon l'article 149 de cette loi, « le pouvoir judiciaire est dévolu aux cours et tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour militaire ainsi que les cours et tribunaux civils et militaires ». Dès lors, le Parquet et l'Auditorat relèvent désormais de l'exécutif et est de ce fait sous l'autorité du ministre ayant la justice dans ses attributions. Cette situation est contraire à l'indépendance du pouvoir judiciaire qui tire son origine de la séparation des pouvoirs, cette dernière interdisant qu'un organe cumule deux ou trois pouvoirs124(*). Bien avant cette révision, le Parquet et l'Auditorat étaient sous le pouvoir du Ministre ayant la justice dans ses attributions. Mais il nous semble que le pouvoir de ce Ministre se limitait uniquement à appliquer et à contrôler l'exécution de la politique répressive du Pays étant donné que l'exécution de cette politique, et donc aussi son contrôle, relèvent du pouvoir exécutif. En réalité, dans son action, le Ministère public est libre bien qu'il doit se conformer à la politique criminelle de l'Etat ; d'où l'adage « la plume est serve, mais la parole est libre 125(*)». Au regard de ce qui précède, nous remarquons que s'agissant des poursuites contre le chef de l'Etat, le Parquet près la Cour constitutionnelle ainsi que l'Auditorat des juridictions militaires risqueraient de ne pas bénéficier de l'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions répressives étant donné leur suppression dans l'énumération des titulaires du pouvoir judiciaire. Nous tomberons dans une situation dans laquelle le pouvoir judiciaire pourrait être contrôlé dans sa mission par le pouvoir exécutif alors « qu'une situation dans laquelle les fonctions et les attributions du pouvoir judiciaire et du pouvoir exécutif ne peuvent être clairement distinguées ou dans lesquelles le second est en mesure de contrôler ou de diriger le premier est incompatible avec le principe d'un tribunal indépendant 126(*)». Nous craignons que les magistrats ne règlent les affaires dont ils sont saisis sans impartialité, sans restriction et sans être l'objet d'influence, pressions, menaces ou incitations ardues, directes et indirectes127(*). * 121 Télésphore KAVUNDJA N. MANENO, Droit judiciaire congolais. Organisation et compétence judiciaires, TOME I., 2008, p. 28. * 122 Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, in Journal officiel de la Rép. Démocratique du Congo, n° spécial, 52ème année, Kinshasa, 1 février 2011. * 123 Exposé des motifs, point 4 de la loi précitée. * 124 Article 149 de la Constitution de 2006 : « Il est dévolu aux Cours et Tribunaux qui sont : la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d'Etat, la Haute Cour militaire, les cours et tribunaux civils et militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions.» * 125 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT (Sous la direction de), Lexique des termes juridiques, 14e éd., Dalloz, Paris, 2003, 347. « Principe en vertu duquel les membres du Parquet sont tenus de prendre par écrit des réquisitions conformes aux instructions de leurs supérieurs hiérarchiques, mais libres, à l'audience, de développer oralement des conclusions différentes reflétant leur propre convictions.» * 126 Télésphore KAVUNDJA N. MANENO, op. cit., p. 28. * 127 CENTRE POUR LES DROITS DE L'HOMME, Droits de l'homme et élections. Guide des élections : aspects juridiques, techniques et relatifs aux droits de l'homme, Série de formation professionnelle n° 2, Nations Unies, New York et Genève, 1994, pp. 8-9. |
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